Il y a quelques semaines, en visitant le blogue de la très branchée boutique Unicorn, j’ai eu un coup de cœur pour une mignonne paire de chaussures Oxford. Quelques jours plus tard, en arrivant à la boutique du boulevard Saint-Laurent, je me suis rendue compte que je n’étais pas la seule à les avoir remarquées: il ne restait déjà plus ma pointure. Populaire, le blogue d’Unicorn? Et comment! Selon Amélie Thellen, la propriétaire de la boutique, quelques 4 000 visiteurs par mois le consultent pour repérer les nouveaux arrivages, prendre des nouvelles des designers qu’on distribue au magasin, ou simplement s’inspirer des photos qu’Amélie y publie.

Les médias sociaux, un outil de vente?

Il n’y a donc pas que les blogueurs qui nous causent chiffon sur le Net: les grands designers aussi s’y mettent. Prenez Diane von Furstenberg, dont la page compte plus de 42 000 abonnés sur Twitter. La créatrice de 64 ans peut aussi bien y mentionner son dernier défilé à São Paulo, écrire qu’elle ne manquera pas le prochain épisode d’America’s Next Top Model ou carrément demander l’avis de ses abonnés sur sa dernière création. Ses tweets ne sont pas de simples paroles en l’air: ils sont responsables d’une augmentation de 13% de la fréquentation de son site web.

«Grâce aux médias sociaux, les marques peuvent désormais entrer en relation avec des individus et alimenter une conversation au quotidien», croit Yanick Bédard, directeur des opérations interactives chez Sid Lee. Selon lui, non seulement les médias sociaux permettent des retombées de plus en plus intéressantes, mais ils nécessitent très peu d’investissement: il suffit d’un interlocuteur qui saura entretenir une conversation avec les internautes. Mais pour créer un dialogue, le publicitaire précise qu’il ne faut pas se contenter de publier du contenu promotionnel sur la page Facebook de la marque. Celui qui a notamment travaillé sur le compte d’Adidas Originals a remarqué que, plus on posait des questions précises, plus on suscitait de réactions. «Si on demande simplement: "Le doré sur les chaussures, vous aimez ou pas?", on risque de générer 250 commentaires de toutes sortes», explique-t-il. Ce dialogue apparaîtra sur la page Facebook d’Adidas Originals et sur celle de tous ceux qui y ont contribué, mais aussi sur le site web de la marque, décuplant ainsi la visibilité de cette dernière. 

Suite: les médias sociaux, un couteau à double tranchant?

 

Yanick Bédard prévient toutefois que l’utilisation des médias sociaux peut être un couteau à double tranchant. Car plus il y a d’interlocuteurs qui participent à une conversation, plus on risque d’en perdre le contrôle… et de voir apparaître quelques commentaires, disons, indésirables. Voilà pourquoi certaines grandes marques, soucieuses de leur image, restent encore réticentes face à des plateformes aussi démocratiques. Le publicitaire croit toutefois que les designers ou les boutiques de niche comme Unicorn ont tout à gagner en mettant à profit les médias sociaux.

Une communauté en ligne

Selon les chiffres de Facebook, près de 16 millions de Canadiens consacreraient plus d’une heure par jour à ce réseau. Pas étonnant alors que les marques québécoises prennent peu à peu le virage du Web 2.0, tandis que de nombreuses griffes canadiennes y roulent déjà à pleine vitesse. L’une des plus présentes sur toutes les plateformes sociales est la marque de vêtements de yoga Lululemon, basée à Vancouver. On peut regarder des vidéos de leurs dernières collections sur YouTube, demander conseil à un yogi chevronné sur leur blogue, découvrir un nouveau studio de Pilates sur leur groupe Facebook ou même partager les photos du dernier marathon auquel on a participé sur leur compte Flickr… «Les médias sociaux ont l’avantage de rejoindre une large audience, tout en conservant une impression de proximité», considère Carolyn Coles, directrice des communautés en ligne pour Lululemon.

«Les utilisateurs des médias sociaux s’attendent à ce que leur voix soit entendue, et à ce qu’il y ait un dialogue avec la marque avec laquelle ils ont choisi d’interagir», remarque quant à elle Tracy Fellows, vice-présidente marketing à Holt Renfrew. La luxueuse chaîne de vêtements n’a d’ailleurs pas hésité à donner le droit de parole aux utilisateurs en organisant l’an dernier un concours de blogueurs. «Cette initiative a beaucoup contribué à l’interactivité de notre page Facebook», souligne d’ailleurs Tracy Fellows.

Suite: avec les téléphones intelligents, une nouvelle façon de magasiner?

Une nouvelle façon de magasiner

Et, comme quoi avec les médias sociaux tout est une question de réciprocité, il arrive que les amateurs d’une marque démontrent leur attachement à celle-ci de manière détournée… Par exemple, de nombreux items tirés du site de Holt Renfrew apparaissent sur Polyvore, un outil interactif qui permet à des stylistes en herbe de créer leurs propres collages avec des vêtements grappillés un peu partout sur l’Internet. Si on aime un morceau, on clique dessus et hop! Nous voilà sur le site de la marque, ou carrément sur leur boutique en ligne. La toute dernière application iPhone du magazine Vogue met de l’avant un concept semblable: parmi les différents looks présentés par les stylistes du magazine et les annonceurs, on sélectionne nos coups de cœur et, si on ne peut vraiment pas résister, la possibilité de les acheter se trouve… au bout de nos doigts!

Selon Yanick Bédard, d’ici quelques années, les téléphones intelligents risquent de changer notre manière de magasiner grâce entre autres au location-based marketing, une approche qui utilise la position géographique des usagers pour leur proposer des services à proximité. «Depuis quelques mois, les applications comme Foursquare sont très populaires», constate-t-il. En mettant le pied dans une boutique ou un restaurant, on peut y lire via notre téléphone intelligent les commentaires que d’autres usagers ont laissé sur ceux-ci. Et, plus on fréquente un lieu, plus on obtient des badges qui pourront nous valoir certains privilèges.

«Lors de la dernière Fashion Week de New York, par exemple, Marc Jacobs a créé le badge "Fashion Victim". Les usagers de Foursquare qui fréquentaient les boutiques de Marc Jacobs pouvaient obtenir ce badge et courir la chance de gagner des billets pour assister à son défilé», mentionne Yanick Bédard. Si on compte de plus en plus d’utilisateurs de Foursquare dans une ville comme New York, on observe encore très peu d’activité pour ce qui est des boutiques montréalaises qui y sont répertoriées. Une enquête récente démontrait que les Québécois étaient encore très frileux pour se connecter à Internet via un téléphone intelligent, entre autres parce que les frais de services sont beaucoup plus élevés ici qu’aux États-Unis. Mais voilà qui pourrait alimenter un tout autre genre de conversation…mere-facebook.jpg

 

 

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