UN MOUVEMENT DE PLUS EN PLUS PRÉSENT

En choisissant un produit au hasard au rayon des cosmétiques, il est habituellement facile de deviner s’il s’adresse aux hommes ou aux femmes: dans la plupart des cas, les couleurs et le langage figurant sur l’emballage sont assez annonciateurs. Mais pas toutes les marques ne s’adonnent à ce type de marketing genré: on remarque que de plus en plus d’entre elles misent davantage sur une image neutre et sur des formules aux bienfaits universels. Pourquoi? Parce que la beauté figure parmi les domaines «où les gens sont le plus analysés en fonction de ce qu’ils désirent, et de ce qu’un produit représente pour eux», explique Jean-François Ouellet, professeur de marketing à HEC Montréal. Selon l’expert, les cosmétiques unisexes cibleraient une minorité de consommateurs qui réussit à voir au-delà de l’image qu’on donne à un produit, «d’autant plus que ceux qui sont généralement destinés aux femmes sont souvent plus chers.»

CK One, la célèbre fragrance unisexe de Calvin Klein, avait fait un tabac lors de son lancement il y a plus de 20 ans. Mais alors, pourquoi la mode des cosmétiques unisexes ne semble-t-elle avoir le vent en poupe que depuis peu? Il y a assurément un parallèle à faire avec l’évolution graduelle de la société vers l’égalité des sexes et l’acceptation récente de la fluidité des genres. «La taille d’un segment de marché fluctue toujours en fonction des réalités sociales et culturelles de l’époque, qui sont en mouvance constante», précise Jean-François Ouellet. Il est donc tout à fait naturel de voir la catégorie des soins mixtes se développer à vitesse grand V alors même qu’on se concentre de plus en plus sur l’aspect humain des gens, plutôt que sur leur genre féminin ou masculin.

CIBLER DES BESOINS UNIVERSELS

«Dès le départ, nous avons formulé nos produits pour répondre aux besoins de la peau, du corps et des cheveux d’un public global, masculin autant que féminin», déclare Kate Forbes, directrice générale, marketing et innovation chez Aésop, une marque australienne culte qui propose des produits s’adressant à tous. Malgré certaines différences physiologiques entre la peau des hommes et celle des femmes, les labels arrivent à leur offrir des solutions qui répondent à leurs besoins communs grâce à des formules tablant sur des objectifs précis. «Par exemple, notre gamme à la graine de persil, riche en antioxydants, a été développée pour assouvir les besoins des personnes vivant en milieu urbain, dont la peau est quotidiennement alliés beauté pour elle comme pour lui exposée à la pollution ambiante», explique Kate Forbes. Mais qu’en est-il des textures et des parfums? Certains plaisent-ils davantage aux hommes qu’aux femmes? La façon dont les consommateurs s’approprient les produits «en fonction de leurs arômes, de leurs textures et de leurs emballages est grandement influencée par leurs préférences personnelles», remarque Kate Forbes. En éliminant les présuppositions quant au sexe de la personne ciblée par un produit, on donne peut-être davantage la chance au consommateur de s’écouter et de se concentrer sur les bienfaits de la formule plutôt que sur tout un tas d’à-cotés.