Mode
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Rencontre avec Harris Reed: le directeur créatif de Nina Ricci
Harris Reed, le directeur créatif de Nina Ricci, laisse son empreinte dans le monde de la mode, quels que soient les défis qu’il rencontre.
par : Joanna Fox adapté par Marouchka Franjulien- 28 mai 2024
Hanna Moon
Depuis l’atelier parisien de Nina Ricci où il se trouve, Harris Reed apparaît à l’écran de mon ordinateur dans un t-shirt blanc barré du logo de la marque. «Je suis vraiment désolé de porter ça, dit le designer anglo-américain en s’excusant. Je viens de renverser un smoothie entier sur ma blouse.» C’est un lundi matin d’hiver, et je peux comprendre l’énergie qui accompagne le premier jour de la semaine. «C’est vraiment un fucking lundi, ajoute-t-il en riant. Les cristaux sont en stand-by.»
Il est difficile de ne pas succomber au charme de Harris Reed. L’attitude franche et simple de ce créateur de 27 ans est une bouffée d’air frais dans une industrie où tout le monde semble tellement réservé, parfait et bien mis. Ce qui ne veut pas dire que Harris Reed n’est pas lui-même franchement glamour. Ses longs cheveux soyeux d’un blond vénitien, sa prédilection pour les pantalons évasés et les bottillons à talons compensés, et sa facilité à brouiller les lignes de ce qui est considéré comme masculin ou féminin le font indéniablement sortir du lot. Mais ce n’est pas tant son apparence qui prime que son énergie contagieuse et le message inclusif qu’il transmet dans tout ce qu’il fait. C’est comme s’il bourdonnait à une fréquence plus élevée que les autres, débordant d’enthousiasme et de créativité et repoussant sans cesse les limites de la mode dans les domaines des normes et de la représentation des genres.
Harris Reed
Hanna MoonHarris Reed est le fils de Nick Reed, un documentariste britannique oscarisé, et de Lynette Reed, une ancienne mannequin devenue fabricante de bougies et propriétaire d’une boutique. Il est né à Los Angeles et a étudié au Central Saint Martins, à Londres — qui compte parmi ses anciens diplômés Alexander McQueen et John Galliano. Pendant ses études dans cette institution, Harris Reed a habillé Solange Knowles et Harry Styles, avant de prendre d’assaut les passerelles avec sa marque éponyme, peu de temps après la fin de ses études, en 2020. Ce créateur queer a rapidement fait à nouveau parler de lui en créant pour Harry Styles un blazer sur mesure, attaché à une jupe à cerceaux drapée de tulle et de rubans de satin rose, paru dans le numéro de décembre 2020 du Vogue américain. Avec un groupe d’amis et de clients célèbres, qui pourrait rivaliser avec la clique de Taylor Swift (dont Ashley Graham, Beyoncé, Nicki Minaj, Adele, Selena Gomez, Shakira, Miley Cyrus et Kaia Gerber), Harris Reed a été nommé directeur de la création chez Nina Ricci en septembre 2022, devenant ainsi le plus jeune designer de l’histoire de cette maison de 91 ans.
Il a déjà deux collections Nina Ricci, très bien accueillies par le public, à son actif, il a lancé sa première fragrance, Nina Le Parfum, et prépare son troisième défilé pour la prochaine Paris Fashion Week (automne-hiver 2024-2025), mais il garde les choses en perspective. «Le but de ce boulot n’a jamais été: “Je fais trois saisons, puis je vais me contenter de siroter mon café et de fumer mes fausses cigarettes à la lavande.” Je veux vraiment aller de l’avant et essayer constamment de me surpasser et d’être plus audacieux, ce qui rend ça le fun.»
En plus de jongler avec Nina Ricci et sa propre griffe, Harris Reed s’est aussi marié l’automne dernier et il vient de publier son premier livre, Fluid: A Fashion Revolution, dans lequel il examine un monde de la mode défiant les genres. «Je suis abasourdi que cet objet soit tactile et réel», dit-il à propos du livre et de l’instant où il l’a eu pour la première fois entre les mains. «J’ai toujours voulu sortir un livre, mais je pensais que ce serait bien plus tard dans ma carrière.»
Nina Ricci, Printemps-Été 2024
Gracieuseté de Nina RicciEntretien avec ce talentueux designer au sujet de son quotidien occupé, de ses deux premiers défilés pour Nina Ricci, de son premier parfum pour cette maison et de l’importance de bâtir une industrie de la mode diversifiée et ouverte d’esprit.
Comment êtes-vous arrivé chez Nina Ricci?
