Comment décririez-vous votre griffe?
Bohème-rock! Quant à la cliente de Rebecca Minkoff, j’ai l’habitude de la qualifier d’urbaine romantique. Le style de la marque oscille entre la Californie d’où je viens, avec sa douceur et son attitude relaxe, et New York où j’habite, avec des éléments «durs». Dans cette optique, on a tendance à assortir une robe fluide avec une veste ou des bottines en cuir.

Si on ne devait acquérir qu’un sac parmi votre collection, quel serait-il?
Je dirais le mini M.A.C. (Morning After Clutch) parce qu’on peut le porter autant en bandoulière qu’en sac à main ou en pochette, et qu’il existe en de nombreuses couleurs différentes. Et puis, bien sûr, le premier sac que j’ai lancé aura toujours une place spéciale dans mon cœur…

C’est le Morning After Bag (littéralement «sac du lendemain matin»)! Pourquoi l’avoir appelé comme ça?
Je trouvais ça drôle! Les femmes ont tellement d’expériences avec leur sac, qui les accompagne dans les moments-clés de leur vie. En tant que New-Yorkaise, on aspire à sortir toute la nuit et à avoir une vie semblable aux héroïnes de la série Sex and the City. J’ai créé un sac assez large pour pouvoir y ranger ses chaussures de soirée et ses essentiels nécessaires pour pouvoir aller au bureau le lendemain matin d’une rencontre impromptue. À l’époque, on glissait une carte dans certains de nos sacs sur laquelle était imprimée la photo d’un homme — l’acteur Gore Vidal jeune — et un numéro de téléphone. Si on l’appelait, on tombait sur une boîte vocale qui redirigeait vers notre site Internet. Le logo de Rebecca Minkoff avait beau être estampillé sur le papier, on recevait des messages orageux d’époux qui se croyaient trompés. Inutile de dire qu’on a dû arrêter cette stratégie de pub! (rires)

Vous avez fait le choix d’étendre votre ligne de sacs aux vêtements et à d’autres accessoires. Pourquoi?
On a vu pas mal de griffes cataloguées comme vendant exclusivement des sacs et disparaître pendant la crise financière de 2008. On s’est dit que ce serait plus sain pour notre entreprise d’accroître notre marché pour devenir une marque lifestyle à part entière, qui offre aussi bien des chaussures que des robes ou des bijoux. Et puis, à la base, j’ai une formation en confection de vêtements!

Avec leurs miroirs intelligents et leur mur digital, les boutiques de Rebecca Minkoff ont fait le saut technologique. Quelle future voyez-vous pour le prêt-à-porter?
Je pense que de plus en plus de magasins vont adopter la technologie, non pas de façon tape-à-l’œil, mais pour mieux servir les clients et la marque. On recueille tellement de donnés en sachant les pièces que chaque cliente prend en cabine, ce qui ne fonctionne pas, ce qu’elle agence ensemble… Imaginez ce qu’un grand magasin pourrait collecter comme information! Par ailleurs, la réalité virtuelle risque de bientôt faire partie du quotidien. On pourra magasiner en pyjama, dans notre salon, il suffira d’enfiler une paire de lunettes. Je n’aime pas cette l’idée, mais je continue d’entendre que ça s’en vient.

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Et le futur de la marque Rebecca Minkoff dans tout ça?
On va sortir une collection de montres d’ici un mois. Comme on n’en a plus vraiment besoin pour lire l’heure, la ligne proposera plutôt des accessoires tendance, avec différents bracelets interchangeables, le tout en dessous de 200 $US [environ 274 $]. On est très excités! Dans un futur plus lointain, on aimerait éventuellement lancer une collection de lunettes, mais aussi de beauté et de déco… Et puis, notre but est que notre site en ligne devienne «le monde de Rebecca Minkoff» en offrant tous les vêtements et accessoires créés par la griffe, tandis que nos boutiques ne proposeront plus que des pièces sélectionnées avec soin, issues du défilé.

Vous avez été l’une des premières marques à offrir les vêtements aperçus sur la passerelle directement après le défilé. Ça a marché?
Oh, oui! En adoptant ce fameux concept de «See now, buy now» en septembre dernier, on a vu nos ventes exploser! Notre cliente-type est une femme âgée entre 18 et 35 ans, et c’est justement elle qui magasine en ligne. Si elle voit une pièce qu’elle aime, elle la voudra tout de suite et elle n’attendra pas que la marque la commercialise: elle ira dans un magasin de prêt-à-porter rapide et se procurera un morceau similaire.

Depuis deux saisons, vous faites appel à des influenceuses et à des blogueuses comme mannequins pour votre défilé. Pourquoi?
Lorsque je faisais des défilés plus traditionnels, je pouvais voir que les invités s’ennuyaient. J’ai voulu rendre les choses plus intéressantes. Et puis, c’est difficile pour les clientes de se sentir une affinité avec une mannequin inconnue. Au moins, quand on fait appel à des blogueuses et des it-girls qui ont, en plus, une silhouette corporelle plus réaliste, la cliente est capable de connecter avec elle. Pour le printemps 2017, il y avait 11 influenceuses sur la passerelle, la plupart ayant passé la barre des 100 000 abonnés sur Instagram, comme la blogueuse Aimee Song [de Song of Style] qui en a plus de quatre millions.

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En février dernier, vous avez décidé de bouder la Fashion Week de New York printemps-été 2017 pour défiler à Los Angeles. Pourquoi ce choix?
Pour deux raisons: on a de nombreuses clientes basées à L.A., et on gèle l’hiver à New York! Comme la collection s’inspirait de la Californie, on a eu l’idée de la dévoiler là-bas et on a eu la chance de rencontrer le propriétaire de The Grove [un centre commercial], qui nous a permis d’utiliser son lieu pour le défilé. On n’aurait jamais pu se permettre ce genre de chose à New York, les coûts auraient été bien trop élevés.

Et pour le prochain défilé printemps-été 2018, en septembre prochain, doit-on s’attendre à voir le show Rebecca Minkoff à Los Angeles ou à New York?
On n’a pas encore décidé. Il fait beau à New York en septembre, donc si on souhaite le faire dehors, c’est possible! Il y a un nouveau cinéma indépendant qui a ouvert récemment à New York, le Metrograph, qui serait parfait pour présenter notre prochaine collection inspirée des Rolling Stones! En plus, il y a un bar à bonbons qui offre tous les meilleurs bonbons au monde! (rires)

Vous avez créé une compagnie de taille et vous avez des enfants en bas âge. Comment faites-vous pour conjuguer vies familiale et professionnelle?
Chaque femme doit déterminer ses propres limites. J’ai pris le temps d’explorer les miennes, donc je sais quand j’en prends trop. Évidemment, il y a toujours des imprévus. Ce que je peux contrôler par contre, c’est de ne pas quitter mes enfants plus de cinq jours d’affilés, deux fois par an maximum. Si je voyage pour le travail pas trop loin de New York, comme à Montréal par exemple, je fais un aller-retour dans la journée. Je fais aussi attention à pouvoir les accompagner à l’école le matin, donc mes réunions ne commencent pas avant 9 h 30. J’essaye de protéger ma vie personnelle, mais ce n’est pas parfait. Je crois que celui qui a inventé le terme «équilibre» entre vies professionnelle et familiale a surtout cherché à faire en sorte que les femmes culpabilisent. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui ait réussi à trouver l’équilibre parfait!

La collection de sacs et d’accessoires de maroquinerie signés Rebecca Minkoff est disponible à Ogilvy et à Holt Renfrew, au centre-ville de Montréal.