Sortir des sentiers battus

«Il y a deux ans, pour la Saint-Valentin, j’ai eu envie de sortir des sentiers battus, nous confie Sabrina*. Je souhaitais offrir à mon homme une petite douceur tout aussi à-propos que les roses, la lingerie et le chocolat, mais plus originale et surtout, bien plus perso.» Sabrina a donc osé demander une épilation coquine à son esthéticienne: à l’aide d’un pochoir, celle-ci a taillé le bikini de sa cliente en forme de cœur et a teint les poils carmin. Pas besoin de dire que l’amoureux de la jeune femme a vu rouge… C’était assez pour faire pétiller la fin de soirée, sans qu’on ait besoin de sabrer le champagne! «J’ai répété l’expérience l’an dernier, dit Sabrina, avec un petit plus: en accessoirisant le tout d’un piercing. Mon homme en a eu le souffle coupé.»

*Nom fictif.

Demandes farfelues

Culottée, cette Sabrina? Pas tant que ça, à en croire France Beaudry, propriétaire de l’institut de beauté du même nom au Complexe Desjardins. «Les demandes d’épilation farfelues ne sont pas légion, mais nous parviennent tout de même à intervalles réguliers, à Noël, le 14 février, ou à l’approche d’un anniversaire de mariage, confirme-t-elle. Et il n’y a pas d’âge pour oser: des filles de 20 ans, comme des femmes de 45 ans, cognent à notre porte, dit madame Beaudry. Certaines apportent même le schéma du design désiré, transformant nos esthéticiennes en artistes de la cire et de la pince à épiler».

Mais, de là à dire que la mode est sur toutes les «lèvres», il y a une marge. «La pratique était plus répandue, il y a une vingtaine d’années, concède Josée Chartrand, copropriétaire du spa EQLib. À l’époque, on laissait le maillot touffu, n’épilant que sa limite extérieure. Ce qui nous donnait une plus grande latitude, côté design, analyse l’esthéticienne. Aujourd’hui, la tendance est à l’épilation brésilienne ou intégrale, et à force d’arracher les poils pubiens, la toison du bas-ventre se fait de plus en plus clairsemée, voire inexistante.»

Mais si l’envie vous titille malgré tout (et que vous n’avez pas encore opté pour la coupe à blanc), sachez que la plupart des instituts se plient aux caprices excentriques de leurs clientes. Même qu’en 2007, Conair lançait la tondeuse BikiniStyle (jumelée à deux peignes et pochoirs, en forme de cœur et d’éclair), permettant de se déboiser soi-même et avec style, le tout pour 40 $.

Perçage

Pour accroître le plaisir ou par pure coquetterie, certaines s’offrent aussi un piercing des parties génitales. Assaf Wizman, propriétaire de Nezem, une boutique de perçage de la rue Saint-Denis, affirme que le piercing intime séduit surtout les femmes dans la trentaine et la quarantaine. «Elles choisissent alors de ‘‘bijouter’’ leurs lèvres, pour mettre en relief les dessous sexy qu’elles viennent d’acquérir, et surprendre leur douce moitié», confie-t-il.

Mais, s’il est tentant de faire de l’effet en lorgnant du côté des perles, cristaux, diamants et autres pierres colorées, Assaf Wizman émet un bémol. «Pour éviter les infections et quelque inconfort, mieux vaut se contenter de pièces stériles et simples, en titane, et de s’y prendre un mois avant le jour J, pour que les lèvres percées aient le temps de cicatriser.» Avis aux craintives: l’exercice dure moins de 15 minutes et aux dires de l’expert, le degré de douleur est infime.   

Tatouage
On pourrait croire que les femmes les plus olé olé se tournent aussi vers le tatouage pour mettre en exergue leur région pubienne. Pas selon Caroline Cloutier, propriétaire de Tatouage Iris, un atelier de la rue Ontario. «Le tatouage n’est plus un acte impulsif comme autrefois, quand on initialisait nos biceps ou notre décolleté du pseudonyme de notre bien-aimé(e), note Caroline. Même les petits cœurs ou les cupidons ne sont, pour l’heure, plus du tout populaires», ajoute-t-elle. À ses dires, le tatouage est devenu un acte réfléchi, porteur de sens. Une sorte de rituel. «Au lieu de faire tatouer leur bas-ventre pour titiller Monsieur, les femmes se présentent chez nous accompagnées de leur chum, note madame Cloutier. Ils choisissent un motif significatif pour eux et se font tatouer, en couple, à Noël, pour un anniversaire ou pour la Saint-Valentin.»

Même les dessins au henné ne semblent pas avoir la cote, en périphérie du vagin. Sans doute parce qu’il y a cinq ans, Santé Canada mettait en garde les Canadiens contre cette pratique, la jugeant dangereuse: la pâte de henné noir a une concentration élevée en PPD, un ingrédient toléré par les cheveux mais beaucoup moins par la peau. Ce dernier entraînerait très fréquemment des éruptions cutanées, des démangeaisons, des cloques et des cicatrices. 

Sensations tactiles
Si on entretient avec autant de soins notre Éden féminin, c’est pour des raisons tant pratiques, qu’esthétiques et hygiéniques. Même si nos poils font écran aux poussières et aux bactéries, et que leur présence sonne la fin de l’enfance, la plupart des femmes préfèrent faire flèche de tout bois et les exterminer. Car si on en pince pour l’épilation totale, c’est non seulement pour faire bonne figure en trikini, mais aussi, aux dires des sociologues, parce que ça nous procure un sentiment de jeunesse! Les sexologues, eux, soutiennent que ça décuple également le plaisir sexuel en nous poussant à prendre le contrôle de notre corps. Pourquoi pas?