«Ce soir, c’est bar ouvert, alors je veux que tout le monde se serve et ait un verre dans chaque main!» crie Alexander Wang à la foule de plus de 700 personnes qui se bouscule devant lui. On est au festival de musique de Coachella, et son invitation à la réception organisée pour annoncer sa collaboration avec le détaillant H&M s’est propagée comme une traînée de poudre sur Instagram. Il y a là une armée de people: des tops (Rosie Huntington-Whiteley, Liberty Ross, Chanel Iman…), des stars (Kate Bosworth, Lorde, Katy Perry) et des personnalités comme Iggy Azalea, la rappeuse du moment, venues faire danser la foule.

Margareta van den Bosch, la conseillère à la création de H&M, y est elle aussi. Et elle s’amuse ferme. C’est à cette Suédoise de 72 ans, aux allures de galeriste ou de prof d’université, qu’on doit toutes les collaborations de H&M avec les créateurs les plus célèbres de notre époque: Versace, Karl Lagerfeld, Stella McCartney, Viktor & Rolf… Or, c’est la première fois en 10 ans que Margareta jette son dévolu sur un Américain. Qui plus est, un Américain de tout juste 30 ans, qui en paraît à peine 23.

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Mais Alexander Wang n’est pas n’importe quel produit de la génération Y: en moins d’une décennie, le jeune New- Yorkais a réussi à bâtir une marque adorée dans le monde entier et à remplacer Nicolas Ghesquière, talent rare et chouchou de l’industrie, à la tête de l’auguste maison française Balenciaga. Un exploit. «Je suis l’évolution de son travail depuis longtemps, confie Margareta. Il saisit intuitivement ce que les gens ont envie de porter aujourd’hui et il trouve écho auprès de cette génération pour qui la mode est indissociable des réseaux sociaux.»

La preuve que Wang est totalement en symbiose avec son époque: il fabrique à un rythme effarant des pièces-cultes qui se vendent comme des petits pains chauds. Ses robes drapées en jersey, ses parkas impeccablement coupés, ses t-shirts à logos, ses tricots surdimensionnés constituent les codes d’une certaine allure, celle des filles élancées aux vêtements rock et griffés du Lower East Side de Manhattan. Car autant la précédente collaboratrice de H&M, Isabel Marant, symbolisait la quintessence de l’allure parisienne, autant Alexander Wang, lui, incarne un style on ne peut plus new-yorkais. Un style qui sera bientôt exporté aux quatre coins du globe…

Toutes au gym!

Pour H&M, Alexander Wang a eu envie de repenser les règles des collaborations entre détaillants et designers. Produire des copies à bon prix de ses pièces les plus iconiques? Très peu pour lui. «Je crois que H&M a fait un boulot incroyable en recréant des pièces tirées des archives de Versace et de la Maison Martin Margiela, dit-il avec diplomatie. Mais comme ma marque est beaucoup plus jeune que celleslà, je ne trouvais pas ça très pertinent de proposer des modèles qu’on a imaginés il y a deux saisons à peine.»

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Pour le détaillant suédois, Alexander Wang a donc élaboré une collection presque entièrement inédite constituée de vêtements sport. «J’ai toujours eu un faible pour les uniformes d’équipes sportives, dit-il. Ça me fascine de voir à quel point le culte du sport est bien enraciné dans notre société.»

Les t-shirts à séchage express, les crop tops à soutien intégré, les parkas imperméables, les doudounes épurées et enveloppantes, ainsi que les robes sexys qu’il a imaginés pour H&M ont été conçus exprès pour des filles aussi fans de sport que de mode. «Je voulais créer des pièces multifonctionnelles pour les femmes actives d’aujourd’hui, explique-t-il. Elles n’ont pas envie de porter des vêtements inconfortables ou contraignants.»

Bien entendu, les adeptes de son style y retrouveront la signature d’Alexander Wang: une palette feutrée faite de gris et de noirs illuminés parfois par des touches fluos, des silhouettes à la fois garçonnes et affolantes… sans oublier son humour habituel. Car Wang aime insuffler de l’ironie dans ses pièces: pour les amoureuses des t-shirts à message, il a écrit sur les siens: This Is An Alexander Wang T-Shirt («Ceci est un t-shirt d’Alexander Wang»). Une manière pour lui de se moquer de la folie des t-shirts griffés…

Maintenant qu’il a accédé au panthéon des designers consacrés à la fois par H&M et par la critique (ses collections pour Balenciaga sont très bien accueillies), comment imagine-t-il son avenir? «Je veux continuer à créer quelque chose d’inattendu. Je ne veux pas reproduire une formule. La mode devrait toujours rester amusante et inspirante.» Bien dit.

Une vidéo qui suscite la polémique

Pour promouvoir sa ligne secondaire, T by Alexander Wang, le créateur a invité l’an dernier ses fans à assister à un évènement tenu top secret jusqu’au dernier moment (Undisclosed Event). En arrivant à l’endroit convenu, les participants ont découvert qu’il s’agissait d’une salle de montre remplie d’échantillons de ses vêtements qui leur étaient tous offerts gratuitement. Dans le clip tiré de l’évènement et diffusé sur YouTube, on voit la situation dégénérer: les gens courent, se bousculent, s’arrachent des t-shirts… Une scène délirante, filmée au ralenti, qui donne par moments l’impression d’avoir été arrangée avec le gars des vues. Alexander Wang s’y moque-t-il de la rapacité de son public? Cherche-t-il à dénoncer la frénésie de notre société de consommation? Si c’était le cas, ce serait pour le moins paradoxal de la part d’un designer qui vient tout juste de s’associer à un mégadétaillant comme H&M… Le principal intéressé, lui, reste ambigu sur ses motivations, se contentant d’affirmer qu’il adore au contraire la rapidité du cycle de la mode aujourd’hui. Il faut croire que la mode n’en est pas à un paradoxe près!

La collection pour hommes et femmes d’Alexander Wang pour H&M (à partir de 10$ pour un porte-clé et jusqu’à 500$ pour un manteau) sera offerte dans les boutiques H&M dès le 6 novembre.  

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