Mode
L'histoire de la maison Dior en 8 moments phares
Maître de l’élégance et du bon goût à la française, Christian Dior a conquis la mode et le cœur des femmes. À l’occasion d’une exposition que lui consacre le Musée McCord, du 25 septembre 2020 au 3 janvier 2021, on retrace le parcours du couturier et de sa griffe mythique en suivant le fil des moments phares de l’histoire de la maison.
par : Marouchka Franjulien- 10 sept. 2020
Getty images
1946
Dans une autre vie, avant de devenir le célèbre couturier qu’on connaît, CHRISTIAN DIOR a été galeriste, montrant une prédilection pour les surréalistes, de Picasso à Dalí. Mais s’il doit mettre la clé sous la porte en 1934, victime des contrecoups de la crise économique de 1929, il se découvre une autre passion, celle d’habiller les femmes. Une cartomancienne – que ce superstitieux de nature avait rencontrée plus jeune lors d’une kermesse à Granville, sa ville natale, en Normandie – lui avait d’ailleurs prédit qu’elles lui seraient bénéfiques, et que ce serait grâce à elles, encore, qu’il réussirait. Le futur créateur aurait-il alors pu imaginer ce qui l’attendait? Dessinateur de talent, il fait ses classes dès 1938 auprès de deux ténors de la mode, Robert Piguet et Lucien Lelong, avant que Marcel Boussac, un riche industriel spécialisé dans le textile, lui offre de lancer sa marque en 1946. Le couturier accepte… après avoir trouvé une étoile, son porte-bonheur, sur un trottoir parisien. Il ouvre alors sa maison éponyme au 30, avenue Montaigne, à deux pas des Champs-Élysées.
1947
Coup de théâtre dans l’univers de la mode! Christian Dior présente sa toute première collection devant un parterre médusé. Le couturier vient de dévoiler 90 créations et une nouvelle silhouette, un «NEW LOOK», comme le baptise Carmel Snow, rédactrice en chef du magazine américain Harper’s Bazaar, au lendemain du défilé. L’appellation anglaise qualifie dès lors ce style révolutionnaire – la poitrine et la taille sont soulignées, et les hanches accentuées au moyen de jupes corolles et de blazers cintrés (dont la fameuse veste Bar) –, style qui contraste fortement avec l’allure austère qui règne dans le Paris d’après-guerre. Et pour cause: Christian Dior réclame 20 mètres de tissu pour confectionner une robe, quand autrefois il n’en fallait que trois. Les femmes se drapent dans ce luxe retrouvé, à la fois glamour, sophistiqué et délicieusement séducteur, qui fait oublier les années de privation et de pénurie sous l’Occupation.
1958
À la mort de Christian Dior en 1957, son jeune assistant, entré à la maison en 1955, reprend le flambeau. Son nom? Yves Saint Laurent. À 21 ans, le créateur, complètement inconnu, bouscule les codes en présentant sa collection Trapèze pour le printemps-été 1958. Le «Petit Prince de la mode» instaure une ère nouvelle, accueillie par un tonnerre d’applaudissements: sur la passerelle, la silhouette – dont celle de la légendaire robe Bonne Conduite – délaisse la taille cintrée, jusqu’alors caractéristique de la griffe de luxe, pour privilégier des lignes douces, qui effacent les courbes tout en légèreté. Les vêtements des six collections qu’Yves Saint Laurent réalisera chez Dior annonceront un vent de changement à l’aube des sixties en s’affranchissant de l’élégance guindée des années 1950.
1961
En 1960, en pleine guerre d’Algérie, Yves Saint Laurent est appelé à faire son service militaire, mais, atteint d’une dépression, il est hospitalisé. La griffe de luxe décide de le remplacer par une autre figure de la maison, Marc Bohan, présent depuis 1957. Pour le printemps-été 1961, le créateur dévoile sa collection Slim Look, qui affine la silhouette et célèbre une féminité libre et audacieuse, dans l’air du temps. À la suite du défilé, l’actrice Elizabeth Taylor, charmée, lui aurait d’ailleurs commandé une douzaine de robes. Le créateur tiendra les commandes de la direction artistique pendant 28 ans, jusqu’à son départ en 1989. Sous son règne, la marque s’impose comme un incontournable de la mode parisienne et multiplie les collections de prêt-à-porter en lançant Miss Dior, Baby Dior et Christian Dior Monsieur. Son crédo? «Faire des vêtements sophistiqués dans la simplicité, avec une pointe d’insolence, par moments», comme il le dira si bien lui-même.
