Si notre héritage génétique a une influence sur le vieillissement de notre peau, notre environnement constitue un facteur encore plus important dans ce processus: dans les faits, il en serait responsable à 80 %. Pourquoi? Parce que ce que l’on vit a un impact direct sur la façon dont nos gènes fonctionnent, et entraîne une cascade de conséquences pour l’organisme et notre peau. Ces conséquences peuvent être négatives, mais aussi positives. Et c’est là que ça devient intéressant. Rien n’est figé ou totalement joué d’avance. Qu’on se le tienne pour dit, une fois pour toutes: prendre soin de soi et de sa peau tout en ayant un mode de vie sain, cela fait du bien pour longtemps.

L’environnement, pilote des gènes
Ce qui passionne aujourd’hui la recherche s’appelle l’épigénétique – du grec epi, qui signifie sur -, qui étudie la façon dont l’environne- ment (le mode de vie, l’alimentation, les cycles du sommeil, le stress et l’exposition aux polluants, pesticides ou autres perturbateurs endocriniens) module l’expression des gènes. Imaginons que notre ADN soit un piano, et que ses touches soient nos gènes. L’environnement serait, lui, le musicien qui appuie sur les touches pour émettre des sons. Cette stimulation se concrétise par différents types de modifications chimiques, qu’on appelle marques épigénétiques. Notre cartographie personnelle débute donc dès la vie fœtale, puis évolue tout au long de notre existence. «Par exemple, des jumeaux de 3 ans ont un épigénome plus proche que celui de jumeaux de 50 ans», dit Raphaëlle Chaix, généticienne des populations humaines au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), en France.

Sommeil, alimentation et méditation: trois facteurs déterminants
L’un des mécanismes épigénétiques les plus connus n’est autre que le rythme circadien. L’alternance jour-nuit module l’expression de certains gènes impliqués dans notre métabolisme. Ainsi, une étude parue en 2014 sur le site web de Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS)* a mis en évidence le fait que, si une personne vit un décalage horaire ou travaille de nuit, 97 % des gènes clés de ses rythmes biologiques seront désynchronisés. Résultats sur le plan cutané? La peau se répare moins bien, se marque de façon plus ou moins permanente et devient vite terne.

Autre phénomène observé: l’influence de l’alimentation sur les gènes sirtuines, en particulier sur le SIRT1. «Des travaux réalisés notamment auprès de personnes centenaires vivant à Okinawa, au Japon, ont démontré que la restriction calorique active ce gène de longévité, explique Cyrille Telinge, fondateur des laboratoires Novexpert. Le resvératrol, un polyphénol issu de la vigne, a lui aussi ce pouvoir d’augmenter l’activité du SIRT1, qu’on l’ingère par voie orale ou qu’on l’administre par traitement topique. Pas étonnant que la médecine et les cosmétiques anti-âge s’y intéressent d’aussi près!»

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La situation est similaire chez les abeilles. À la naissance, les larves ont toutes le même code génétique, mais seules celles nourries avec de la gelée royale deviennent des reines. Les reines sont 30 % plus grandes que les ouvrières et ont une espérance de vie de cinq ans, contre seulement cinq semaines pour les abeilles de rang inférieur. En activant certains gènes et en en neutralisant d’autres, la gelée royale a donc le pouvoir de générer quasiment un autre insecte!

De fait, chez l’homme, le mode de vie – tout comme l’alimentation – a une incidence sur l’activité génétique. Ainsi, en 2013, une équipe de scientifiques internationaux a publié une étude dans la revue Psychoneuroendocrinology. Le sujet: l’action antistress de la méditation sur l’organisme**. «On y découvre que la méditation de pleine conscience module rapidement l’expression de certains gènes», résume la généticienne Raphaëlle Chaix. Plus précisément, les gènes pro-inflammatoires, fréquemment ciblés par les médicaments anti-inflammatoires ou analgésiques. Même si l’étude porte sur l’incidence d’une journée de méditation de pleine conscience et non sur une pratique régulière, elle pave néanmoins le chemin à des perspectives prometteuses pour lutter contre l’inflammation chronique, source de maladies diverses, mais aussi de vieillissement accéléré.

Agir aujourd’hui pour modifier l’avenir
«Aujourd’hui, au sein de la communauté scientifique, de grandes questions demeurent: combien de temps les marques épigénétiques persistent-elles? Est-ce que notre mode de vie actuel a une influence non seulement sur demain, mais aussi sur notre descendance?» s’interroge Raphaëlle Chaix. Les études sont, pour l’instant, plus nombreuses sur les plantes et les animaux. Chez l’homme, la science n’a pas encore démontré que les marques épigénétiques se transmettent – telle une mémoire – d’une génération à l’autre. Cependant, ces recherches ouvrent une nouvelle voie pour comprendre et soigner certaines maladies. C’est aussi une chance à saisir pour mieux vivre, et vieillir de belle façon.

*Mistimed sleep disrupts circadian regulation of the
human transcriptome.

** Rapid changes in histone deacetylases and inflammatory gene expression in expert meditators.

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