On ne compte plus les stars qui ont troqué leur it-bag contre un tapis de yoga, qui vantent les bienfaits de la pleine conscience ou d’une détox miracle… C’est Gwyneth Paltrow qui a lancé le bal en 2008 avec son site Goop, sur lequel elle prône (non sans susciter la controverse!) des régimes stricts et une hygiène de vie ultra saine. Dans la foulée, d’autres actrices, telles que Jessica Alba, Alicia Silverstone, Eva Longoria et Cameron Diaz (au Québec, Jacynthe René!) y sont allées de leur bestseller sur l’art de vivre en santé et d’avoir un corps de déesse. Même J. Lo s’y est mise en devenant l’égérie des suppléments nutritionnels BodyLab. Sans oublier les autres gourous du bien-être qui, grâce à leur livre à succès, ont converti des milliers de disciples à un mode de vie équilibré. On pense bien sûr à l’activiste «crazy sexy» Kris Carr, survivante d’un cancer, et à la «junkie spirituelle» Gabrielle Bernstein, qui répand ses préceptes de sagesse depuis qu’elle a rompu avec ses comportements addictifs. Comme elles, de nombreuses femmes ne jurent que par leur diète bio-sans-gluten-ni-sucre, la course ou le yoga chaud… Mais qu’est-ce qui explique ce culte soudain du bien-être?

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Une quête de sens

Selon le Dr Robert Béliveau, médecin spécialisé dans la gestion du stress, ce désir d’équilibre n’est pas nouveau. «De tout temps, nous avons essayé de mieux vivre. Ce qui a changé, ce sont les obstacles à notre épanouissement. Aujourd’hui, la culture matérialiste nous vend l’idée qu’en comblant toutes nos envies – la grosse maison, le poste prestigieux, etc. – on sera heureux. Mais c’est un leurre!» Le Dr Béliveau rappelle que nous sommes des êtres spirituels, animés par le désir de donner un sens à notre vie. Selon lui, c’est ce besoin d’accomplissement qui nous pousse à chercher un antidote à notre mal-être.

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«Pour certaines personnes, ça sera la méditation. D’autres préféreront la course ou deviendront vegan», fait remarquer Geneviève Guérard, animatrice à ICI ARTV. Pour cette ancienne danseuse étoile des Grands Ballets Canadiens de Montréal, la réponse a été le yoga. Il y a deux ans, elle a fondé avec Érik Giasson, un exfinancier de Wall Street, le studio Wanderlust, dans le quartier Mile End, à Montréal. «Je vois de plus en plus de gens, surtout de la génération Y, dire adieu à la performance à outrance et avoir envie d’habiter leur corps, de s’incarner dans leur propre vie», dit-elle, en ajoutant qu’elle trouve le calme et la concentration dès qu’elle déroule son tapis. «J’apprends à vivre le moment présent et à respecter mes limites. Le yoga m’apporte aussi plein de bienfaits physiques. Je suis plus en forme que je l’étais à 25 ans. Je jogge encore plus facilement… ce qui ne m’empêche pas d’être une fille ben ordinaire, stressée, qui boit du vin et qui mange des chips!»

Dompter son stress, faire le ménage dans sa tête, se délester des kilos en trop ou se dépasser: toutes les raisons sont bonnes pour se «convertir». «Moi, j’ai changé mon mode de vie pour cesser d’avoir mal», confie Chantal Tellier, journaliste beauté à ELLE QUÉBEC, qui raconte ses tribulations sur son blogue (ellequebec.com/chantal). Souffrant de fibromyalgie depuis plusieurs années, elle a ressenti le besoin d’apporter des changements profonds dans son alimentation pour aller mieux. «J’ai commencé par arrêter de boire de l’alcool. Ça me donne la clarté d’esprit nécessaire pour amorcer d’autres changements. Mes recherches et mes convictions m’ont amenée à me tourner vers le végétalisme. Et avec l’aide d’une kinésiologue, je m’entraîne aussi. J’ai enfin décidé de prendre soin de moi!»

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Une même volonté d’éloigner la maladie a poussé Juliette Kerr, une énergique quadragénaire, mère de trois enfants, à enfiler ses souliers de course, à l’aube, six fois par semaine. «Mon père a été atteint de la maladie de Parkinson à 42 ans, et ma mère souffre d’alzheimer. Je me sens très vulnérable… Le jour où j’ai appris qu’on peut réduire du tiers les risques de développer ces maladies en s’activant trois fois par semaine, j’ai commencé à courir. Depuis, rien ne peut m’arrêter!»

