Brune, séduisante et racée, Nathalie Rykiel nous reçoit dans sa loge peu avant la conférence qu’elle s’apprête à prononcer à l’occasion du Festival Mode & Design de Montréal. Le thème dont il sera question? L’élégance. Un mot qui la relie étroitement à sa mère, la légendaire créatrice de mode française Sonia Rykiel. Celle-ci a connu la gloire dès 1968 avec ses pulls en tricot seconde peau, ses rayures colorées, ses slogans en strass et ses coutures à l’envers.

Presque un demi-siècle plus tard, la marque fondée par la flamboyante Sonia (aujourd’hui âgée de 84 ans) vit encore et repose sur les épaules de sa fille, Nathalie, 59 ans, qui a su se faire un prénom et s’imposer tout doucement. Nommée directrice générale et artistique de la maison Sonia Rykiel en 1995, elle y a insufflé un esprit élégant et sensuel en parfait accord avec l’air du temps. Elle a notamment créé des lignes secondaires de prêt-à-porter, lancé de nombreux parfums (dont Rykiel Rose, auquel elle prête son visage depuis 2000), réédité des pièces vintage, imaginé des sex-toys griffés et des collections de lingerie… Pas étonnant que cette travailleuse acharnée soit devenue en 2007 présidente de la maison, détenue dorénavant en majorité par un groupe financier hongkongais, puis, cinq ans plus tard, vice-présidente du conseil d’administration. Ce qui ne veut pas dire que la mode n’est plus une affaire de famille chez les Rykiel. Car aujourd’hui, Nathalie a enrôlé dans l’entreprise une de ses trois filles, Lola, 27 ans, devenue directrice des relations publiques de la maison pour le marché américain. Une façon pour Nathalie de transmettre le fabuleux héritage que lui a légué sa mère…

Son univers

  • Ses designers fétiches «J’aime Hedi Slimane chez Saint Laurent, Jean Paul Gaultier, Miuccia Prada et Dries Van Noten. Comme ma mère, je mélange les vêtements et les accessoires Rykiel avec ceux des autres marques. Je fuis le total look, qui ne ressemble pas à la vraie vie!»
  • Sa définition de l’élégance «Ce n’est pas seulement une notion esthétique. Oui, ça touche à la beauté et à l’harmonie, mais c’est aussi la façon dont on se présente aux autres. Ça en dit long sur la place qu’on leur donne, sur notre éthique, sur notre grâce...

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  • Sa couleur préférée (à part le noir!) «J’aime le vert dans toutes ses nuances, du céladon au vert émeraude. J’ai une bague ornée d’une boule en jade, une jupe kaki et une fourrure d’un vert profond. C’est une couleur forte, qui me fascine.»
  • Son style «J’ai traversé des périodes où je superposais les motifs et les accessoires. Avec les années, j’ai opté pour la sobriété: ça correspond à une forme de maturité, de sérénité. Je ne ressens plus le besoin d’en rajouter.»

À propos de sa mère

Nathalie-Rykiel-Sonia-Rykiel-Dav.jpg©David MacMillan pour Sonia Rykiel

  • Sur leurs liens «Je ne pourrais pas être la femme que je suis sans ma mère. Entre nous deux, il y a bien sûr une filiation, une continuité. Nous sommes à la fois très proches et très différentes. Je n’ai jamais tenté d’imiter ma mère, rousse et flamboyante, car j’aurais été sa pâle copie.»
  • Sur la mode «Elle ne m’a jamais donné un seul conseil sur la mode ou le style – ni à quiconque, d’ailleurs. C’est une artiste, une femme libre. Ses créations ont toujours parlé pour elle.»
  • Sur la beauté «Ma mère s’est beaucoup étudiée dans le miroir. Pas par vanité, mais pour mieux se connaître. C’est comme ça qu’elle a inventé son personnage et créé sa propre élégance. Le miroir est un de mes héritages…»
  • Sur le style de Sonia «C’est une femme singulière. Elle a toujours eu une allure remarquable, qu’on a très vite appelée l’allure Rykiel. Adolescente, je n’en étais pas toujours consciente. Aujourd’hui, son look que je préfère, c’est celui de ses débuts, en 1968, avec son béret, ses créoles et son pull seconde peau. Elle était une petite révolution française à elle seule!»
  • Sur son plus beau cadeau «Quand j’étais adolescente, ma mère m’a offert un long pull rose en angora, avec mon prénom inscrit en toutes lettres à la taille. Je l’ai beaucoup porté… Je le chéris encore aujourd’hui.»

À propos de sa fille Lola

Lola-Rykiel-Instagram-608.jpg ©lolarykiel

  • Sur son clan «J’ai trois filles, Tatiana, Lola et Salomé, très différentes les unes des autres. Lola est celle qui a décidé de perpétuer l’héritage mode de la famille. Quand elle m’a annoncé qu’elle voulait travailler pour la maison Rykiel, j’étais folle de joie! Depuis, elle vit à New York, où elle dirige les relations publiques de la marque aux États-Unis. Elle représente l’ADN Rykiel avec beaucoup d’intelligence.»
  • Sur le legs mode «Déjà toute petite, Lola était passionnée par la mode. Elle passait ses fins d’après-midi, après l’école, à dévorer des yeux les séances d’essayage à l’atelier familial. Elle a défilé très tôt à mes côtés. Elle a toujours eu l’oeil pour dénicher les bonnes pièces.»
  • Sur le style de Lola «Comme Lola a vécu à Paris, à Londres et à New York, son style est à la fois international et très personnel. Elle mélange admirablement les genres, les vêtements griffés et les pièces pas chères, les morceaux vintage et les accessoires pointus, les talons plats et les stilettos vertigineux.»
  • Sur la génération Y «Les filles dans la vingtaine s’intéressent davantage au style qu’à l’élégance. Elles se fichent d’être la plus belle: elles veulent être celle qu’on remarque! Les blogues et les selfies en disent long à cet égard. La façon dont les gens s’habillent et se mettent en scène raconte notre époque. Et ça m’amuse!»

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  • Sur son plus beau cadeau «J’ai offert à Lola un sac Chanel [le modèle Timeless, en noir] pour ses 18 ans. Elle en rêvait! Ma mère en possédait un, et moi aussi. Ça nous unit…»

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