À ce moment-là, je cherchais à m’épanouir. J’avais ma propre marque, que j’ai toujours d’ailleurs, mais je pensais que je pouvais donner encore plus dans un espace créatif. Je suis une personne très spirituelle, et il y a eu un mois au cours duquel j’ai été approché par trois maisons différentes en même temps — Nina Ricci était l’une d’elles. Je ne sais pas s’il y a eu un moment clé, une célébrité clé ou un événement clé, mais ma boîte courriel a commencé à se remplir. Je suis allé rencontrer quelques griffes, et la maison Nina Ricci m’a semblé idéale. J’ai connecté à certaines choses, notamment les archives. Elles ont été très mal conservées, car tout ce que je croyais être de Christian Lacroix, de Pierre Balmain, d’Yves Saint Laurent et de Christian Dior était, en fait, des robes Nina Ricci qui avaient été mal identifiées sur Pinterest ou dans les livres. C’est une profonde obsession, mais je veux découvrir qui était réellement Nina et ce qu’était sa marque. Je me suis aussi bien entendu avec les gens qui travaillent dans cet atelier; donc, ç’a été une très belle expérience de me reconnaître dans une griffe.
«Le but de ce boulot n’a jamais été: “Je fais trois saisons, puis je vais me contenter de siroter mon café et de fumer mes fausses cigarettes à la lavande.” Je veux vraiment aller de l’avant et essayer constamment de me surpasser et d’être plus audacieux, ce qui rend ça le fun.»
Nina Ricci, Printemps-Été 2024
Gracieuseté de Nina RicciJ’ai assisté à votre dernier défilé Printemps-Été 2024 à Paris, qui était absolument phénoménal. Comment vous sentiez-vous à l’idée de présenter votre deuxième collection Nina Ricci?
J’étais beaucoup plus anxieux que pour la première. J’ai toujours été très clair — ça l’était aussi quand j’ai postulé chez Nina Ricci — à propos du plan de mes trois premiers défilés. Le premier était — de manière polie — à propos du fait que Nina était morte, qu’elle avait besoin d’être ranimée et que les gens devaient se familiariser de nouveau avec elle. Donc, pour moi, le premier défilé était: «Fais un coup d’éclat, mets de la couleur, fais-le exactement comme tu es.» Pour le deuxième défilé, on a augmenté l’équipe. J’ai pu embaucher des gens en qui j’ai confiance, et j’ai développé ma relation avec les personnes qui sont là depuis 20 ans. J’ai donc pu créer une belle zone de confiance afin de mieux montrer la garde-robe de tous les jours de Nina Ricci. On retrouve toujours cette esthétique fabuleuse, criarde et colorée pour laquelle je suis connu et pour laquelle la maison est, je l’espère, de nouveau reconnue: les couleurs, les pois, les rayures… et tous les grands classiques tirés des archives qui avaient été un peu perdus au fil des années. C’était donc très éprouvant de passer de «Fais un grand coup d’éclat», plein de moments VIP avec Adele, Harry Styles et Florence Pugh, à un espace où on doit aussi montrer à quoi ressemble la garde-robe Nina Ricci. Cette fois, il fallait en quelque sorte s’assurer que la personne de tous les jours s’y retrouve, tout en respectant la fabuleuse esthétique camp de Nina Ricci.
Nina Ricci, Printemps-Été 2024
Gracieuseté de Nina RicciEst-ce que la création est ainsi devenue plus facile, ou plus difficile?
Je dirais les deux. C’est plus facile parce qu’on est en train de définir le langage de la maison Nina Ricci. Lorsque j’ai commencé, je suis allé à l’atelier — qui est toujours l’atelier d’origine — et il n’y avait aucun motif, aucun bloc, aucun mannequin, rien. Aujourd’hui, nous avons le service des costumes, les différentes vestes que nous avons créées, et ce à quoi la robe babydoll ressemble. Maintenant, je peux dire: «Nous faisons du soir; voici l’épaule Nina; c’est une jupe Nina.» C’est magnifique d’avoir maintenant ces codes ADN; ça facilite le design. Mais ça devient aussi plus ardu, car le public grandit. On est passés tellement rapidement de 0 à 120 magasins. C’est pourquoi je me questionne constamment sur la modernité de la femme Nina Ricci, je me demande à quoi elle ressemble, j’explore son personnage, toujours changeant et toujours compliqué. Mais j’aime les défis.
Vos créations sont si joyeuses. Regarder votre défilé est tellement amusant. Tout exsude la joie de vivre.
