ll y a eu Dallas, Édimbourg, Shanghai, Singapour… Chaque année, Chanel déplace ses escouades mode dans différents coins du monde pour présenter ses collections croisière et métiers d’art. Et chaque fois, la marque construit de toutes pièces un décor extravagant qui sert d’écrin aux vêtements. À Dallas, par exemple, la collection aux accents westerns a défilé dans un ranch reconstitué, entouré d’un cinéparc géant et d’un saloon – un vrai fantasme de Far West en version couture.

On s’attendait donc à une mise en scène plus grande que nature à Dubaï, la capitale de la démesure. À ce chapitre, la maison de la rue Cambon n’a déçu personne. Des centaines d’invités, des stars amies de la marque (Vanessa Paradis, Benjamin Biolay, Tilda Swinton, Freida Pinto, Dakota Fanning), une île artificielle spécialement monopolisée pour l’occasion…

Pour sa seconde incursion en sol dubaïote(qui accueillait en 2013 l’expo The Little Black Jacket), Chanel n’a pas lésiné sur les moyens! Une façon d’assoir sa renommée dans une ville qui compte un nombre record de milliardaires au kilomètre carré, certes, mais aussi une manière d’écrire un vrai conte de fées où l’Orient rencontre l’Occident. Car lorsque Chanel met le cap sur Dubaï, toutes les extravagances sont permises!

Alors, Dubaï?

L’impression que suscite la métropole émiratie lorsqu’on y met les pieds pour la première fois est celle d’un endroit irréel, étincelant et sans histoire. Un peu comme si on se promenait dans une maquette grandeur nature! Pour Chanel, organiser un défilé à Dubaï s’avérait un choix stratégique: «L’an dernier, nous avons fait nos premiers pas dans les marchés émergents en présentant une collection croisière à Singapour», explique Bruno Pavlovsky, président des activités mode de la maison. «Dubaï était donc en quelque sorte la suite logique de cette aventure. Les grandes marques doivent être de plus en plus actives dans différents coins du monde et investir les nouvelles capitales économiques et touristiques.» En ce qui concerne Chanel, voilà qui est fait!

Une collection croisière, c’est quoi?

Il neige dehors, mais les étagères de votre boutique préférée sont garnies de vêtements d’été. Déni total? Fuite en avant? Ni l’un ni l’autre: de nos jours, un nombre croissant de créateurs proposent des tenues plus légères pour les gens qui voyagent dans les pays chauds durant l’hiver.Pour une marque de luxe comme Chanel, ces collections «intermédiaires» gagnent en importance: «Les collections croisière sont celles qui restent le plus longtemps dans les boutiques et qui, par conséquent, profitent de la plus grande visibilité, explique Bruno Pavlovsky. Dès lors, nous pouvons nous permettre de prendre les grands moyens pour communiquer notre message à notre façon.» Résultat: la marque déploie des ressources colossales pour créer des happenings uniques – comme celui de Dubaï – qui sont aussitôt «tweetés», «instagrammés», rapportés et commentés par la planète mode entière. Bref, une belle opération de marketing…

Anatomie d’un look

Une chose est claire: la femme Chanel de ce défilé dans le golfe Persique est une femme libre. C’est évident dans sa façon de mélanger les genres sans arrière-pensée, de s’approprier certains éléments du costume arabe traditionnel (sarouels, tuniques, caftans, babouches) et de les transformer, de superposer les accessoires sans se tromper. Il y a de la surenchère dans cette abondance de broderies, de matières lamées et de tweeds iridescents, mais cette surenchère est justement un signe de force de caractère. Dans les valises de cette baroudeuse extravagante, les boubous exotiques voisinent des jeans dorés dignes du Studio 54, les motifs géométriques rivalisent avec les imprimés fleuris, et les trois-pièces (veste, tunique, pantalon) côtoient les caftans légers et fluides. C’est foisonnant, opulent, maximaliste.

Topographie d’un lieuTopoLieu-608.jpg

Pour présenter le défilé, la maison de couture parisienne a élu domicile sur une île déserte, à quelque 700 mètres des côtes (parce que chacun sait qu’exhiber une collection dans l’arrière-pays, c’est d’un commun!).C’est donc près du rivage que Chanel a bâti un élégant édifice, dont les fenêtres à claire-voie étaient couvertes du double C de son logo, à la manière du traditionnel moucharabieh des habitations arabes. À l’intérieur, des allées couvertes d’une fine couche de sable, des bassins d’eau limpide, un buffet de délices orientaux, des divans jonchés de coussins… On a failli demander si on avait le droit d’y emménager!

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