1995
En visite officielle, Lady Di porte l’une des dernières créations de la griffe, un sac sans nom au chic imparable, lancé un an plus tôt. La princesse de Galles l’a reçu en cadeau de la première dame de France et elle est sous le charme, à tel point qu’elle le commande dans toutes ses versions. Fabriqué à la main, l’accessoire en cuir nécessite 140 pièces distinctes et affiche l’illustre motif en cannage de la maison, rappelant les chaises Napoléon III qui ont accueilli les invitées lors du premier défilé de Christian Dior. En hommage à Diana Spencer, la marque rebaptise son sac, désormais culte, LADY DIOR. Depuis ses débuts, Dior réussit sans effort à attirer dans sa clientèle les têtes royales comme les actrices hollywoodiennes, de Grace de Monaco à Jackie Kennedy, en passant par Marlene Dietrich, Rita Hayworth et Marilyn Monroe.
1996
Cette année-là, un nouveau directeur artistique reprend le flambeau qu’a laissé le créateur italien Gianfranco Ferré, entré chez Dior en 1989 après le départ de Marc Bohan. JOHN GALLIANO impose sa vision flamboyante, doublée d’une excentricité sans borne. Sur les passerelles, le style se fait l’étendard créatif de cette figure libre qu’est le designer britannique. Chaque défilé, il s’attelle à raconter une histoire, s’inspirant des Ballets russes, de l’Égypte antique, du château de Versailles… ou des sans-abri qu’il croise sur les bords de la Seine lorsqu’il fait son jogging matinal. La collection haute couture printemps-été 2000, surnommée Clochards, fait scandale, mais qu’importe. John Galliano, chouchou de la mode et roi de la provoc, séduit les modeuses, qui s’arrachent la fameuse robe Newspaper, dont l’imprimé rappelle les pages d’un quotidien. D’année en année, la popularité du designer ne se dément pas… jusqu’en février 2011. Le créateur est mis en examen pour avoir lancé des injures antisémites à des clients d’un bar parisien, des accusations que vient corroborer une vidéo amatrice filmée quelques mois plus tôt. John Galliano, ivre au moment des faits, est immédiatement démis de ses fonctions.
Défilé Haute Couture printemps-été 2000
Getty Images2012
Après le scandale provoqué par John Galliano, Dior fait appel à Raf Simons pour reprendre les rênes de ses collections haute couture et de prêt-à-porter. Ce créateur belge, qui a peaufiné son style minimaliste chez Jil Sander en tant que directeur artistique, s’éloigne de l’esprit théâtral de son prédécesseur. Sur la passerelle, les silhouettes féminines aux lignes sculpturales se parent d’une sophistication moderne et épurée, qui rend hommage au riche héritage de la maison de luxe. Les vêtements qu’il crée sont avant tout faits pour être portés au quotidien, sublimant la femme sans lui faire de l’ombre. Le succès est immédiat, et Raf Simons, porté aux nues, jouit d’un véritable culte. Parmi les clientes? Une faune célèbre, notamment Rihanna, Jennifer Lawrence, Emma Watson et Marion Cotillard.
Défilé Haute Couture automne-hiver 2012-2013
Imaxtree2016
Soixante-dix ans après l’inauguration de la maison Dior, la griffe nomme – enfin! – une femme à la tête de la création. Maria Grazia Chiuri, jusqu’ici codirectrice artistique de Valentino, aux côtés de Pierpaolo Piccioli, remplace Raf Simons, parti chez Calvin Klein. Au fil des collections, empreintes de poésie, la designer dessine les traits de la femme Dior et lui insuffle sa vision féministe, romantique et éthérée, à la fois moderne et intemporelle. Pour son défilé automne-hiver 2020-2021, la créatrice s’inspire de sa jeunesse et des écrits de la critique d’art italienne Carla Lonzi pour concevoir une garde-robe follement seventies, présentée dans un décor là encore explicitement féministe. Avec Maria Grazia Chiuri, Dior prouve une fois de plus son statut avant-gardiste dans l’univers de la mode, et le résultat, sublime, ne cesse de charmer.
Défilé automne-hiver 2020-2021
Imaxtree2020
Conçue en 2018 par le Royal Ontario Museum, l’exposition Christian Dior s’invite dès l’automne au Musée Mccord, au centre-ville de Montréal. Cette rétrospective retrace une période phare de la griffe de luxe, du New Look de 1947 à la mort du couturier en 1957, pour nous permettre de mieux comprendre le processus de création de ce génie du vêtement. Réunissant une centaine d’objets et quelque 50 silhouettes – des tenues de ville élégantes aux précieuses robes de bal –, l’exposition met en lumière le travail minutieux et la vision révolutionnaire de Christian Dior durant ses folles années à la tête de sa marque. Avis à tous les amoureux de la mode avec un grand M!
Robe de cocktail Caracas de la collection printemps-été 1957, baptisée Libre.
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