Après avoir participé aux épreuves sportives des Jeux de Vancouver en esprit si ce n’est en personne, notre journaliste était prête pour une semaine de repos dûment méritée. Mais c’était sans compter sur le début de la 18e Semaine de la mode de Montréal, dédiée aux collections d’automne-hiver 2010-2011 des créateurs d’ici. Révision du plan de match: il va falloir désormais chausser ses talons hauts et opter pour la bonne teinte de rouge à lèvres avant d’assister à un maximum de défilés. Que le marathon commence!
 






L’épreuve nautique de Philippe Dubuc

Je qualifierais la première performance à laquelle j’ai assisté d’épreuve nautique «hors catégorie»… Plutôt que de présenter un défilé au Marché Bonsecours comme ses coéquipiers, Philippe Dubuc a préféré montrer sa collection d’automne-hiver 2010-2011 dans le port de Montréal… à bord du paquebot Gordon C. Leitch. Il fallait voir les journalistes mode et les photographes faire la file pour monter l’interminable échelle menant jusqu’au pont du bateau ! Sachant que l’activité aurait lieu à l’extérieur, j’avais troqué ma tenue de gala pour des vêtements plus confortables… mais si j’avais su que la semaine commencerait par une telle épreuve sportive, j’aurais chaussé mes baskets plutôt que mes bottes à talons hauts. Après avoir remporté l’honneur de ne pas tomber dans le fleuve gelé, j’ai suivi mes collègues journalistes dans la cale du bateau où nous avons pu jeter un coup d’œil aux dernières créations de Dubuc.

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Fidèle à lui-même, le designer nous propose encore cette saison une collection d’une grande sobriété, composée de manteaux en laine ou en cuir, vestons à double boutonnière et pantalons ajustés, dont les teintes vont de l’anthracite au noir. Rencontré plus tard sur le pont, Philippe Dubuc a confié qu’il s’était inspiré pour cette collection des grands explorateurs, dont il avait voulu déconstruire l’uniforme en y ajoutant des détails tels que des courroies, qui rappellent les sangles qu’on retrouve dans l’équipement naval. «Mes collections ont toujours été très graphiques et structurées, mais depuis quelques saisons j’essaie de déconstruire le vêtement en le rendant plus rond, plus souple et ample», m’a-t-il expliqué.

Les amazones de Mélissa Nepton, Nadya Toto et Marie Saint Pierre

Après avoir pris un bon bol d’air, je mets le cap sur le Marché Bonsecours pour un premier sprint de défilés. La première à entrer dans l’arène: Mélissa Nepton, une ancienne compétitrice de l’émission La Collection qui, après s’être classée deuxième au podium de cette télé-réalité, lançait le printemps dernier sa propre griffe. La créatrice s’est inspirée d’une forte tendance des dernières saisons consistant à jouer sur les nuances de noir, en amalgamant des matières diverses au fini texturé, lustré ou mat. Assurée par le talentueux designer Yso, la direction artistique du défilé donnait un petit côté martial aux vêtements plutôt sobres de Mélissa Nepton. Avec une multitude de chainettes portées en bandeau ou comme pendentifs, les mannequins avaient l’air d’«amazones survivant dans la jungle urbaine», dixit Anthony Mitropoulos, adjoint au rédacteur en chef mode de ELLE QUÉBEC.

Cliquez ici pour voir la vidéo du défilé de Mélissa Nepton.

À peine le temps de boire un verre de bulles (quand on pratique une activité sportive, il faut s’hydrater !), et on plonge dans la collection de Nadya Toto. On était impatients de revoir la designer montréalaise qui nous avait délaissés depuis quelques saisons pour présenter ses collections à la Semaine de la mode de Toronto. Dès la première sortie, on a le coup de cœur pour une robe asymétrique grise très minimale. Faut dire que le mannequin qui la porte (on a reconnu Jessiann, de l’agence Montage) n’est pas mal non plus, avec ses jambes jusqu’au ciel et sa taille fine… Puis, à mesure que progresse le défilé, on passe du minimalisme à des tenues plus flamboyantes, osant des matières texturées et scintillantes. On se croirait un peu dans une réception hollywoodienne dans les années 70…

Cliquez ici pour voir la vidéo du défilé de Nadya Toto.

On enchaîne avec la collection de Marie Saint Pierre, qui s’est franchement surpassée cette saison. La plupart de ses pièces en jersey noir, gris ou chair, apparaissaient comme une seconde peau accentuant certains aspects de la silhouette. De surprenants boudins de tissus ajoutés aux épaules et à l’encolure de la pluparts des styles m’ont rappelé les consoles de jeu très organiques du film eXistenZ, de David Cronenberg… Pas certaine que j’oserais m’en parer, mais l’effet était tout de même intriguant. Le verdict de notre juge ? «Un beau mélange de masculin et de féminin. Malgré la sobriété de l’ensemble, on retrouve une touche de sensualité, avec des drapés et des épaules arrondies», commente Anthony. On décerne l’or à Marie Saint Pierre pour cette première journée de compétition!

