Art abstrait

Alors qu’il prépare sa collection automne-hiver de 1965, Yves Saint Laurent a un éclair de génie: reproduire les jeux de lignes et de couleurs des peintures abstraites du Néerlandais Piet Mondrian sur ses robes. Le designer, qui a créé sa propre maison de couture quatre ans plus tôt, devient du jour au lendemain une figure emblématique de la mode internationale. La presse américaine le surnomme le «Roi de Paris».

À voir: Yves Saint Laurent: les pièces iconiques

Quelque 25 ans plus tard, lorsqu’il se lance dans la création de cosmétiques, Yves Saint Laurent fait un nouveau clin d’oeil au peintre en disposant ses fards sous forme de grille dans les boîtiers du blush Variation et des ombres Quadrilumières.

Aujourd’hui, en hommage à son fondateur, la maison Yves Saint Laurent continue de s’inspirer de Mondrian: en 2014, elle a lancé la Palette Couture, où les différentes teintes, séparées par des lignes noires, rappellent les toiles du célèbre artiste.

Les fleurs du Maroc

À la suite du vif succès de sa collection Mondrian, Yves Saint Laurent, âgé de 29 ans, ressent l’envie de profiter de la vie. «Je n’ai pas été jeune: c’est ça qui me manque beaucoup, dit-il en entrevue. J’aimerais partir, tout oublier. J’ai besoin de faire des bêtises.» En février 1966, il met le cap sur le Maroc. C’est là qu’il découvre les jardins créés par le peintre français Jacques Majorelle, qui deviennent une «source inépuisable d’inspiration ». Il y voit une oeuvre d’art vivante où le vert des feuillages s’harmonise au rouge des hibiscus, aux teintes corail des fleurs de cactus et au jaune des citrons. Mais ce sont surtout deux couleurs qui le marquent à jamais: l’indigo lumineux, qui se taillera dès lors une place de choix dans sa palette, et le fuchsia.

En 1979, Yves Saint Laurent crée le rouge à lèvres no 19, qui emprunte ses feux pourpres aux bougainvilliers du Jardin Majorelle. De nos jours, le succès de ce fard ne se dément pas: il s’en vend un toutes les 15 secondes sur la planète

La beauté au masculin

En 1971, pleinement épanoui depuis son séjour au Maroc, Yves Saint Laurent décide de poser lui-même pour la campagne publicitaire de sa première eau de toilette destinée à une clientèle masculine: Pour homme. Le couturier s’affiche vêtu de ses seules lunettes, le visage nimbé de lumière comme un christ de la Renaissance italienne. L’image en noir et blanc – signée Jeanloup Sieff, photographe de mode et portraitiste renommé – déboulonne l’idée de l’homme sexuellement dominant.

À lire: Yves Saint Laurent: l’influence du designer sur la mode

Néanmoins, en 1981, lorsqu’il lance le parfum pour homme Kouros («jeune homme», en grec ancien), Yves Saint Laurent aborde le thème de la beauté masculine de manière plus «musclée»: les campagnes publicitaires exhibent des torses bombés et luisants évoquant les athlètes olympiques de l’Antiquité et une virilité affirmée. En 2002, sous l’influence de Tom Ford, la marque lance le parfum M7. La publicité, par son esthétique et l’homme nu qu’on y montre, rend hommage à celle de Pour homme, mais elle sera censurée en raison du sexe masculin qui y apparaît dans toute sa splendeur.

Peindre avec la lumière

Depuis qu’il vit entouré des tableaux de grands peintres dans sa maison de la rue de Babylone, à Paris, le couturier est de plus en plus influencé par le monde des arts. De 1977 à la fin des années 1980, il consacre une série de défilés-hommages à ses peintres préférés: Matisse, Picasso, Van Gogh, Braque… Au contact de leurs oeuvres, il apprend à faire ressortir les volumes par touches de lumière et, en 1992, développe l’idée de l’illuminateur de teint Touche Éclat, muni d’un pinceau rétractable. Ce produit révolutionne le monde du maquillage et devient culte.

L’Asie: de l’or, de la laque, de l’opium

Dans les années 1970, alors qu’il traverse une période sombre marquée par la dépression, l’alcool et les drogues, Yves Saint Laurent se passionne pour l’Asie et se met en tête de concevoir «un parfum pour l’impératrice de Chine». En 1977, il crée Opium, une fragrance orientale sulfureuse, somptueuse et addictive. La réaction qu’elle suscite est phénoménale, tout comme les retombées financières qu’elle génère. Yves Saint Laurent a alors les moyens d’assouvir sa passion pour l’art en s’offrant des tableaux de maîtres et des objets rares, par exemple des bouddhas laqués de noir et d’or. Ce contraste de couleurs devient la signature des écrins de ses cosmétiques, qui se revêtent d’or 18 carats. Aujourd’hui, les boîtiers de la marque sont simplement dorés.

L’Afrique et ses peaux d’ébène

Outre qu’il admire les grands maîtres, Yves Saint Laurent est fasciné par l’Afrique noire. Dès 1980, il fait défiler ses nouvelles muses sur les passerelles: Katoucha, une mannequin d’origine guinéenne qu’on surnomme la «princesse peule», l’Antillaise Mounia et l’Ivoirienne Rebecca, dont il fait vibrer magnifiquement les peaux sombres avec un fard à joues fuchsia et des ombres à paupières bleues et vertes.

À lire: Les femmes d’Yves Saint Laurent

En 2011, trois ans après la mort du couturier, la marque offre un nuancier de Touche Éclat composé de teintes caramel, miel et ambre, spécialement conçu pour sublimer les beautés noires ou métissées.

À DÉCOUVRIR:
> Qui sont les créateurs de tendances?
> Viktor & Rolf: un tandem surdoué
> Christian Louboutin: porrait du créateur derrière la chaussure iconique
> Thierry Mugler: l’étoile de la galaxie mode