Si vous vous êtes baladée dans les rayons des cosmétiques d’un grand magasin ou d’une pharmacie récemment, vous aurez sûrement remarqué que la multitude des couleurs de vernis, de fards à paupières et de rouges à lèvres a de quoi donner le tournis. Mais où sont donc passés les nudes d’antan, me direz-vous? Pourquoi ces teintes discrètes – le rose sage harmonisé à notre carnation, le beige passepartout ou le gris cubicule qui nous fondaient élégamment dans notre milieu de travail – ont-elles été reléguées aux oubliettes? «Parce qu’on les a trop vues!» répond Hélène Capgras, responsable du planning créatif pour le luxe et la beauté chez Martine Leherpeur Conseil. «Que ce soit dans la rue ou dans la blogosphère, les tons vifs et mats prennent maintenant la place des neutres.»

Les couleurs chassent la crise

Selon Isabelle Thibault, directrice des ventes de Patty Shapiro & Associates, la disparition des tonalités neutres ne serait toutefois pas due qu’à une overdose: c’est aussi un signe des temps. «Les teintes vives sont une réaction à un monde en crise, explique-t-elle. Nous avons besoin de fraîcheur et de nouveauté, besoin de mettre l’accent sur ce qui est positif.»

C’est vrai que, en cette période économique difficile, les cosmétiques débordants de couleur remontent le moral! Il suffit de débourser la modeste somme de 6$ pour se procurer un magnifique vernis bleu poudre en plein dans la tendance pastel, qui viendra en outre enrichir notre trousse beauté. Car, comme le signale Anne-Sophie Trebuchet-Breitwiller, sociologue et professeure à l’Institut français de la mode (IFM), «les femmes ont aujourd’hui une « garde-robe » de rouges à lèvres, tout comme elles ont une « garde-robe » de parfums.» Suivre une mode lumineuse à peu de frais et se constituer la vaste palette d’un peintre, voilà qui donne la pêche!

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Bleu améthyste, rouge rubis, diamant jaune, jade… Cette saison, les trousses beauté recèlent autant de pierres précieuses qu’un coffre-fort. Ainsi, Pantone et Sephora ont choisi d’habiller les pinceaux, les palettes de fards et les mascaras de leur collection Couleur de l’année d’un magnifique vert émeraude. «Cette teinte est porteuse de lumière, de renouveau et de vitalité, des thèmes importants dans notre monde complexe», dit la directrice administrative du Pantone Color Institute, Leatrice Eisema.

Les pastel sont aussi très en vogue. Ils apportent une touche de douceur et régalent les lèvres de teintes gourmandes. «Les tonalités à la mode évoquent le melon d’eau, le raisin, le sorbet, la framboise, mais aussi les bonbons», nous apprend Denyse Beaulieu, directrice de la création du Groupe Marcelle. Cette vague n’est pas sans rappeler les années disco. Toutefois, elle s’en distingue nettement par son refus du glossy. «Depuis quelques saisons, des finis mats donnent un côté plus arty à ces couleurs vives», explique Mme Capgras, responsable du planning créatif chez Martine Leherpeur Conseil.

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La révolution des pigments

Pendant des millénaires, l’être humain a dû redoubler d’ingéniosité pour extraire les pigments minéraux et organiques des créations de Dame Nature. Il a broyé du plomb ou du bois brûlé pour noircir son regard… ou même pulvérisé des femelles de cochenilles pour parer ses joues de carmin! Heureusement, au 20e siècle, la science est venue à son secours. «Les progrès de la chimie a permis l’invention de pigments synthétiques (provenant du carbone, du fer, du zinc, etc.) et, conséquemment, de teintes plus bigarrées», explique Oana Carmen Pasc, formulatrice maquillage du Groupe Marcelle. Laissant enfin libre cours à son imagination débridée, l’humanité a pu créer des cosmétiques aux couleurs déjantées comme le vert lime ou le bleu électrique.

Faut-il comprendre qu’avec les pigments de synthèse tout est possible? «Non, certaines teintes fluo restent très difficiles à obtenir», précise Debra Coleman-Nally, directrice des communications techniques Recherche et développement pour Maybelline New York. Qui plus est, il arrive que les pigments artificiels altèrent la consistance des produits dans lesquels ils sont dissous. Ainsi, les pigments nacrés ont tendance à provoquer un épaississement, ce qui peut rendre un rouge à lèvres pâteux. Les compagnies de cosmétiques doivent donc s’atteler à un long processus d’essai-erreur avant d’obtenir LE produit ayant la bonne couleur et la bonne texture.

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Nous voilà vernies

«Le vernis n’est plus seulement un article cosmétique», me dit la designer coloriste Orrea Light, qui porte justement un vernis lavande du plus bel effet le jour de notre entrevue. «Chaque fois qu’on choisit d’appliquer une couleur, on révèle une partie de notre personnalité. C’est un peu comme notre carte de visite.»

