Sur son compte Instagram suivi par 1,7 million d’abonnés, la mannequin et chanteuse Lil Miquela peaufine son style à chaque cliché, prend la pose pour Samsung aux côtés de l’actrice Millie Bobby Brown, s’invite au dernier défilé de Burberry et fait l’autopromotion de son clip musical, visionné près d’un million de fois sur YouTube. Le seul hic dans ce tableau parfait? Lil Miquela n’existe pas, du moins pas hors des frontières codifiées d’Internet.

KIM KARDASHIAN ET NOONOOURI @NOONOOURI

Créé numériquement de toutes pièces par la compagnie californienne Brud en 2016, l’avatar prête son minois frondeur, caressé par une multitude de taches de rousseur, à des marques comme Prada, Pat McGrath et Calvin Klein. Hors norme il y a trois ans à peine, la jeune femme est aujourd’hui loin d’être la seule au pays des influenceurs virtuels. Parmi ses compatriotes? Son ami Blawko (il n’est d’ailleurs pas rare de les voir ensemble sur Instagram); la mannequin et égérie de Balmain, Shudu; la Japonaise Imma ou encore Noonoouri, conçue par le graphiste allemand Joerg Zuber.

SHUDU POUR BALMAIN @SHUDU.GRAM

Alors que Chiara Ferragni et Aimee Song accumulent des millions d’abonnés sur Instagram, Noonoouri, qui n’en a «que» 330 000 et quelques, compte parmi ses multiples clients les plus grands noms de la mode, de Marc Jacobs à Cartier, en passant par Dior, Burberry et Versace. De quoi faire pâlir d’envie n’importe quelle influenceuse bien réelle!

Surfant sur le buzz, Tommy Hilfiger, qui a travaillé avec Noonoouri par le passé, a l’intention de développer dans un avenir proche ses propres muses virtuelles. Quant à la maison parisienne Balenciaga, elle a fait appel à l’artiste danois Yilmaz Sen pour donner vie aux quatre mannequins – Elsa, Jocelino, Hxeoni et Ruben – de sa campagne printemps-été 2019.

Le métier de top sera-t-il bientôt révolu, alors qu’une marque peut elle-même choisir le visage, la silhouette et le style de celle qui la représente? Ces égéries de synthèse, qui n’existent pourtant que dans un monde purement numérique, sèment la controverse. Bon nombre d’internautes n’ont pas tardé à pointer du doigt la promotion de nouveaux standards de beauté irréalistes, impossibles à atteindre, par le biais de ces filles «pixelisées» qui ne vieillissent jamais. Imma et Lil Miquela, qui a 19 ans depuis quatre ans, pourraient passer pour de «vraies» jeunes femmes. Noonoouri, elle, affiche un physique de poupée, de grands yeux charbonneux et des jambes vertigineuses. Et lorsqu’elle vante les mérites d’une crème de beauté, même si elle ne pourra jamais la tester, on est en mesure de se demander si le métier d’influenceur, lui, ne toucherait pas à sa fin…