Choisir son tatoueur

Décoration corporelle définitive, le tatouage est réalisé en injectant de l’encre à l’aide d’une aiguille sous l’épiderme, à moindre profondeur que le bulbe des poils. Comme les tatouages se déclinent en un large éventail de styles, selon l’artiste qui les réalise, ils nous permettent d’arborer une pièce ultrapersonnalisée. Mais attention: le geste n’est pas anodin et demande un minimum de recherche, surtout si on se fait encrer pour la première fois. Comment être sûre de faire le bon choix? «Souvent, lors d’une première expérience, on recherche un tatouage avec une forte signification, mais je suis d’avis qu’il faut plutôt choisir une pièce d’un artiste dont on admire le travail et qu’on trouve sublime en soi. La citation qu’on aimait tant à 18 ans ne résonnera peut-être plus des années après, alors qu’une panthère bien exécutée sera perpétuellement badass», explique Jessi Preston, cofondatrice du salon Two Horses, à Montréal, et propriétaire du studio Lombard Street Tattoo, à Portland, en Oregon. Pour découvrir le travail de tatoueurs de partout à travers le monde, rien de mieux que d’éplucher une tonne de portfolios sur les réseaux sociaux. On peut, du même coup, en apprendre plus sur la personne qui se cache derrière ses œuvres et sur sa façon de pratiquer son art. Pour sa part, Charline Bataille, tatoueuse chez Minuit Dix, à Montréal, croit énormément au pouvoir du bouche-à-oreille pour dénicher la perle rare. «Ce n’est pas tout de savoir que l’artiste est talentueux. Je veux que la personne qui me tatoue soit aussi féministe, respectueuse, communicative et ouverte à mes idées, en plus de bien connaître les différences de corps, de peaux et d’identités. Pour répondre à tous ces critères, mieux vaut se fier à des amis qui se sont déjà fait tatouer», insiste la tatoueuse.

Il est ensuite primordial d’établir un premier contact afin de voir si on se sent en confiance. «Je le répète toujours: il faut prendre le temps de discuter avec l’artiste. S’il ne vous écoute pas, que vous êtes mal reçue ou que vous ne vous sentez pas respectée, allez ailleurs!», conseille Muriel de Mai, instigatrice du studio Minuit Dix. Est-ce qu’une consultation avant notre rendez-vous final est absolument obligatoire? Les avis sont partagés! «La majorité de ma clientèle veut travailler avec moi parce qu’elle recherche précisément mon style, donc une rencontre préalable n’est parfois pas nécessaire. Par contre, si l’idée de mon client manque de clarté, de précision ou d’inspiration, je préfère qu’on en discute face à face avant d’esquisser un premier jet. Ensuite, si on souhaite apporter des modifications, on le fait le jour même du tatouage», précise Jessi Preston. «Avant, je prévoyais trois entretiens: une consultation en amont, une rencontre de dévoilement du dessin et, finalement, le rendez-vous d’exécution. Avec le temps, j’ai gagné en confiance. Il me suffit souvent de valider le projet par courriel avec les clients avant de les voir pour le tatouage, quitte à faire des modifications ensemble au besoin», clarifie Muriel de Mai. Dans tous les cas, on retient deux choses: l’important est de jeter notre dévolu sur un artiste dont le style nous parle, et de sentir que notre démarche se fait dans le respect et l’écoute.

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  Photographe: Imaxtree

Choisir l’emplacement

Le niveau d’inconfort ressenti – on compare souvent la sensation à une griffure sur un coup de soleil – va différer selon notre endurance et la partie du corps à encrer. «Pour une première expérience, je conseille de tatouer en priorité les bras ou les jambes, puisque ces membres sont généralement moins sensibles. Un tatouage sur les articulations, les côtes, le cou et le dessus du pied sera plus douloureux», précise Muriel de Mai. Contrairement à la croyance populaire, un lancinement important est dû à une riche concentration de terminaisons nerveuses sous un emplacement précis et non à la proximité d’un os. «Par contre, si on a une vision bien claire de la localisation de notre tatouage, on ne devrait pas laisser la peur de la douleur entraver notre choix. «Pour éviter une déception, il ne faut pas déroger de notre désir initial. Après tout, les tatouages, c’est pour toujours!», insiste Jessi Preston. Fanny-Jane Pelletier, tatoueuse au studio Désolé Maman, abonde dans le même sens: «Je conseille toujours de ne pas se laisser influencer par l’opinion de notre entourage pour ce qui est de la taille du design, de ses couleurs ou de son emplacement. Après tout, c’est nous qui allons l’arborer toute une vie durant. Pour ce qui est de la douleur, je dis souvent à la blague que si on peut survivre à une épilation intégrale du bikini à la cire, on peut se faire tatouer sans problème!»

