Son parcours. Jean-Paul Goude est né au début des années 1940, dans un Paris qui commence à vibrer au son de la culture américaine. Lui-même fils d’une professeure de danse née aux États-Unis, il grandit dans un univers marqué par cet imaginaire outre-Atlantique. Très doué en dessin, il ne cesse également de croquer des silhouettes et des personnages inspirés de ses lectures de bandes-dessinées. Autres influences majeures de son enfance : le Musée des Colonies, situé en face de chez lui, et le zoo, deux lieux qui évoquent l’ailleurs, l’exotisme et l’Afrique fantasmée qui ne cessera de guider son processus créatif. «Aujourd’hui, j’ai presque honte de citer le Musée des Colonies comme une influence mais il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Parmi les colonisateurs, nombreux sont ceux qui étaient sincèrement tombés amoureux de la culture africaine, de ses paysages et surtout de la beauté de ses habitants. Ils en ont ramené des témoignages élogieux. Je ne peux pas renier ça car c’est mon histoire personnelle, la seule que j’ai, ça fait partie de moi.» Étudiant à l’école des arts-déco, il découvre vers 18 ans les comédies musicales américaines des années 50, l’âge d’or du genre cinématographique. C’est le déclic. Passionné de danse, il ne cessera d’explorer le mouvement des corps pour parvenir à le restituer en photographie. Par ailleurs, à la fin des années 1960, son envie de partir à la conquête des États-Unis se concrétise. «Ce sont mes facilités en dessin qui m’ont ouvert la voie et permis de vendre mes idées.»

Son expérience américaine. En 1969, il quitte Paris et s’installe à New York, où il prend la direction artistique du magazine Esquire. On lui donne carte blanche et le jeune homme laisse libre cours à son imagination. Il comprend vite que sublimer, tordre et exagérer les formes et les morphologies sont un moteur de sa créativité et un trait de caractère fondamental de sa personnalité. Dans les années 1970, la série d’images «The French Correction» qui use de prothèses et de subterfuges pour magnifier les silhouettes à travers le vêtement, fait grimper sa notoriété. Mais la consécration artistique suit sa rencontre avec la chanteuse Grace Jones, qui devient sa compagne et sa muse: «Grace correspond à la période de ma vie où j’ai été le plus inspiré professionnellement. Ça a duré cinq ans environ.» Avec elle, il met en scène et réalise en 1982 A One man Show, puis publie son premier livre d’images, Jungle Fever, en 1983. Malgré leur séparation, cette phase artistique a laissé des images qui n’ont pas pris une ride! Interrogé par Stéphane Le Duc au sujet de l’intemporalité et du génie de ces photos, Jean- Paul Goude explique avec humour: «Quand la mayonnaise prend et que je sens que je prépare quelque chose de bon, mes oreilles chauffent et deviennent toutes rouges. Ça ne m’est pas arrivé souvent, mais là, oui!»

Jean-Paul et la mode. De retour en France dans les années 1980, Jean-Paul Goude rencontre Farida Khelfa, sublime actrice et mannequin franco-algérienne qui devient sa nouvelle muse. «Farida m’a fascinée. Elle faisait la loi.» Débute une collaboration à laquelle il intègre le couturier Azzedine Alaïa, minuscule aux côtés de cette beauté de 6 pieds, et qui donne lieu à une superbe série d’images, d’autant plus puissante qu’elle éclot dans un contexte social où la France, de plus en plus mixte, prône l’intégration. Puis, Jean-Paul Goude se lance dans la réalisation de films publicitaires et immortalise Vanessa Paradis en oiseau de paradis pour le parfum Coco de Chanel. Ses publicités pour la fragrance Égoïste, de Chanel encore une fois, et pour Perrier, remportent des prix et font encore partie de l’imaginaire collectif. Naît ensuite une riche collaboration avec Les Galeries Lafayette, grands magasins parisiens, qui durera 15 ans et au cours de laquelle il parviendra à mettre en scène les plus grands mannequins mais également les designers les plus célèbres, de Valentino à Christian Lacroix en passant par Jean Paul Gaultier «que je respecte énormément et que j’aime plus que bien!», Marc Jacobs et John Galliano, quasiment nu… Comment a-t-il fait? «Galliano, il a fallu le flatter. Je lui ai dit qu’il avait de belles jambes. Après ça, il ne voulait plus se rhabiller!», précise-t-il à un public hilare. Plus récemment, c’est lui qui a mis en scène et chorégraphié le défilé new-yorkais de la collection Kenzo x H&M, une réussite et un nouveau terrain de jeu: «J’ai fait le chorégraphe, tout ce que j’avais envie de faire 30 ans plus tôt».

La légendaire pub pour Coco, de Chanel, réalisée par Jean-Paul Goude.

La clé de sa longévité. Une carrière et un succès qui durent depuis presqu’un demi-siècle, des stars telles que Mariah Carey, Jessica Chastain, Kim Kardashian et beaucoup d’autres qui se plient à ses fantaisies, des marques ultraconnues qui appellent son génie à la rescousse. Comment explique-t-il la pérennité de son parcours? «En fait, j’ai toujours eu la chance de pouvoir vendre mes fantasmes à une industrie.» Et ses fantasmes : le corps, l’érotisme, l’exotisme, la danse, les femmes et l’Afrique, mère nourricière de son imaginaire, sont-ils toujours aussi vivaces? Oui. Et sa compagne des 20 dernières années, Karen Park, qu’il a plusieurs fois mise en scène, y participe. «C’est la bonne», souligne-t-il, charmeur et charmant. Pour un homme séducteur et amoureux du corps de la femme qui avoue, au sujet de ses muses passées, que plus d’une fois dans sa vie, il a fini par préférer le personnage fantasmé à la femme du quotidien, c’est une belle déclaration! Merci Monsieur Goude.

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