Les Lundis sans viande, c’est une campagne internationale qui nous encourage à consommer moins de viande, pour des raisons d’écologie, de santé et d’éthique animale. Le principe? On mange végétarien les lundis, que ce soit à la maison ou au resto. Trois filles de la rédaction- toutes carnivores- se sont portées volontaires pour essayer ce nouveau mode de vie pendant un mois. Voici le récit de leur «sevrage».

Pour plus d’info, vous pouvez lire tout un dossier sur le «flexitarisme» (le végétarisme à temps partiel) et les lundis sans viande dans le numéro de juin 2010 de ELLE QUÉBEC, en kiosques à partir du 7 mai.

Chantal Tellier, chef de la section Culture:
Une allergique aux fourneaux tente de se convertir

Lorsque ma collègue Kenza m’a parlé des Lundis sans viande, j’ai tout de suite eu envie d’y participer. Depuis un an, je réfléchis au fait de devenir végétarienne. Mais ce qui m’a vraiment décidée, c’est quand j’ai vu sur Youtube une vidéo dans laquelle un petit chien sauvait une portée de chatons d’un incendie. D’aucuns diront sans doute que le chien n’agissait que par instinct et qu’il ne faut pas voir là une trace d’intelligence, mais je n’en suis pas si sûre. Évidemment, je ne consomme pas de chien (à part les chiens chauds!), mais des histoires comme celles-là me font penser qu’entre l’animal domestique et l’animal d’élevage, la différence n’est peut-être pas aussi grande qu’on le pense. Pourtant, je bouffe allègrement du second… L’occasion faisant le larron – et boostant la motivation! – je me suis donc lancée avec enthousiasme dans l’aventure.

 

Photo: Istock

 

Semaine 1

Le premier soir, manque de pot, j’ai rendez-vous chez St-Hubert avec une copine. Craquerai-je dès le début? Non, je résiste vaillamment…  même si mon chum m’a dit qu’il me renierait si je ne commandais pas de poulet. Au menu: soupe aux légumes (j’haïs ça!) et frites. Heureusement que le raisin n’est pas un animal, car j’ai noyé mon «succès» dans le vin…

Par contre, j’étais en parfait accord avec mes convictions. La façon dont sont traités les animaux d’élevage me répugne, et je n’ai épargné aucun détail scabreux à ma copine sur ce sujet. Il est rare que je fasse du prosélytisme, mais dans mon élan, je me voyais déjà convertir tous mes amis. Pas sûre qu’elle me réinvite au resto de sitôt…

J’ai même songé à regarder ce qui se faisait du côté de la bouffe végé pour animaux domestiques, mes chattes m’apparaissant nettement plus faciles à convaincre que mon chum du bien-fondé de la démarche. En principe, il est pour le fait de manger moins de viande. Mais en pratique, il m’arrive souvent de trouver dans le sac à ordures des emballages de McDo ou de Subway, et je me doute bien que ce ne sont pas mes chattes qui se bourrent la face en secret…

Semaine 2

Une soupe aux lentilles concoctée par mon chum m’attend sur la table. Je n’aurais pas dû me montrer si ravie car j’ai eu droit dans les semaines qui ont suivi à mille et une variations sur le même thème. Résultat: la soupe aux lentilles, pus capable! 

Semaine 3

La naturopathe m’apprend que je dois y aller mollo sur les légumineuses pour un temps à cause de mon colon irritable. Yes! Exit la soupe aux lentilles! Comme je n’ai pas très envie de cuisiner (rien de nouveau sous le soleil…), j’opte pour une crème de légumes réchauffée, un œuf dur, des craquelins et des olives. Mon chum arrive à la maison plus tard que moi et sort le grand jeu: légumes cuits vapeur, pâtes et simili-poulet sous forme de poitrine. Son verdict: tout à fait passable et même bon. De quoi regretter mon choix facile? Que nenni. Son simili-machin a l’apparence du poulet, il en a la texture, mais là s’arrête la comparaison. Beurk!

