Il y a bien sûr le chanteur Harry Styles, qui arbore toujours des ongles impeccables d’originalité, que ce soit sur le tapis rouge du Met Gala, dans le vidéoclip de la chanson Watermelon Sugar ou pour l’entrevue qu’il a accordée au média The Guardian pour la sortie de son album Fine Line. Ou encore le rappeur A$AP Rocky, qui ose le nail art éclaté en première rangée des semaines de la mode… ou pour passer un message, lui qui a été vu avec les mots «Fuck Off» peints sur ses majeurs, peu après son séjour en prison en Suède. À eux s’ajoutent les Pete Davidson, Ansel Elgort, Jaden Smith et Leo Reilly de ce monde. Et plus près de nous, bien sûr, il y a Jay Du Temple, qu’on a vu pour la première fois porter du vernis à ongles lors de son fameux spectacle au Centre Bell, couronnement d’une tournée réussie. «C’était un événement extrêmement important pour moi et j’avais pensé à chaque étape de cette soirée. Mon styliste m’avait fait faire un veston sur mesure pour l’occasion, on avait pensé au look de A à Z… Ça faisait longtemps que je voulais une manucure, et c’était l’occasion rêvée.» L’humoriste et animateur dit d’ailleurs ouvertement que plusieurs personnalités au look androgyne, comme Harry Styles et Frank Ocean, l’inspirent beaucoup lorsque vient le temps de jouer avec les codes genrés.

Si, pour lui, décorer ses ongles était de prime abord une simple façon d’agrémenter son look, au même titre qu’un accessoire, il a vite compris qu’il faisait maintenant partie d’une discussion sociale beaucoup plus ouverte, particulièrement après la diffusion du tapis rouge de la nouvelle saison d’Occupation double, qu’il anime pour la quatrième année consécutive. «Je n’aurais jamais pensé que ça allait devenir si politique, mais je suis heureux de pouvoir prendre la parole à ce sujet, confie Jay. En sortant du salon, après ma première manucure, j’étais aussi excité que quand je change la couleur de mes cheveux. Je n’arrêtais pas de regarder mes mains! C’est le lendemain, une fois seul, en allant au gym, que j’ai pris conscience de la portée politique de mon geste. En show, c’est facile d’avoir les ongles faits: je contrôle ce qui se passe, je suis en représentation.

Hors scène, ça devient une conversation. J’affiche mes couleurs, littéralement.» Et cette conversation, il est heureux de l’avoir, tant qu’elle laisse une place au dialogue: «Je n’ai pas senti d’hostilité de qui que ce soit. Ç’a été plus célébré que critiqué; j’ai l’impression que j’attire une crowd qui me comprend, et que j’aime énormément. Parfois, je sens des regards intrigués, et je comprends qu’un monsieur qui a combattu pendant la Deuxième Guerre mondiale, par exemple, soit un peu décontenancé en voyant mes ongles colorés. Mais après, l’important, c’est qu’il ne transforme pas son incompréhension en jugement gratuit.»

Un lien entre la mode et la beauté

Mais qu’est-ce qui a déclenché cet engouement récent de la gent masculine pour les manucures? «J’ai toujours dit qu’elles étaient le fil qui connectait la mode et la beauté. Avec la fluidité qui s’invite de plus en plus dans l’industrie de la mode, ce n’était qu’une question de temps avant que les hommes adoptent le vernis à ongles pour accompagner leur jupe ou leur collier de perles», explique Rita Remark, formatrice mondiale pour Essie. Mais la pro insiste sur le fait que les manucures au masculin ne sont pas une nouveauté: bien des musiciens, comme David Bowie, portaient du vernis à ongles dans les années 1970, et les punks des années 1980 étaient friands de vernis noir. Ce qui change, c’est l’avènement du nail art chez les hommes. «Ils comprennent maintenant que ce ne sont pas tous les ongles qui doivent absolument être peints. Ils expérimentent avec les espaces négatifs, ils jouent avec différentes nuances sur chaque doigt. Le nail art devient pour eux un mode d’expression, une façon d’affirmer leur style!» ajoute Rita. Pour Émilie Sanscartier, propriétaire du salon d’esthétique Le Manoir, à Montréal, normaliser les manucures au masculin a été un acte conscient: «J’ai eu un déclic en rencontrant Mat Decoste, qui était client au salon. Ses ongles étaient l’élément signature de son look, et j’ai tout de suite voulu le mettre de l’avant dans mes campagnes. Je pense que ça a eu un effet sur notre clientèle, ça a attiré d’autres gars. Ils interagissent sous les publications Instagram du Manoir (@lemanoir), ils participent à nos vidéos en direct!» Cette experte est d’ailleurs la tête pensante derrière les manucures de Jay, et elle voit cette collaboration comme l’occasion idéale d’expérimenter, autant pour elle que pour lui. «Je travaille toujours de la même façon, peu importe la personne qui se trouve devant moi. J’essaie de la cerner, de voir si elle préfère les teintes neutres ou colorées… et souvent, ça évolue de rendez-vous en rendez-vous! Personnellement, j’adore le nail art géométrique et j’aime créer des accent nail, comme un bonhomme sourire sur un ongle nu. Et c’est ce que je voudrais explorer avec Jay!» Quant à l’humoriste, il voit maintenant ses manucures comme une façon d’aller encore plus loin dans l’expression de son style. «Avec les ongles vernis, les cheveux colorés, les bagues, les colliers et les boucles d’oreilles, j’ai l’impression d’avoir accès à un monde de possibilités, dit-il. Il existe un terrain gigantesque de couleurs et d’expérimentation, qui est extrêmement jouissif et le fun. Ce n’est pas pour tout le monde, et c’est bien correct ainsi, mais il faut arrêter d’ériger nos propres barrières.»

Démocratisation cruciale

Émilie Sanscartier insiste sur l’importance que nos vedettes préférées jouent dans la révolution des codes genrés de notre société, qui passent, entre autres, par la démocratisation des manucures au masculin. «Voir A$AP Rocky, une véritable icône de mode, de masculinité et de succès, s’amuser autant avec ses ongles, ça envoie un message fort auprès des jeunes et ça ouvre même la porte à d’autres stars comme Snoop Dogg ou Evan Mock. On a d’ailleurs pu voir ce dernier, les ongles faits, dans une campagne de Calvin Klein en mars 2020!» C’est aussi cet effet positif sur la jeune génération qui conforte davantage Jay Du Temple dans ses choix. «Les commentaires qui résonnent le plus en moi viennent de parents qui me confient que leurs fils, qui aiment aussi se faire les ongles, se faisaient écœurer jusqu’à récemment, mais que de me voir assumer autant mes manucures facilite les choses pour eux», dit-il, enthousiaste. Comme quoi il est possible d’être un vecteur de changement social… jusqu’au bout des doigts!

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