Les sols sablonneux et les vastes tourbières du Centre-du-Québec font de cette région un haut lieu de la canneberge. Le Québec en est le plus grand producteur mondial (après le Wisconsin), et il n’en est pas à ses premiers pas dans l’industrie du jus rubis. Et, depuis peu, ce sont les résidus issus de la transformation de ce petit fruit qui révèlent leur potentiel.

Ce mois-ci, la marque de soins cutanés californienne Dermalogica lance son nouveau peeling chimique Liquid Peelfoliant, qui contient une enzyme de canneberge extraite des résidus post-pressage provenant d’un producteur bio québécois. «Notre fournisseur s’est associé à une ferme familiale qui existe depuis 20 ans et qui est très engagée dans le développement durable», dit Morgan Francis, spécialiste des ingrédients durables pour Dermalogica — un rôle qui a été récemment créé pour aider cette entreprise à atteindre ses objectifs en matière d’écoresponsabilité. Parmi ceux-ci: utiliser 90 % d’ingrédients provenant de sources durables d’ici 2025.

C’est là que le suprarecyclage peut s’avérer un allié, tant pour Dermalogica que pour l’ensemble de l’industrie. On peut voir cette pratique comme l’incarnation moderne du vieil adage qui dit que les déchets des uns sont les trésors des autres: «Le suprarecyclage consiste à récupérer un matériau qui aurait normalement été jeté et à le transformer en un produit à valeur ajoutée», explique Morgan Francis. Ce procédé diffère du recyclage, opération au cours de laquelle la nature du matériau demeure inchangée — par exemple, on fabrique du plastique à partir de plastique —, mais où sa qualité tend à se dégrader.

«Le suprarecyclage consiste à récupérer un matériau qui aurait normalement été jeté et à le transformer en un produit à valeur ajoutée.»

L’industrie de la beauté n’est pas la seule à revaloriser des sous-produits et des déchets de façon judicieuse. Certaines entreprises emploient des produits imparfaits pour fabriquer des compléments alimentaires (Outcast Foods), d’autres font du similicuir à partir de restes de pelures de pommes (Samara, basée à Toronto) ou donnent une seconde vie au plastique des océans et à des retailles de coton en les transformant en tissus uniques (Adidas, Everlane, Reformation).

Selon le cabinet d’études de marché Fact.MR, le marché mondial des ingrédients suprarecyclés est actuellement estimé à 275 M$ US et devrait atteindre 512 M$ US au cours de la prochaine décennie. Bien que l’industrie des aliments et des boissons ait été l’une des premières à adopter ce procédé, l’étude fait état d’une récente augmentation de la demande de la part de l’industrie des cosmétiques et des soins personnels.

Morgan Francis a pu constater cet engouement au printemps dernier lors du salon in-cosmetics Global, un des plus importants de l’industrie. Le suprarecyclage était sur toutes les lèvres, et des fournisseurs ont même remporté des prix pour leurs innovations en matière de revalorisation. Cette pratique est nouvelle pour Dermalogica, mais elle ne l’est pas pour d’autres marques, notamment celles qui s’affichent comme étant vertes ou propres. 

«Nous utilisons des ingrédients suprarecyclés depuis près de 20 ans», affirme David Delport, ambassadeur mondial de REN Clean Skincare. Cette marque britannique a commencé peu après ses débuts à recourir à de l’huile de riz revalorisée, et n’a cessé depuis d’utiliser des sous-produits, comme tout récemment pour son Élixir fortifiant barrière cutanée Evercalm, à base de germe de riz suprarecyclé.

La marque française de soins cutanés Caudalie est carrément née de ce principe, quand Mathilde Thomas, sa fondatrice, a appris que les sous-produits du vignoble de ses parents pouvaient avoir des effets bénéfiques sur la peau. Par exemple, le principal actif du sérum liftant fermeté Resveratrol-lift provient des tiges de la vigne.

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Élixir Fortifiant Barrière Cutanée Evercalm, Ren Skincare

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Crème De Jour Grape Stem Cell + Squalane Radiance, Three Ships

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Dans le même ordre d’idées, la marque Three Ships, basée à Toronto, utilise l’écorce des arbres de la forêt boréale — qui serait normalement jetée lors de la transformation du bois — et en extrait des molécules qu’elle incorpore à sa crème de jour Grape Stem Cell + Squalane Radiance. Les principes actifs de cette écorce renforcent l’hydratation et la souplesse de la peau. Du côté de New York, Farmacy se targue d’avoir une longue liste de produits contenant des ingrédients suprarecyclés (comme la pelure de tangerine, contenue dans son nouveau sérum sans eau avec 10 % de vitamine C). En 2021, l’entreprise aurait utilisé près d’une tonne et demie d’ingrédients qui étaient voués à la poubelle. En 2022, elle s’est engagée à ce que tous ses nouveaux produits contiennent des ingrédients recyclés et à éliminer deux tonnes de déchets alimentaires par an.