Semaine 4

C’est bizarre, non, c’est toujours les lundis que je ressens une envie irrépressible de viande… Au souper, malgré toutes mes bonnes intentions, je craque. Je force mon chum à manger un restant de steak haché: pas question de perdre du bœuf bio au prix prohibitif de 8 $ le demi-kilo. Quant à moi, je me «sacrifie» et engouffre deux tranches de jambon, bio lui aussi, qui n’aurait pas survécu à une autre journée dans le frigo. À 2 $ la tranche, il est hors de question qu’il finisse à la poubelle. Oui au flexitarisme, mais pas à tout prix!

Bon, je râle un peu, mais mon chum et moi allons poursuivre l’expérience. Lui, par conscience écologique, moi, par compassion envers les animaux. Mais je m’aperçois qu’avant de dire adieu à la viande de façon définitive, je dois procéder par étapes: essayer chaque semaine de nouveaux produits végé et voir ce qui me convient, car il se fait de très bonnes choses; trouver d’autres sources de protéines que le fromage (si bon mais si gras) si je ne veux pas devenir une végétarienne obèse! Et surtout – c’est mon chum qui sera content – je devrai apprendre à cuisiner. Je n’y couperai pas. Car s’il est relativement simple de trouver un poulet rôti bio en épicerie, il est plus difficile de se procurer du (bon) tofu prêt à manger…

Illustration: Soledad

Martina Djogo, responsable contenu web

Virage culturel à 180°

Je viens d’une famille de carnivores extrêmes: nous sommes originaires de l’Europe de l’Est. Quand on y retourne, il n’est pas rare que grands-parents, oncles et cousins nous accueillent avec un agneau fraîchement égorgé rôtissant lentement sur le méchoui. Leur façon à eux de nous souhaiter la bienvenue.

Avec le temps, ma famille immédiate s’est québécisée: des ingrédients exotiques sont apparus sur nos menus, des mots comme «gaspacho» et «sushi» se sont glissés dans nos conversations, et la viande s’est faite un peu moins présente dans notre frigo. Nous ne mangeons presque plus de saucisson et de salami le matin, par exemple. Pas très impressionnant, dites-vous? Pour nous, si. Pour vous donner une idée, la dernière fois que j’ai visité ma tante en Bosnie, mon petit-déjeuner comportait pas moins de cinq viandes différentes: du méchoui de la veille (eh oui, c’est un plat populaire), du porc froid, différentes sortes de prosciutto, et enfin, des foies de volaille fraîchement sautés pour l’occasion. Vous conviendrez qu’éliminer la viande du petit-déjeuner, dans ce contexte, cela s’appelle «faire du chemin».

Reste que la perspective de passer quatre semaines sans viande les lundis était étrange pour moi. Déstabilisante. J’avais envie depuis longtemps de diminuer un peu ma consommation de viande (je suis aussi sensible au sort des animaux et à celui de la planète), tout en m’avouant à moi-même que je ne ferais jamais l’impasse devant une bonne bavette-frites au restaurant. Ni devant la délicieuse cuisine de ma mère, d’ailleurs. Mais je pouvais toujours essayer de consommer moins de viande les soirs où je n’étais invitée ni au restaurant, ni chez ma mère.

 

Photo: Istock

Semaine 1

La première semaine, je suis ultra motivée: puisant mon inspiration dans le livre Recettes végétariennes (Larousse), je prépare une succulente recettes de pâtes au tofu, légumes et sauce arachide, et j’invite ma sœur et son copain à partager mon sort. «Je peux amener un steak?» demande son chum.

N’empêche que les résultats sont concluants. Ma sœur a adoré, son copain n’a pas reparlé de steak, et moi, je me suis sentie plus légère. Il s’agit peut-être d’un effet placebo, parce que, dans les faits, je me suis empiffrée de pâtes, mais quand même. Pas de viande, forcément, cela se digère mieux.

