Kate Moss a été découverte à 14 ans dans un aéroport alors qu’elle attendait un vol avec son père. Coco Rocha participait à une compétition de danse irlandaise lorsqu’elle a été repérée, et Gisele Bündchen s’est fait remarquer alors qu’elle dévorait un hamburger dans un McDonald’s de Sao Paulo (comme quoi, la junk food a du bon!). À l’origine de la carrière de ces mannequins stars, il y a un homme ou une femme, communément appelé «scout», qui a perçu la beauté particulière et encore brute d’un visage adolescent. Que cherche-t-il exactement? Où va-t-il pour espérer trouver la perle rare? Des pros ont accepté de nous parler de ce métier de l’ombre.

Comment devient-on scout?

Il n’existe aucun diplôme ni formation pour devenir scout. «C’est avant tout une question d’œil», souligne Arielle Day, agente chez Folio, l’une des plus importantes agences de Montréal. Jeni Rose, scout internationalement reconnue qui travaille pour IMG Models à Paris, ajoute: «J’aimerais pouvoir vous dire que ce métier s’apprend mais, pour moi, on a l’œil ou on ne l’a pas.» D’ailleurs, la majorité des scouts sont d’anciens mannequins, des stylistes ou des gens qui connaissent parfaitement l’industrie de la mode et ses attentes. «Un bon scout sait exactement ce que l’agence recherche et décèle le potentiel au-delà d’un appareil dentaire, de problèmes de peau ou d’une attitude un peu gauche», précise Andrea Gratton, ex-mannequin, devenue chef du département de scouting et des nouveaux visages de l’agence Next, à Montréal.

Les grandes agences internationales ont souvent plusieurs scouts affiliés qui sillonnent le monde pour elles à la recherche de nouveaux visages. Ici, le marché est plus petit, et les agences travaillent généralement avec des scouts indépendants qui leur envoient les candidats qu’ils ont repérés. Mais il arrive aussi que les agents de mannequins débusquent eux-mêmes les nouveaux visages. «Je ne peux pas m’en empêcher, avoue Andrea. Que ce soit à l’épicerie, dans un café ou ailleurs, je garde toujours un œil ouvert.» Même chose pour Antonella Mainella, directrice de Folio. Des cas plutôt rares, car, à la différence d’un agent, qui gère la carrière des top-modèles, le scout déniche la beauté là où elle se cache.

Et où se cachent les visages de demain?

Là où fleurit la jeunesse: les centres commerciaux, les cafés, les événements sportifs, certains festivals de musique ou concerts. «Si Justin Bieber fait un show en ville, on aura quelqu’un sur place, c’est sûr!» précise Antonella, avec un sourire. Elle ajoute qu’il n’est pas rare que Folio organise des concours ou des rencontres avec ses agents dans des centres commerciaux, des écoles de danse ou de gymnastique, etc. Mais le scout n’a pas d’horaire, car on peut croiser un visage marquant au détour d’une rue. «Il nous arrive même de courir après quelqu’un qui a attiré notre attention», ajoute Arielle.

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C’est là que les choses se compliquent. Difficile, de loin, de distinguer clairement des traits ou de se faire une idée précise de la taille de quelqu’un. Et, entre nous, pas besoin d’être scout pour comprendre que la distance est parfois trompeuse! Antonella explique: «Si l’on repère une personne et que la situation le permet, on prend le temps de l’observer sous différents angles, on prête attention à sa démarche, à son attitude. Il peut même nous arriver de la suivre quelque temps avant de l’approcher. Ça fait un peu weirdo, je sais. (rires)»

Justement, comment savoir si un soi-disant scout est fiable? À ce sujet, les agences sont très rigoureuses dans leurs critères de sélection. Eh oui, les scouts aussi passent des auditions. «Étant moi-même maman, je détesterais que mon ado soit approché par un inconnu, explique Andrea. On ne travaille qu’avec des gens sérieux et dignes de confiance qu’on rencontre plusieurs fois au préalable et on vérifie les antécédents. Si tous les membres de l’agence sont d’accord, on lui remet une carte qu’il peut ensuite distribuer à des candidats potentiels.» Cette carte réfère directement aux coordonnées de l’agence et, si la personne est mineure, c’est aux parents de rappeler cette dernière. Là-dessus, nos
 pros sont unanimes: «La communication passe par les parents», précise Antonella.  

Mais que recherche le scout exactement? 

«C’est difficile à expliquer, concède Arielle. Il y a la taille, évidemment, un minimum de 1,72m (5pi8po) pour une fille et de 1,82m (6pi) pour un garçon, et il faut être élancé. Mais il n’y a pas de critères sévères et spécifiques, même si nous savons exactement le type de beauté que nous recherchons.» Chez Next, Andrea précise que, au-delà de la taille minimum requise, le large éventail de clients de l’agence lui permet d’ouvrir la porte à différents genres de beauté. «Pour une pub, par exemple, les critères ne sont pas les mêmes que pour un défilé ou une séance photo. On a également des mannequins taille plus. Et la personnalité peut faire toute la différence.»


Un avis que partage Antonella: «C’est un facteur de plus en plus pris en compte. Les photographes et les directeurs de casting remarquent les personnes qui ont des loisirs
 et des intérêts en dehors du mannequinat, une énergie positive et une certaine discipline de vie et ils aiment travailler avec elles.» Et c’est tout aussi vrai à l’échelle nationale qu’internationale! «C’est, selon moi, ce qui a le plus changé dans l’industrie. Au-delà de la beauté, nos clients veulent une fille qui a une histoire. Une fille cultivée, curieuse, éloquente et qui sait exprimer son individualité», précise Jeni.

