Le plus ancien objet provenant de Holt Renfrew que possède le Musée McCord est une petite boîte ronde datant du 19e siècle, ornée d’une élégante inscription manuscrite. On y lit que le carton en question servait autrefois d’écrin à une cape en fourrure, et que son heureuse propriétaire répondait au nom de Miss Hall. «Je présume que Mlle Hall faisait partie de la haute société parce que, même à cette époque, les fourrures étaient un produit de luxe», raconte Cynthia Cooper, conservatrice de ce musée qui détient la plus importante collection de costumes canadiens du pays.

Cent soixante-quinze ans plus tard, les emplettes qu’on fait dans le grand magasin ne sont plus emballées dans une jolie boîte portant une inscription calligraphiée, mais dans un sac rose fuchsia visible à des lieues à la ronde. Malgré ce packaging revu et corrigé pour être bien de son temps, le nom de Holt Renfrew, lui, a toujours la même aura de chic et d’exclusivité qu’autrefois. L’ancienne chapellerie fondée au Québec a aujourd’hui pignon sur rue dans tout le Canada et importe d’Europe et des États-Unis des marques incontournables pour celles qui peuvent se les permettre: Chanel, Marc Jacobs, Stella McCartney, Prada, Louis Vuitton, Roberto Cavalli…

«Le fait que les dirigeants de Holt Renfrew parlaient français et venaient du Québec les a beaucoup aidés à obtenir des licences de distribution pour les grandes marques parisiennes au Canada dans les années 1950 et 1960», croit Alexandra Palmer, conservatrice principale au Royal Ontario Museum. «Et puis, comme les Français avaient tendance à mettre les Canadiens dans le même panier que les Américains (qui avaient le plus grand pouvoir d’achat!), les acheteurs de Holt Renfrew avaient l’occasion de voir les défilés parisiens en même temps que les représentants de Bergdorf Goodman et de Neiman Marcus… c’està- dire avant tout le monde!»

 

En 1951, Alvin Walker, le président de Holt Renfrew, réussit un sacré coup: convaincre la maison Dior de lui céder l’exclusivité de sa distribution au Canada. Cerise sur la machine à coudre, Dior consent à installer une annexe de son atelier de couture à Montréal, chez Holt Renfrew, afin que les clientes canadiennes aient droit elles aussi à des modèles taillés expressément pour elles. On dépêche la première de l’atelier parisien, Mme Ginette Steinman, pour superviser les 10 à 15 couturières québécoises nouvellement embauchées. On est alors en plein âge d’or de la haute couture, une époque faste où le sur-mesure est monnaie courante…

«Pour moi, Holt Renfrew est entré dans une ère nouvelle au cours des années 1980 et 1990, lorsque Carolyn Weiner est devenue son acheteuse principale », se souvient Barbara Kingstone, journaliste de longue date, qui a notamment écrit pour la section Style du journal Globe & Mail. «Avant Carolyn, la sélection était très conservatrice, très guindée. Cette femme a réussi à faire entrer des marques jeunes, nouvelles, très avant-gardistes pour l’époque, comme Thierry Mugler, Claude Montana… » Depuis, les acheteurs du magasin n’ont jamais cessé de prendre le pouls des nouvelles tendances: les collections les plus marquantes de Paris, Milan, Londres ou New York s’y retrouvent chaque saison, tout comme les créations de designers plus avant-gardistes en voie de consécration. En ce moment, on peut par exemple s’y procurer des pièces de Carven, d’Erdem ou de la marque torontoise Greta Constantine, toutes des griffes encore confidentielles, mais en passe de devenir cultes. L’histoire est loin d’être finie…

 

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En 1837, un commerçant irlandais, William Samuel Henderson, rachète à ses associés la chapellerie qu’ils ont fondée ensemble trois ans auparavant, rue Buade, à Québec. Quelques années plus tard, l’endroit est devenu un grand magasin spécialisé en fourrures, qui compte quatre ateliers de confection.

 

 

 

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Pour le 175e anniversaire du magasin, des designers tous azimuts (dont Christian Louboutin) ont créé des objets en série limitée.

 

 

 

 

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