Semaines suivantes

Pour les semaines subséquentes, par contre, ma belle motivation vole en éclats et la vraie vie reprend le dessus. Des recettes? Trop d’effort. Un soir, je me nourris de chips et de hummus à la hâte, parce que je suis en retard à un rendez-vous. La semaine suivante, je passe mon temps à geindre que «les crevettes devraient faire partie de la catégorie végétarienne». Puis, j’ai une révélation: il n’y a pas de viande dans le combo pâtes-sauce-tomate! Cette recette de base sauve mon honneur et m’empêche de tricher. La dernière semaine, je frappe un coup fort tout à fait par hasard: un soir, je me prépare des pommes de terre rissolées, des champignons sautés et de la salade; le soir suivant, ma sœur me nourrit de potage à la courge butternut, et de salade de quinoa. Délicieux et 100% sans viande. 

La morale de cette histoire? Je tenterai de me faire inviter plus souvent chez ma sœur, après l’avoir convertie, elle, au flexitarisme. Il faut savoir faire des compromis, dans la vie!

 

Photo: Studio André Doyon

Vanessa Basille, coordonnatrice à la rédaction et aux photos

La déprogrammation d’une carnivore

Tester le flexitarisme? Je me suis tout de suite portée volontaire. Faut dire que le sort des animaux d’élevage me touche et que cela fait des années que je cherche à diminuer ma consommation de viande. Car, il faut l’avouer, j’en mange BEAUCOUP. Je me réfugie souvent derrière le fait que je suis Française et que chez nous, la viande est le point d’orgue de chaque repas qui se respecte. Ma sœur avait même déjà tenté de devenir végétarienne à l’adolescence, mais devant le refus de mon père d’accepter son nouveau régime- il continuait à lui servir ses gigots et ses rôtis de la viande et la harcelait à chaque repas pour qu’elle en mange-, elle a rapidement dû abdiquer.

Force est de constater qu’aujourd’hui, je perpétue cette tradition familiale.  Le rayon des viandes m’attire comme un aimant! Mais le temps est venu d’accorder mon alimentation à mes convictions…

 Semaine 1

 Bilan de mon premier lundi sans viande? Pas fort. J’avais fait décongeler de la viande pendant la fin de semaine, et en plus je voulais absolument essayer une recette de jarrets de porc au miel et à la lime. Mon copain et moi avons donc dérogé à la règle dès le premier soir…  Heureusement, je me suis rattrapée le soir suivant en faisant l’unique plat végétarien que je sais cuisiner: un sauté de légumes au tofu. À ma grande surprise, mon chum m’a avoué qu’il commençait à aimer le tofu. Comme quoi, rien n’est impossible!

 

Illustration: Soledad

Semaine 2

Mes vieilles habitudes reviennent au galop: en faisant les courses, je me laisse séduire par de belles pièces de viande… Le jour suivant, mon copain se dépêche de me rappeler mes devoirs de néo-flexitarienne en me préparant un plat de raviolis aux champignons. Je leur remets donc, à lui et à ses raviolis, tout le crédit de mon succès de cette semaine.

 Semaine 3

 J’ai un peu perdu le fil des lundis sans viande, mais le mercredi soir, ma belle-sœur nous invite à manger et nous prépare un sauté asiatique. En nous servant, elle s’aperçoit qu’elle a oublié d’y ajouter la viande. Moi, ça fait mon affaire car je me dis que le dîner va pouvoir compter comme un de mes deux plats végétariens de la semaine. Cette expérience me fait pourtant réaliser une chose: il suffit d’oublier la viande de temps en temps. Cela peut paraître évident mais pour moi, c’est une révélation. J’ai toujours vu le végétarisme comme une science occulte qui nécessite de savants calculs et de nombreux suppléments alimentaires. Mais voilà que je comprends enfin la clef du flexitarisme: oublier la viande de temps en temps. La déprogrammation est en cours…

 Semaine 4

 Pour inaugurer cette nouvelle ère de mon alimentation, j’ai décidé de faire les choses en grand: deux lunchs et deux repas végétariens cette semaine! Je me sens bien, légère. Mais je réalise le vrai tour de force pendant le week-end: j’invite ma famille à manger à la maison et je leur prépare un repas entièrement végétarien. Figurez-vous que tout le monde a adoré! Mieux, mon père m’a même félicitée pour mes talents culinaires et la fraîcheur du menu! Alors ça, c’est une révolution… 

À LIRE: Belles au naturel: des femmes posent sans maquillage ni retouches

 

Photo: Istock