Évidemment, la beauté dite classique est toujours prisée. Mais, là encore, quels sont les critères qui la définissent? «C’est un ensemble d’éléments. Au-delà des traits, c’est une présence, un charisme. Je perçois cette beauté dès qu’une personne se trouve devant moi», ajoute Andrea. Ce flair est-il infaillible? Pas toujours. Et, une fois de plus, les pros sont d’accord: «On a parfois des surprises!» avoue Antonella. La faute à un détail essentiel et indécelable à l’œil nu: la photogénie.

Un détail de taille: la photogénie

La beauté: vaste sujet. Dans une société où les mannequins sont censés incarner un idéal féminin ou masculin, les scouts et les agents se heurtent souvent à l’incompréhension. Car il ne suffit pas d’être belle pour être mannequin. C’est probablement l’amalgame le plus répandu et le plus difficile à expliquer avec tact aux nombreux aspirants qui tentent leur chance, gonflés d’espoir. «Certaines filles tout simplement sublimes débarquent à l’agence. On fait immédiatement des tests photo et, là, il ne se passe rien. D’autres, au contraire, se révèlent à l’image, nous explique Andrea. Ce sont des filles au visage imparfait, voire étrange, mais qui capte la lumière ou dégage une énergie et une intensité extraordinaires.» C’est imprévisible, et presque injuste. Surtout quand il faut l’annoncer à un jeune dont on a le pouvoir de concrétiser le rêve. «C’est tellement délicat, avouent en chœur Antonella et Arielle, parce qu’à cet âge-là, l’apparence est importante, et la confiance en soi est fragile. On ne veut pas «casser» ces candidats, bien au contraire. Et si on ne choisit pas une personne, ça ne veut aucunement dire qu’elle n’est pas jolie. Ça n’a rien à voir.» Pour Jeni, c’est la partie la plus difficile du métier. «En tant que maman, je déteste décevoir une fille. Mais, parfois, notre agence n’est tout simplement pas la bonne pour elle ou le timing est mauvais. Je prends toujours le temps d’expliquer la décision, avec attention et respect.»

Instagram et les réseaux sociaux, un atout?

L’explosion des réseaux sociaux, notamment d’Instagram, a certainement changé le rapport à l’image d’une génération qui a grandi avec un cellulaire en main, prompte à publier un selfie. Cette mise en scène de soi et cette connaissance de ses «bons angles» sont-elles un atout si l’on veut devenir mannequin? Arielle est catégorique: «La duck face, c’est le contraire de ce que l’on recherche chez Folio.» Mais nos pros considèrent volontiers Instagram comme un outil de travail utile et une source incontournable de nouveaux visages.

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Chez Next, la création du hashtag #AmINextCanada permet à des candidats potentiels de soumettre en un clic des photos qui sont directement visionnées par l’équipe.

Chez IMG Models, Jeni Rose a fortement contribué au lancement, en décembre 2014, de #WLYG et de la page Instagram @WeLoveYourGenes. Pour elle, cette initiative a révolutionné la façon dont travaillait l’agence depuis 30 ans. «En moins d’un an, non seulement nous avons recruté d’incroyables mannequins à travers le monde, mais en plus, le succès ne fait que croître, et nous avons désormais une équipe de scouts numériques!»

Chez Folio, on tient tout de même à apporter un bémol. «Être en studio devant un photographe, c’est autre chose que de se prendre en photo chez soi. Beaucoup de filles adoptent systématiquement la même mimique parce qu’elles la considèrent comme flatteuse. On les sent réticentes à l’idée de s’exposer différemment alors que c’est justement ce qu’on demande à un mannequin», explique Antonella. Lorsqu’il est excessif, ce contrôle sur son image fausse la donne, en partie parce que la perception que l’on a de sa propre beauté est souvent bien différente de celle qu’en ont les 8 pros de l’industrie. «Lorsqu’on montre aux filles les photos qu’on a prises d’elles, leur préférée est rarement celle que l’agence a choisie», souligne Antonella. Ironie du sort confirmée par nos pros: au-delà des tendances et des époques, les plus belles découvertes des scouts sont souvent les personnes qui ne sont pas conscientes de leur beauté… «Il est arrivé plus d’une fois que ce soit la belle fille, probablement la plus populaire de son école, qui nous approche. Alors que nous, celle qu’on a repérée, c’est sa copine plus discrète ou sa sœur un peu tomboy, qui n’aurait pas imaginé une seconde devenir mannequin», précise Arielle.

«Plusieurs de nos plus grandes tops ne pensaient pas avoir le potentiel de l’être avant d’être découvertes», conclut Jeni. La beauté qui s’ignore est-elle plus éclatante? Plus authentique, certainement, car elle échappe à tous les standards.  

Les bons contacts

Ceux qui désirent tenter leur chance dans le mannequinat peuvent consulter en ligne la liste de prérequis de ces quatre agences montréalaises et se présenter lors des journées portes ouvertes.

Folio: les lundis, entre 15h et 17h. foliomontreal.com

NEXT: Les mercredis entre 14h et 16h. nextmodels.ca

Montage: Les mercredis, entre 10h et 11h. montagemodels.com

Specs: Les vendredis, entre 10h30 et 12h. specsmodels.com

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