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Photo (de gauche à droite): collections de Nadya Toto, Marie Saint Pierre et Mélissa Nepton (crédit: Jimmy Hamelin).

Photo collection Dubuc: Lara Ceroni

Lire la suite: le jour 2 de la course aux défilés

 






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L’un des risques d’assister à la Semaine de la mode de Montréal, c’est qu’on vous demande à tout instant de prendre la pause. Déjà dans la cale du bateau où était présentée la nouvelle collection de Dubuc, deux blogueuses avaient voulu me prendre en photo; puis, tout juste avant le défilé de Nadya Toto, voilà que je tombe dans l’œil de Suzanne Wexler, de la Gazette, qui a cru que ma toilette valait la peine d’être immortalisée pour sa chronique de mode de rue. C’est alors qu’elle ma posé la question qui tue : «Qu’est-ce que tu portes?» «Un vieux jean et une veste vintage…», ai-je balbutié, en m’empressant d’ajouter: «…et un rouge à lèvres Yves Saint Laurent !», pour le facteur glam. Apprenant de mes erreurs, j’ai ce soir opté pour une robe de la montréalaise Valérie Dumaine avant d’assister aux défilés de designers que j’affectionne tout autant: Bodybag by JUDE et Ève Gravel. On ne pourra pas me reprocher de ne pas encourager les designers québécois!

Les Marlène Dietrich de Judith Desjardins

En première partie du défilé de Judith Desjardins, les mannequins avaient l’allure glacée et impénétrable d’une Marlène Dietrich dans les années 1940. Avec leur chignon serré et leurs gants de cuir, nos valkyries modernes ont défilé en robe cigarette dotée d’épaulettes acérées ou de manches étagées. Pour bien nous situer sur la carte géopolitique, la designer a même conçu une amusante robe ballon à l’effigie de la mappemonde. Entre les deux périodes de son défilé, Judith s’est permis un hommage au regretté créateur de mode britannique Alexander McQueen. Un ange est passé, puis la créatrice a présenté sa collection haut de gamme, J.U.D.E. Au menu ? Des robes de soirée ornées d’ailes de volatiles non identifiés. Recherche faite, j’apprends qu’il s’agit en fait de bernaches canadiennes abattues par un ami chasseur de la designer. Comme les ailes de l’oiseau ne se mangent pas, Judith Desjardins les a fait empailler pour s’en servir comme d’un accessoire. La tendance de la taxidermie s’apprêterait-elle à prendre son envol?

Photo: Bodybag by JUDE, par Jimmy Hamelin

Les Juliette Gréco d’Ève Gravel

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Ève Gravel a ensuite pris le relais, nous transportant cette fois au Saint-Germain-des-Prés de l’entre-deux-guerres. Yeux de biche et cheveux au vent sous leur béret, les belles de jour étaient vêtues de robes légères tachetées de motifs fauves. On a de nouveau bondi dans le temps avec l’irruption de la musique des Doors, pour retrouver l’ambiance rock’n’roll fétiche d’Ève Gravel. Cette fois, ce sont des belles de nuit à l’allure féline que nous avons pu apercevoir déambulant en robes à manches en dentelle ou tigrées de paillettes. Les journalistes mode assises à mes côtés ont chacune jeté un dévolu sur la pièce de leur choix: pull oversize à rayures noires et blanches en volants pour l’une, jolie robe bustier à froufrous en dentelle pour l’autre. Pour ma part, j’ai repéré un corsage gris irisé que j’aimerais bien porter pour la prochaine édition de la Semaine de la mode… Histoire d’éviter l’humiliation cette fois-ci!   

Cliquez ici pour voir la vidéo du défilé d’Ève Gravel.

Photo: défilé Ève Gravel, par Jimmy Hamelin

L’avis des lectrices

Psitt! Via un tirage de billets sur notre groupe Facebook, deux lectrices (Rébéka Longpré et Annabelle V. Francoeur) ont remporté des billets pour le défilé de Bodybag by JUDE et Ève Gravel. Toutes les deux ont «adorrrréé» leur expérience! Étudiante en design de mode au cégep Marie-Victorin, Rébéka avait déjà joué les mannequins et même été habilleuse dans le cadre de la Semaine de la mode de Montréal, mais c’était la première fois qu’elle assistait à un défilé en spectatrice. «Ça m’a confirmé que je voulais travailler en mode et présenter un jour ma collection!», nous a confié celle qui s’est sentie comme un poisson dans l’eau parmi la foule de fashionistas. Si Annabelle, qui étudie en psychologie, était un peu moins dans son élément, elle était tout aussi emballée par son expérience. Elle est d’ailleurs impatiente que la collection d’Ève Gravel soit en magasin pour se procurer une robe aperçue au défilé! 

Lire la suite: des mâles très mâles chez Dimitri Chris!