Ann Bois, qui dirige sa propre boîte de relations publiques, éprouve ce même enthousiasme pour le sport: «J’ai besoin de bouger! Enfant, je n’étais pas sportive, mais je le suis devenue grâce à un prof qui m’a inculqué l’importance d’avoir une bonne hygiène de vie. Depuis, j’intègre le yoga, la course, le tennis et la natation à mon quotidien, sans rien forcer. Si j’ai une petite fierté, c’est celle d’avoir un corps en santé et de pouvoir monter une côte sans m’essouffler!»

#plénitude

Geneviève Colmer est une des nombreuses femmes à avoir envoyé balader le prestige et la sécurité matérielle d’une carrière en communication pour se convertir en professeure de yoga. «Je sentais qu’il manquait quelque chose de spirituel dans ma vie, quelque chose en accord avec mes valeurs. Ça a commencé par un petit chuchotement, puis la voix est devenue plus forte: j’avais besoin de trouver mon moi authentique.»

Déjà férue de santé et de yoga, cette foodie en a fait ses nouvelles raisons de vivre… sans toutefois se transformer en Gwyneth-la-parfaite, qu’elle estime «à des années-lumière de notre réalité». Aujourd’hui, Geneviève est plus épanouie que jamais et n’a qu’une envie: rendre sa passion contagieuse. Elle le fait en diffusant des recettes santé et des trucs bien-être sur son blogue redfairyproject.com et en publiant chaque jour, après sa méditation matinale, des images et des pensées inspirantes sur Facebook et Instagram. «J’ai besoin de créer une communauté, de faire partie du mouvement!»

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Car si les célébrités ont contribué à populariser la tendance bien-être, c’est sur les réseaux sociaux qu’elle a connu son véritable essor. Sur Instagram, on ne compte plus les photos de smoothies ou de selfies d’après-gym accompagnés de mots-clics comme #strongisthenewskinny, faisant l’éloge de corps athlétiques plutôt que maigres. Ce sont les mêmes filles – hyperactives sur les réseaux sociaux – qui, armées de leur tapis de yoga et de leur téléphone intelligent, se retrouvent dans de grands rassemblements comme le festival Wanderlust et le Lolë White Tour. Appartenir à une communauté leur permet non seulement de se motiver mutuellement, mais aussi d’apprendre à re-la-ti-vi-ser. «Quand on s’adonne à une activité avec d’autres personnes, on constate que nul n’est parfait, note le Dr Béliveau. On prend donc nos petits écarts et nos limites avec plus de légèreté et de détachement.» Ce qui, en soi, est très sain!

L’illusion de la perfection

On est passée de «patate de sofa» à fana des asanas? On respire par le nez au lieu d’exploser? On troque notre double expresso contre un thé vert bio? Chapeau! Mais attention d’en faire trop. Car, malgré les meilleures intentions du monde, il est facile de tomber dans le piège de la performance à tout prix, y compris en matière de bien-être.

Jordan Younger, créatrice du blogue theblondevegan.com, en sait quelque chose. La Californienne de 24 ans, accro du kale et des smoothies, admet que son désir de manger sainement est devenu une obsession qui l’a menée jusqu’à l’orthorexie. Aujourd’hui, elle fait rimer santé avec équilibrée (elle a d’ailleurs rebaptisé son blogue thebalancedblonde.com), tout en nous prévenant du danger de la désinformation sur le Web: «Le problème, c’est qu’il y a trop de gens qui montrent sur les réseaux sociaux des photos de leur corps parfait en affirmant que seul un régime végétalien cru peut donner ce genre de résultats. C’est archifaux! Ça me désole de voir les dégâts que causent de telles faussetés, surtout auprès des jeunes femmes.»

Un phénomène inquiétant, que dénonce aussi le chercheur canadien en sciences de la santé Timothy Caulfield dans son brûlot Is Gwyneth Paltrow Wrong About Everything? «Prenez les tendances du juicing, des aliments sans gluten et des cures désintox: les aurions-nous adoptées avec autant d’enthousiasme si les célébrités ne les avaient pas promues? Toutes ces stratégies extrêmes pour être en forme envoient le mauvais message.» À savoir que les apparences et la minceur sont plus importantes que la santé.

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«L’engouement de la population pour la saine alimentation et la cuisine maison est certes très positif», fait observer pour sa part Fannie Dagenais, nutritionniste et porte-parole de l’organisme Équilibre. «Mais si on se fixe des objectifs inaccessibles, ça devient stressant et culpabilisant; de plus, ça mine notre estime personnelle et notre joie de vivre au quotidien.» C’est pourquoi elle préconise l’équilibre plutôt que la perfection. Car, dit-elle, «la perfection n’existe pas»! Désolée de te l’apprendre, chère Gwyneth!  

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