Leeanne Colley, experte du vernis chez Revlon, abonde dans ce sens: «Par la teinte de nos ongles, on peut s’affirmer, déclarer quelque chose.» Voilà qui explique peut-être l’explosion actuelle du marché des laques: celles-ci jouent aujourd’hui un rôle prédominant dans notre façon de manifester notre identité. Elles nous incitent même à une certaine exubérance, que nous ne nous autoriserions pas avec d’autres éléments de notre look. «Comme on peut faire preuve de plus d’audace avec un vernis qu’avec un fard à paupières, on ose peindre ses ongles de couleurs bigarrées», poursuit Orrea. Les compagnies donnent d’ailleurs aux femmes de plus en plus de moyens de s’exprimer, en proposant non seulement une vaste gamme de tonalités, mais aussi toute une palette de textures et d’effets, comme les vernis mats. «Aucune autre catégorie de produits n’a autant évolué ces dernières années», affirme Orrea. En somme, comme le dit haut et fort Essie Weingarten, créatrice de la marque de vernis portant son prénom: «Les ongles sont le nouvel accessoire!»

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C’est quoi, ton nom?

De toute évidence, la compagnie de vernis O-P-I sait nous séduire par son sens de la couleur: 100 millions de bouteilles de 50 teintes différentes quittent annuellement son siège social pour être distribuées dans le monde entier. Mais on craque aussi pour son sens de l’humour! Qui d’entre nous n’a pas ri aux éclats en découvrant les noms délirants de ses produits, comme MoonSooner or later ou Got a date to knight?

Ces petits instants de bonheur, on les doit à une équipe de six experts. Au cours d’un remue-méninges intense de plusieurs semaines, ceux-ci planchent sur des centaines de noms pour n’en retenir que quelques-uns. «Nous commandons de la nourriture, et nous apportons des accessoires et des images pour trouver l’inspiration», nous confie Suzi Weiss-Fischmann, vice-présidente exécutive et directrice artistique de la marque.

Les jeux de mots peuvent faire allusion à la couleur de la laque (pensons au génial A good man-darin is hard to find!) ou encore au pays ou à la ville qui sert de thème aux deux collections majeures – automne-hiver et printemps-été – de l’entreprise. Par exemple, le vernis mauve de la collection Euro centrale se nomme You’re such a BudaPest. «De cette façon, les femmes voyagent avec nous», explique Mme Weiss-Fischmann.

La compagnie Benefit met, elle aussi, l’accent sur des titres accrocheurs: ses gloss doivent évoquer quelque chose de sexy (Fauxmance, par exemple), et ses fards à paupières, quelque chose de drôle (Always a bridesmaid…). Par contre, les maisons de luxe préfèrent adopter une stratégie plus discrète: elles font de subtils clins d’oeil à la vie ou aux collections de leurs illustres fondateurs. C’est le cas du brillant à lèvres Rouge Coco Shine, qui porte le prénom d’un des amoureux de Gabrielle Chanel, Boy.

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Les règles d’or de la couleur

La tendance est aux couleurs vives, soit. Mais on ne veut pas non plus ressembler à un paysage en technicolor. Voici les conseils de nos experts pour suivre la tendance.

1. On ne suit jamais une mode à la lettre. «Ce n’est pas parce qu’elle est magnifique qu’on doit absolument s’y coller», explique Joëlle Boucher, maquilleuse pour Make Up For Ever. «Le mantra: après avoir appliqué un fard, surtout un fard à paupières, il faut l’estomper afin qu’on ne voie pas de ligne de démarcation.»

2. On ne force pas sur la couleur. «On doit éviter d’appliquer une teinte comme le jaune ou l’orange de façon uniforme sur toute la paupière», dit Max Herlant, maquilleur chez Yves Rocher. «Aujourd’hui, il est de mise de rendre la texture plus transparente.»

3. On ne colore pas pour colorer. «Auparavant, les femmes se cachaient derrière leur fard à joues, poursuit Max Herlant. Aujourd’hui, elles veulent que ce cosmétique leur donne un effet bonne mine et souligne leur personnalité.»

4. On devrait toutes posséder un fard à paupières taupe, une couleur qui est proche du marron et tend vers le violet. «Elle éclaircit les yeux et convient à tous les iris», dit Soraya Qadi, coiffeuse-maquilleuse et fondatrice de l’agence Gloss Artistes.

5. On devrait toujours utiliser au moins deux ou trois couleurs pour maquiller les yeux. «Vous pouvez combiner n’importe quelles teintes, c’est la façon dont vous les mélangez qui fera la différence», conseille Charlotte Willer, maquilleuse internationale de Maybelline New York.

6. On ne doit jamais choisir une teinte de fard identique à celle de notre iris. «Ça éteint la couleur de nos yeux, ajoute Max Herlant. Inversement, une couleur plus foncée donnera du magnétisme au regard.»

 

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