En mars dernier, à l’Expo manger santé et vivre vert de Montréal, il y avait non pas une, mais bien deux conférences sur le régime FODMAP, et les salles étaient pleines à craquer. Mise au point par la nutritionniste australienne Sue Shepherd, cette approche alimentaire, qui promet de mettre fin aux ballonnements, aux gaz et aux douleurs abdominales caractéristiques du syndrome de l’intestin irritable (SII), suscite de plus en plus d’intérêt. Pas étonnant, quand on sait combien les personnes atteintes de ce syndrome (elles représentent de 12 % à 15 % de la population, et quatre sur cinq sont des femmes) peinent à trouver des solutions pour soulager leurs maux… En quoi consiste ce régime? Donne-t-il de bons résultats? Le point en 10 questions.

Les fodmaps, c’est quoi?

Ce nom est l’acronyme de l’expression Fermentable by colonic bacteria Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides And Polyols (en français: oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles par la flore intestinale). Ces quatre types de glucides sont normalement digérés dans l’intestin grêle, transformés en nutriments et absorbés par l’organisme. Mais chez certaines personnes, dont plusieurs souffrant du SII, ils sont mal digérés et arrivent quasiment intacts dans le côlon, où ils sont fermentés par les bactéries intestinales, ce qui peut occasionner des ballonnements, des gaz, des douleurs abdominales et des diarrhées.

Où trouve-t-on les fodmaps?

Les oligosaccharides

Ils sont présents dans les légumes comme l’oignon, le poireau et l’ail (sous forme de fructanes), ainsi que dans les légumineuses ou encore les céréales comme l’avoine et le blé (sous forme de galactanes).

Les disaccharides

Parmi eux, celui qui crée des troubles digestifs est le lactose (sucre du lait), contenu dans les produits à base de lait de vache, de brebis ou de chèvre.

Les monosaccharides

Dans notre alimentation, c’est le fructose, soit le sucre naturel des fruits, qu’il faut surveiller. Ce dernier est digeste quand sa proportion est faible et qu’il est accompagné, dans un aliment, d’un autre sucre (le glucose). Ce sont donc les fruits à forte teneur en fructose (et ceux qui contiennent bien plus de fructose que de glucose) qui posent problème, comme les poires, les pommes, les mangues, les cerises et les prunes, ainsi que les fruits séchés.

Les polyols

Ceux qui causent des difficultés sont principalement le sorbitol, le mannitol et le xylitol. On les trouve dans certains fruits et légumes (les pommes, les abricots, les nectarines, les choux-fleurs, les champignons), mais surtout dans les produits «sans sucre» comme les bonbons, les confitures et les autres produits allégés en sucre.

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En quoi consiste le régime fodmap?

L’idée est d’éliminer complètement de son alimentation tous les aliments riches en fodmaps pendant une première phase, qui dure de six à huit semaines. La seconde phase consiste à réintroduire ces aliments dans ses repas, un type de glucides à la fois (oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides, polyols), chaque semaine. En isolant ainsi les différents fodmaps, on détermine, aux ballonnements qu’ils occasionnent, lesquels sont à exclure de notre régime. Par la suite, on procède à divers essais pour comprendre quels aliments de quelles familles de fodmaps on digère bien et dans quelles proportions (par exemple, on ne supporte pas les mangues, mais deux abricots secs passent bien).

À qui s’adresse-t-il?

«À tous ceux qui en ont besoin», dit le Dr Pierre Nys, endocrinologue, nutritionniste et auteur de Plus jamais mal au ventre – La solution fodmaps pour soulager vos troubles digestifs. C’est-à-dire aux personnes qui sont indisposées après les repas, qui ont des ballonnements, des gaz et des crampes abdominales, et qui souffrent de diarrhées ou de constipation. Évidemment, «beaucoup de personnes qui sont atteintes du SII éprouvent ce type de symptômes, explique le gastroentérologue Mickael Bouin, professeur à l’Université de Montréal. Elles sont donc les candidates idéales pour cette diète.»

Est-ce que le régime fodmap guérit le sii?

Hélas, non: il permet seulement d’en diminuer les symptômes. «Mais attention, il n’y a pas que les aliments qui causent des troubles digestifs, précise le Dr Nys. Le stress qu’on subit, notre mode de vie et notre façon de manger (dans le calme ou l’agitation, rapidement ou en mastiquant bien) entrent aussi en ligne de compte.

Ce régime comporte-t-il des risques pour la santé?

Pas vraiment, disent les spécialistes. «Il ne préconise pas d’exclusion définitive d’aliments: il ne peut donc pas provoquer de carences, contrairement à ce qui se produit quand on proscrit un groupe d’aliments pendant une longue période, explique le Dr Nys. Si on observe qu’on tolère mal une famille donnée de sucres, on pourra sûrement trouver parmi celle-ci quelques aliments qu’on digère mieux.» Le Dr Bouin est du même avis. «Je ne crois pas qu’il y ait de risques pour la santé, car il existe suffisamment de fruits et de légumes qui ont une faible teneur en fodmaps: cette diète n’empêche donc pas d’avoir une alimentation équilibrée. Le seul problème, c’est quand les gens sont intolérants au lactose. Dans ce cas, je leur conseille de consulter un nutritionniste qui leur dira où trouver le calcium et la vitamine D dont ils ont besoin.»

Peut-on entreprendre ce régime sans être suivi par un professionnel?

Selon le Dr Nys, «il n’est pas nécessaire de consulter qui que ce soit, car cette diète ne présente pas de risques pour la santé». Pour le Dr Bouin, en revanche, il vaut mieux être accompagné d’un nutritionniste au départ, car «c’est difficile, au quotidien, d’identifier et de garder en mémoire tous les aliments qu’on peut manger ou non».

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Ce régime est-il efficace?

«Oui, plusieurs études scientifiques le montrent, dit le Dr Bouin. Je prescris le régime FODMAP à mes patients depuis deux ans, et il donne de très bons résultats. Mais je ne le conseille pas dès le premier rendez-vous, car il est contraignant. Au début, je dis à mes patients atteints du SII de procéder par essais et erreurs pour trouver à quels types d’aliments ils sont intolérants. C’est quand cette méthode ne fonctionne pas que je recommande le régime complet.»

Et si celui-ci ne donne aucun résultat?

«Dans ce cas, il faut arrêter de le suivre, car cela montre que les fodmaps ne sont pas responsables de nos troubles digestifs», précise le Dr Nys.

Que faire quand on est végétalien?

Si on digère bien les légumineuses et les céréales, il n’y a évidemment pas de problème. Mais dans le cas contraire, «les choses deviennent très compliquées», avoue le Dr Nys. Pour éviter de conclure trop vite qu’on ne digère pas les légumineuses, le nutritionniste conseille d’abord d’essayer toutes les sortes, une par une, en petites quantités. Par ailleurs, les conserves (à condition qu’on jette l’eau de la boîte et qu’on rince les légumineuses abondamment) et certaines techniques de cuisson (trempage, cuisson prolongée dans différentes eaux) favorisent une meilleure digestion. Enfin, une personne végétalienne peut se tourner vers d’autres sources de protéines végétales, comme le tofu, le tempeh et les protéines de soya texturées.

Est ce que tout le monde devrait limiter sa consommation de fodmaps?

Certainement pas! Ces quatre sucres sont bons pour la santé, et seules les personnes qui ne les tolèrent pas devraient en consommer moins.

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