L’arrivée dans une maison de haute couture où vous redéfinissez ce à quoi ressemble la cliente et ce à quoi les gens s’attendent est très difficile parce qu’il y a tellement de rigidité. Je me suis simplement dit: «Je veux que les vêtements soient amusants, je veux que la personne le ressente.» Ce que j’aime de Nina Ricci, c’est qu’on n’est pas Chanel ni Dior. Notre nom est connu dans le même domaine qu’eux, mais on n’est pas aussi grands qu’eux. On ne paie pas quelqu’un pour porter du Nina Ricci sur un tapis rouge. On est juste en train de construire notre famille de starlettes — des personnes qui veulent sincèrement passer une nuit fucking joyeuse, comme Florence Pugh, Harry Styles et Priyanka Chopra. J’aime que les gens éprouvent un sentiment d’énergie et de joie à porter les vêtements.
Nina Ricci, Printemps-Été 2024
Gracieuseté de Nina RicciLe choix des mannequins de votre défilé a été l’un des plus diversifiés que j’ai vus durant la Paris Fashion Week. À quel point est-ce important pour vous de représenter tout le monde?
À Paris, ce n’est pas si facile. J’essaie de faire avancer les choses. À Londres, où j’étais, la diversité en matière de genre, de corps, d’âge faisait partie de mon éthique, ça n’avait jamais été matière à débat. Mais en venant à Paris, je n’avais pas réalisé que ce n’était pas une chose que les gens préconisaient. Pour moi, c’était essentiel de pouvoir montrer qu’une femme est un tout, que je ne montrais pas une diversité de façade. C’est tout simplement ce que je fais en tant que designer: vous rendre joyeuses, vous faire vous sentir acceptées.
Comment faites-vous pour qu’une personne se sente belle dans ses vêtements?
C’est une question de dialogue, afin de comprendre qui est cette personne. Il s’agit de lui demander: «Comment vous sentez-vous? Que traversez-vous en ce moment? Que souhaitez-vous magnifier maintenant?» C’est tellement important de connaître le point de vue de l’autre. Je crois qu’une des raisons pour lesquelles Nina Ricci et ma marque obtiennent de nombreux éloges pour leurs tenues est qu’on travaille dans un espace où j’essaie d’écouter et de sublimer ce que la personne ressent. On peut lire sur son visage qu’elle a confiance en elle ou qu’elle est très expressive parce qu’un dialogue a eu lieu. C’est ce dialogue qui fait en sorte qu’elle se sent vraiment spéciale, vraiment validée et vraiment belle.
Parlons de parfum. Comment était-ce de créer votre premier parfum pour la Maison Nina Ricci?
Ç’a été extraordinaire. Je pense que tout chez Nina est une question de collaboration. Ma mère est parfumeuse depuis 25 ans et lorsque j’ai eu le job, j’étais enthousiasmé à l’idée de pouvoir diriger la création du côté des parfums. C’était tellement un grand moment pour moi, car je voulais qu’il y ait une belle relation entre la mode et la beauté. Ç’a été une expérience très fluide de passer d’un monde à l’autre. Le fait que ma mère ait travaillé toute sa vie dans les fragrances a été déterminant, parce que ça signifie que je sais exactement ce que j’aime et ce que je n’aime pas. Lorsque je crée quelque chose, je pense constamment à ce beau mélange entre le masculin et le féminin, et à la façon de le magnifier d’une manière moderne, à l’image de ce qu’une femme porterait.
Nina Ricci, Printemps-Été 2024
Gracieuseté de Nina RicciQue vouliez-vous que ce parfum transmette?
La confiance. C’est un mot que j’emploie beaucoup. Il y a tellement de styles en ce moment, mais, pour moi, la chose la plus importante, c’est que lorsque vous enfilez un vêtement — je l’ai toujours dit —, il devient votre armure. Et quand vous portez un parfum, c’est votre épée. J’aime l’idée que ce ne soit pas une arme, mais une protection, et qu’une personne se sente validée et confiante, et qu’elle ait cette espèce d’outil qui va tuer le dragon (j’utilise beaucoup de métaphores).
Vous êtes une source d’inspiration pour bien des personnes. Est-il difficile d’être soumis à une telle pression?
Je trouve que c’est assommant 90 % du temps, mais dans le bon sens du terme. Ça valide mon travail, ça m’accompagne quand je sors d’une réunion — et dans tout ce que j’entreprends — et je me dis: «Voilà pourquoi je fais ce que je fais, voilà pourquoi je me bats pour la fluidité, voilà pourquoi je me bats pour l’inclusivité, voilà ce en quoi je crois.» D’autres fois, je dois poser mon téléphone et m’éloigner, parce que ça devient trop lourd: deux entreprises, plusieurs projets et tant de choses en cours… Et j’essaie d’avoir une vie personnelle. Alors, ça devient un peu accaparant. Je n’ai pas trouvé l’équilibre parfait, mais je dois essayer de trouver un équilibre fluide dans le chaos, et ne pas m’en mettre trop sur les épaules.
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