L’industrie alimentaire est aussi riche en ingrédients exfoliants, qu’on pense aux graines d’abricot qui entrent dans la fabrication du masque nettoyant micro-exfoliant de Nuxe ou au marc de café présent dans le gommage corporel de Cocokind. L’intérêt pour le suprarecyclage se fait sentir non seulement pour les soins de la peau, mais aussi en parfumerie. L’eau de parfum Angel Nova, de Mugler, utilise des pétales de rose préalablement distillés pour en tirer un second extrait à l’odeur distincte.

Tous ces efforts contribuent à limiter le volume de déchets qui aboutissent à un site d’enfouissement; un résultat louable quand on sait que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime qu’environ 1,3 milliard de tonnes de nourriture — soit un tiers des aliments produits pour la consommation humaine — est gaspillée chaque année dans le monde. «Quand les aliments finissent au dépotoir, ils se décomposent et peuvent produire du méthane, un gaz à effet de serre très puissant», rappelle Alissa Sasso, responsable de la santé des consommateurs pour l’organisme américain Environmental Defense Fund. Exploiter les sous-produits et les déchets pour fabriquer des composants cosmétiques permet aussi de réduire la quantité de matières premières à produire, ce qui se traduit par des économies d’eau et d’énergie et par une réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Mais avant de parvenir à de telles retombées, les marques et les fournisseurs d’ingrédients doivent déployer de grands efforts pour mettre en place la chaîne d’approvisionnement. «L’établissement de cette chaîne peut demander des ressources considérables, qu’il s’agisse du processus de transformation nécessaire pour arriver au produit final ou de l’évaluation de ce produit pour en garantir la sécurité», dit Alissa Sasso.

David Delport, de REN Clean Skincare, est du même avis: «Établir un lien significatif, durable et financièrement viable entre les sources d’approvisionnement et les laboratoires peut être un exercice délicat, mais j’ose croire que plus on en parlera, plus ce genre de procédé gagnera en popularité.» 

La façon dont on en parle est tout aussi importante: Alissa Sasso et David Delport soulignent tous deux le risque que le suprarecyclage devienne une simple stratégie de marketing. C’est une des raisons pour lesquelles Alissa Sasso aimerait que l’industrie de la beauté parvienne à une définition commune du suprarecyclage, comme l’a fait l’Upcycled Food Association pour le secteur de l’alimentation. «Plus l’information circule et plus les entreprises adoptent la même ligne de conduite, moins on risque de tomber dans l’écoblanchiment, et plus on s’assure que les choses sont aussi transparentes que possible pour les consommateurs», affirme-t-elle.

Chose certaine, on en a encore beaucoup à apprendre au chapitre du suprarecyclage. «On veut vraiment que les entreprises soient transparentes à propos de l’usage qu’elles font des sous-produits et de la façon dont elles évaluent leurs bienfaits pour l’environnement», dit Alissa Sasso, qui souligne au passage qu’une analyse du cycle de vie est indispensable (une démarche qu’a déjà entreprise Dermalogica pour l’extrait de canneberge utilisé dans son Liquid Peelfoliant).

Bon nombre d’entre nous veulent faire plus que bannir certains produits cosmétiques. Ils souhaitent que les marques contribuent au mouvement pour une beauté plus «propre». Le suprarecyclage est une excellente occasion pour ces entreprises de se distinguer. Et face aux alertes sans équivoque émises par la communauté scientifique sur la menace des changements climatiques, chaque geste — et chaque canneberge — compte. 

Prise deux

On sait que seule une fraction de ce qui se retrouve dans le bac bleu est véritablement recyclé. Voici quelques idées pour prendre les devants en donnant soi-même une seconde vie à certains emballages!

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Masque De Nuit Pour Les Lèvres, Laneige

Une fois propres, les pots de baume à lèvres sont parfaits pour y glisser des médicaments ou des petites menthes.

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Nettoyez les jolis étuis de maquillage vides pour en faire de petits coffrets chics et pratiques dans lesquels transporter vos bagues et vos boucles d’oreilles.

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Mettez vos pots de bougie vides au congélateur pour pouvoir en détacher la cire plus facilement, puis rangez-y des crayons, des pinceaux à maquillage ou une jolie plante grasse.

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