 




Le look décontract-chic de Barilà



Après trois jours de mondanités, à boire des bulles et à parler de fringues, je n’ai qu’une seule envie: paresser devant la télé en pyjama de flanelle. On dirait que les sœurs Barilà ont lu dans mes pensées, puisque leur collection comprend des vêtements confortables à l’allure glam’ rock, incluant un blazer en coton ouaté, un kangourou à paillettes et une multitude de leggings flamboyants. Contrastant avec les midinettes romantiques de la saison passée, leurs punkettes aux yeux charbonneux et aux cheveux hérissés étaient plus sexy les unes que les autres avec leurs minijupes en paillettes ou en cuir végétalien. Une cat woman portant une combinaison bustier en similicuir plissé en a même fait miauler quelques-uns!

EY6C8560.JPGLes gentlemen farmers de Dimitri Chris

Pour ma part, j’aurais bien aimé être la proie de l’un des séduisants chasseurs aperçus au très attendu défilé de Dimitri Chris! Le nouveau chouchou de la mode masculine n’a pas déçu ses admirateurs en présentant une élégante collection inspirée de la vénerie traditionnelle, très gentleman de campagne anglaise. Des pantalons à pli droit, des chemises près du corps, des complets en laine ou en tweed agrémentés d’empiècements en cuir composaient un vestiaire sobre et viril. Et quand on dit viril… Le premier mannequin à défiler portait un très beau tricot à col en V ouvert sur un torse velu. Avec ses cheveux longs lissés par en arrière, sa mâchoire carrée et sa barbe de trois jours, disons qu’il était… mâle. Très mâle.  

Reste à savoir si les vrais mecs- pas seulement les poilus gentlemen farmers de nos rêves- oseront porter les pièces de la collection. Un petit sondage effectué auprès de la gent masculine m’indique que oui, mille fois oui. Sauf peut-être les capes en tricot géant. Dommage: toutes les filles présentes les ont adorées!

Cliquez ici pour voir la vidéo du défilé de Dimitri Chris.

EY6C6600.JPGLes Bond Girls d’Annie50

Avec les premières notes d’une trame sonore tout droit sortie d’un film de James Bond, le coup d’envoi du défilé d’Annie50 était donné. Explosion de féminité sur leurs petites robes en laine à broderies de fleurs et empiècements de cuir. C’était vif, mignon, pétillant. J’ai adoré leurs minirobes noires à col Claudine, cintrées et très bien coupées, et leurs robes en tricot à petite ceinture tressée découvrant les omoplates. C’est juste moi, ou porter un morceau qui découvre les omoplates est le summum de la sensualité?

 






Denis Gagnon, l’artiste

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Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y avait de l’électricité dans l’air avant que débute le très attendu défilé de Denis Gagnon (qui avait, d’ailleurs, une bonne heure de retard). La salle était pleine à craquer. D’un côté de la passerelle, une journaliste du très branché Another Magazine, venue spécialement à Montréal pour couvrir la Semaine de la mode. De l’autre, Anne-Marie Withenshaw qui essaie de communiquer avec Virginie Coossa, assise plus loin, en langue des signes. Tout juste derrière moi, je reconnais le chapeau fétiche du danseur Nico Archambault. Plein à craquer, je vous dis! Sans oublier les flashs des photographes qui crépitent devant tous ces beautiful people… Puis les lumières se sont enfin éteintes et, sur les écrans surplombant la salle, sont apparus des extraits du documentaire Je m’appelle Denis Gagnon, de Khoa Lê (présenté le 21 mars prochain dans le cadre du Festival international du film sur l’art). On a tout juste eu le temps de voir un Denis Gagnon vulnérable, touchant, que le défilé avait commencé, avec ses déesses aux cheveux tressés tout droit sorties d’un futur apocalyptique.

Les premières d’entre elles étaient vêtues de combinaisons de cuir – la matière fétiche du designer – ornées d’une multitude de fermetures éclair dorées, formant un corset strié ou une encolure torsadée. Les suivantes, de singulières robes composées de fines franges soyeuses qui ondulaient sensuellement au rythme des pas. Sur chacune de ces créations sinueuses et dansantes – où l’on pouvait deviner les nombreuses heures de travail artisanal – mille et un détails accrochaient le regard, comme cette imitation d’une colonne vertébrale brodée le long du dos. Une princesse africaine parée d’une robe dorée entièrement composée de fermetures éclair a fermé le bal. Un certain silence a régné dans la salle qui se vidait. Que peut-on dire après un tel moment de grâce?

Je me suis alors rappelé que quelques semaines plus tôt, Denis Gagnon m’avait confié en entrevue que même si ses créations seraient présentées au Musée des Beaux-Arts de Montréal l’automne prochain, il peinait encore à joindre les deux bouts. Je me suis alors demandé ce qu’attendaient les mécènes de ce monde pour le financer. Pourquoi donc aucune grande maison de couture n’était encore venue nous le voler? Denis Gagnon n’est pas tant un créateur de mode qu’un artiste, un vrai. Et ce qu’il nous a présenté ce soir-là, c’était du grand art.

Cliquez ici pour voir la vidéo du défilé de Denis Gagnon.

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