L’inspiration

Pas nouveau pour un sou, même s’il brille en force cette saison, le blazer à épaulettes revendique depuis des décennies son style affranchi, un brin conquérant. C’est qu’il trouve son origine du côté de l’univers martial, en s’inspirant du kamishimo, un vêtement traditionnel et cérémonial que portaient les samouraïs par-dessus leur kimono et qui accentuait fortement leur carrure, de même que des épaulières, une pièce en fer fixée à l’armure des soldats au Moyen-Âge qui protégeait leurs épaules des coups des épées ennemies. Dès le 18e siècle en Occident, la plaque de protection change de forme, de nom et de fonction pour devenir l’épaulette, un ornement de passementerie boutonné à l’épaule qui indique le grade de son porteur et qui continue aujourd’hui de décorer l’uniforme militaire.

La genèse

Dans les années 1930, la créatrice italienne Elsa Schiaparelli, connue pour son style avant-gardiste, présente à sa clientèle féminine un blazer aux épaules rembourrées, piqué à la garde-robe masculine et inspiré du vestiaire militaire. Il faut pourtant attendre la Seconde Guerre mondiale pour que cette tendance se démocratise. Appelées à retrousser leurs manches à l’extérieur du foyer, les femmes endossent des blouses et des vestons à la forte carrure, un clin d’œil à l’uniforme des soldats partis au front.

Une fois l’armistice signé, la mode retrouve une certaine forme de légèreté et privilégie dès lors une allure féminine et élégante, à la silhouette douce et cintrée, qui fait oublier les années de privation. Pour autant, la fameuse veste n’a pas dit son dernier mot… Dans sa collection printemps-été 1967, Yves Saint Laurent présente le premier tailleur-pantalon, un an après la création de son légendaire smoking. Si la tenue résiste à adopter une envergure démesurée, du moins jusque dans les années 1970, elle est déjà le symbole d’une ère nouvelle, dans laquelle la femme défie les convenances et s’impose sans compromis.

La consécration

Les eighties, décennie du fric et de Wall Street. Sur les passerelles, la mode joue la carte de l’opulence. Chez Thierry Mugler, Claude Montana, Giorgio Armani et Yves Saint Laurent, la veste à épaulettes dessine la carrure d’une femme de tête, professionnelle et aguerrie, qui ne craint pas de jouer des coudes et des épaules pour arriver à ses fins. Ce power suit, comme on l’appelle alors, devient une métaphore du pouvoir, et est adopté tant par la première ministre britannique Margaret Thatcher, surnommée «la Dame de fer» dans un monde majoritairement masculin, que par Joan Collins dans la série Dynasty ou encore par l’actrice Melanie Griffith, qui tente, dans Working Girl, de remplacer sa boss.

L’héritage

Depuis les années 1980, l’éminent vêtement revient au fil des saisons et des tendances. Cet automne, les créateurs – notamment Demna Gvasalia chez Balenciaga, et Sarah Burton chez Alexander McQueen – ont eu envie d’épaulettes exagérées, sculpturales et théâtrales. Quand le veston se déride et s’amuse de son extravagance, le résultat s’envole dans les hautes sphères du style!

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