– «Bonnes vacances!»
– «Merci!»

Depuis maintenant une quinzaine d’années que je couvre les défilés internationaux – New York, Milan, Paris, Toronto, Montréal -, c’est toujours ce qu’on me souhaite chaque fois que je pars vers les hauts lieux de la mode.

Imaginez! Plus de 200 défilés en quatre semaines (à raison d’un à l’heure, et chacun dure de 15 à 20 minutes), 2000 tenues, 150 heures d’attente. De quoi aiguiser ma patience et mon appétit (j’engouffre une barre tendre à toute vitesse entre deux évènements… La misère, quoi!). Ça n’a rien à voir avec des vacances en tout cas. Du matin au soir, sept jours sur sept, je zieute, je note, je jauge, j’imagine mes shootings, je bosse.

Contrairement à ce que les gens croient, une semaine de défilés, ça se prépare. Il faut d’abord s’inscrire à la chambre syndicale des designers (une association professionnelle) de chaque pays, puis communiquer avec l’attaché de presse de chacun des créateurs et lui envoyer une demande dûment remplie (merci à Anthony, mon adjoint, de s’occuper de ces formalités auprès de 200 designers!). Commence alors la valse des appels pour assurer le suivi. À Paris, par exemple, les relationnistes ne daignent pas répondre, et si elles le font, c’est souvent pour vous envoyer promener!

Parmi les invités du monde de la mode, une hiérarchie prévaut, que rien ni personne ne peut modifier. D’abord, ce sont les journalistes des magazines de prestige (Vogue, Harper’s Bazaar, W…); puis, les acheteurs de très grands magasins (Barneys, Bloomingdale’s, Holt Renfrew), suivis de près par les stars, et finalement… les autres (nous, en l’occurrence)! De 200 à 600 invités, triés sur le volet, venant de tous les continents, sont conviés à cette messe solennelle. Et je suis un de ces invités!

 

Bien sûr, la question cruciale surgit: «Qu’est-ce que je vais porter?» Heureusement, pour moi qui suis un homme, c’est beaucoup moins compliqué que pour la meute de rédactrices qui veulent être très, très branchées, en ayant leur style propre (mais qui ont toutes le même sac Prada de la saison!). À New York, je porte un jean et une chemise; à Paris, un jean et un veston; à Milan, un jean… oups, ça ne passe pas. Là, il me faut respecter le code vestimentaire! Allons-y donc pour l’habit… intégral. S’il pleut ou s’il fait très chaud, je dois revoir mes choix… Les défilés, eux, se déroulent beau temps mauvais temps.

Autre question: «Comment se rend-on d’un lieu à un autre?» Pas toujours simple. Les créateurs ont le don de présenter leurs défilés dans des endroits incongrus, de préférence là où il n’y a ni taxi, ni métro, ni autobus! Évidemment, les stars de la mode, Mme Wintour en tête (rédactrice en chef du Vogue américain), n’ont pas à se soucier du transport: leur chauffeur est toujours prêt à les cueillir à un point et à les conduire à leur prochaine destination.

Je me rends à pied… si ce n’est pas trop loin (il faut éviter de marcher trop vite pour ne pas arriver ébouriffé), en métro (celui de Paris n’a plus de secret pour moi) ou en taxi (moyen de transport un peu risqué si on sort du défilé en même temps que 200 autres personnes qui, survoltées et échevelées, veulent monter dans le même que vous. Là, c’est la pagaille!).

Rappelez-vous, nous n’avons que 20 minutes pour nous rendre au prochain show. Un défilé à l’heure, 14 heures par jour, chacun dans un site différent, deux bus, quatre wagons de métro, un taxi, deux marches rapides, multipliez le tout par quatre semaines, et vous avez trois mois de travail bien tassés. (Hum, je devrais penser à demander une augmentation) Bref, après 28 jours à plein régime, nourri de beauté, de créativité, et des images plein la tête, je reviens repu et rompu. Et je vous offre un florilège de mes coups de coeur 2010-2011. (À lire: Le reportage de la page 104 du magazine Elle Québec d’août 2010)

Denis Desro est le rédacteur en chef mode du ELLE QUÉBEC.


À lire: Onze essentiels mode pour la rentrée 2010!