Pour s’assurer de vivre la meilleure expérience possible, on se prépare en amont. Une bonne nuit de sommeil et un repas soutenant sont essentiels avant une séance de tatouage. Et le jour J, on n’oublie pas d’apporter de l’eau et des collations, car ça peut être long!

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  Photographe: Imaxtree

Sublimer

Une fois notre peau rehaussée du dessin tant rêvé, il est temps d’en prendre grand soin afin que le tatouage guérisse de façon optimale. En fonction du design, la cicatrisation s’étale sur plusieurs jours, voire quelques semaines. À noter que si on a une peau à tendance atopique ou qu’on est mal en point le jour de la séance, le temps de guérison peut s’étirer sur plusieurs mois. Pendant les deux semaines suivant notre sortie de l’atelier, il est primordial de nettoyer notre tatouage avec un savon doux, en lavant préalablement nos mains. Pour le reste des soins, les conseils peuvent varier légèrement selon l’artiste et ses expériences passées. «Tatouer, c’est un art, pas une science. Il y a donc une multitude de façons de faire! Personnellement, côté soins, je préconise une approche minimaliste: on évite de toucher le dessin fréquemment et on se tient loin des onguents. Il faut laisser l’épiderme se régénérer, et s’il démange, on le crème avec une minime quantité de lotion», préconise Jessi Preston. La règle d’or pour un tatouage durable et vibrant? «On évite de l’exposer au soleil dans les 30 jours suivant sa création et, par la suite, on veille à le tartiner d’écran solaire en tout temps. Autrement, il ternira beaucoup plus rapidement», note Muriel de Mai.

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  Photographe: Imaxtree

Couvrir

Est-ce que le regard qu’on pose sur les touages a évolué au cours des dernières années? «Il est vrai qu’à Montréal, les tatouages sont plus démocratisés qu’en Europe, mais j’ai grandi à Los Angeles et vécu à Philadelphie, et là-bas, les gens sont majoritairement plus encrés qu’au Québec. Ici, dès qu’on sort de la métropole, on sent tout de suite que c’est plus conservateur…», analyse Jessi Preston. Son de cloche semblable chez Muriel de Mai, qui a fait son apprentissage à Paris et qui affirme que chez nous, «les tatouages sont vraiment plus acceptés que sur le Vieux Continent, particulièrement dans les professions libérales».

Même si, en général, les modifications corporelles sont davantage répandues qu’avant, il reste que nous ne sommes jamais à l’abri d’un regret. Pour remédier à un tatouage mal exécuté ou pour effacer une erreur du passé, plusieurs options s’offrent à nous. Si on veut seulement camoufler ledit tatouage le temps d’une soirée, on se tourne vers des cosmétiques spécialement conçus à cet effet, dont la formulation ultrapigmentée ne transfère pas sur les vêtements. On pense aux fonds de teint et aux cache-cernes de Kat Von D, lancés par l’artiste tatoueuse du même nom qui, depuis le lancement de sa marque il y a dix ans, est devenue un vrai magnat de l’industrie de la beauté. On peut également se fier aux produits de camouflage de la compagnie Dermablend, dont la publicité mettant en vedette Zombie Boy, un artiste montréalais tatoué de la tête aux pieds, avait beaucoup fait jaser il y a quelques années. Fanny-Jane Pelletier, par contre, nous met en garde: «Lorsqu’un client me mentionne d’emblée qu’il planifie cacher son tatouage, je lui demande de réfléchir avant de passer à l’acte. Si on craint de se tanner, on met le projet sur la glace jusqu’à ce qu’on soit sûr de notre choix!»

Pour une solution plus radicale, on se tourne vers le cover-up, qui consiste à fondre un ancien tatouage dans le design d’un nouveau, ou vers le laser, qui fragmente l’encre sous l’épiderme en de minuscules particules que le corps élimine ensuite, effaçant du même coup le dessin de notre peau. Tout dépendant de la taille et des teintes de notre tatouage, le laser demande en moyenne de 8 à 12 séances pour être efficace. Et attention: selon l’encre utilisée au départ, il se peut qu’elle ne disparaisse pas complètement et que la texture de notre peau soit altérée par le traitement. On peut aussi pâlir le tatouage original à l’aide d’une ou deux séances de laser avant de le faire recouvrir par une nouvelle œuvre. Dans tous les cas, on doit s’attendre à ce que la facture grimpe en flèche. Raison de plus pour choisir son artiste avec soin lorsque l’envie nous prend de se faire tatouer!