Novembre 2014. Les représentants de L’Oréal Paris me contactent pour savoir si j’aimerais devenir juge du volet canadien du Brush Contest, le premier concours mondial de maquillage, qui sera présenté comme une téléréalité. Moi, la fille qui admire les artistes du pinceau, je ne peux qu’accepter ce rôle. Mais avant de me prendre pour Simon Cowell, je dois regarder pas moins de 220 vidéos de trois minutes chacune, dans lesquelles les candidats tentent de montrer toute l’étendue de leur talent. Les juges, c’est-à-dire Eddie Malter, maquilleur officiel de L’Oréal Paris Canada, Danielle Graham, de l’émission ETALK, et moi-même, devons sélectionner 50 artistes sur les 220 candidatures reçues. Quelques mois plus tard, à la fin mars, la finale canadienne a lieu à Toronto: la grande gagnante est Caitlyn Dixon. Cette adorable maquilleuse de 22 ans, née en Saskatchewan, a la chance de participer à la finale mondiale, le 20 mai 2015, à Cannes, en plein Festival du cinéma.

La finale sous le signe de sea, stars and sun

Cannes. Difficile de trouver meilleur cadre pour organiser la finale du premier concours mondial de maquillage. D’ailleurs, L’Oréal Paris fait les choses en grand: la maîtresse de cérémonie est une de ses égéries, Eva Longoria. Bien connue pour son rôle de Gabrielle Solis dans Desperate Housewives, cette beauté fatale en connaît un rayon en matière de rebondissements et de drames, ces ingrédients indispensables à toute téléréalité qui se respecte.

Première étape: choisir 3 finalistes sur 11 au cours d’une journée d’épreuves, soit une sorte de boot camp de maquillage supervisé par Karim Rahman, le bonze du maquillage de la marque. Les heureuses élues sont une Italienne, une Américaine… et notre Caitlyn nationale! Le trio est invité à prendre part au tournage de la grande finale, qui aura lieu le lendemain matin, dans la salle de réception du prestigieux Hôtel Martinez.

Lorsque je retrouve Caitlyn et l’équipe de L’Oréal Paris Canada, il est très tôt. Tout le monde a des valises sous les yeux et, malheureusement, le café offert est tout simplement infect. J’observe Caitlyn, toujours souriante malgré la pression. J’apprendrai plus tard qu’en réalité, elle est stressée au point d’être malade. Il faut dire toutefois que le jeu en vaut la chandelle: le prix est un contrat d’un an avec la marque, assorti d’un montant de 100 000 euros.

Le régisseur appelle le public pour assister à l’enregistrement. Je me place au deuxième rang (comme la vraie groupie que je suis), avec les représentants de L’Oréal Paris au Canada. Puis, il nous explique le déroulement du tournage, dont je vous donne ici les grandes lignes. Eva Longoria arrive sur scène. On applaudit. Elle explique le concept. On applaudit. Elle nomme les trois finalistes. On applaudit. Des égéries-mannequins de la marque arrivent sur scène. On applaudit. Les finalistes tirent au sort leur modèle parmi les égéries. On applaudit. Les artistes ont une heure pour réaliser leur look sur un thème précis. On regarde. On applaudit. On révèle le gagnant. Tonnerre d’applaudissements. Après ça, chacun retourne chez soi. Somme toute, c’est assez simple comme programme. Le tournage commence.

Une heure plus tard, j’ai déjà les paumes des mains en feu à force d’applaudir. Quant à Eva Longoria, la pauvre a si mal aux pieds qu’elle troque, entre chaque prise, ses Louboutin vertigineux pour des chaussons Ugg.

Les trois finalistes sont enfin invitées à monter sur scène. Puis, comme dans toute téléréalité, coup de théâtre! Les juges décident d’ajouter deux finalistes au lot: les candidats de la Thaïlande et de la France. Je soupire de mécontentement.

Coup de théâtre au Brush Contest

C’est le début de l’épreuve finale, dont le thème est «Color Clash». Karlie Kloss, Lara Stone, Soo Joo Park, Doutzen Kroes et Barbara Palvin, qui serviront de modèles aux maquilleurs, apparaissent sur scène. Un bref instant, je me crois à un défilé de Victoria’s Secret.

La sublime Eva Longoria a l’air d’une naine de jardin (elle mesure 1,57 m) parmi ces grandes plantes vertes. Elle immortalise d’ailleurs ce moment en prenant beaucoup de photos, qu’elle publie sur son compte Instagram (1,4 million d’abonnés au compteur pour la bella latina).

Le studio a beau être climatisé, je sue à grosses gouttes. Caitlyn réalise un superbe maquillage géométrique avec du bleu. L’Italienne crée un maquillage très artistique, l’Américaine, un ensemble assez rouge, le Thaïlandais, un look travaillé. Quant à la Française, je trouve sa création limite gothique. Mais, surtout, elle ne met pas du tout en valeur les traits sublimes de son modèle, Lara Stone. J’ai même l’impression que la top néerlandaise en est horrifiée. Lorsque l’épreuve se termine, les juges se retirent pour délibérer. J’affiche le sourire d’une conquérante tellement je suis persuadée que Caitlyn va gagner.

Une demi-heure plus tard, tandis que je me délie les jambes, j’aperçois Karlie Kloss en train d’avoir un échange vigoureux avec les juges. Elle semble ne pas être d’accord avec leur décision. C’est l’heure de retourner en studio Je m’assois sur le bout du banc, inquiète, mais prête à crier: «Vive Caitlyn!» Eva Longoria annonce le nom de la gagnante. «Kooouuuaaaa? La Française?» Je pousse des jurons que je ne peux retranscrire ici.

Je jette un regard assassin aux juges. Je suis tellement déçue pour Caitlyn. Si l’Américaine ou l’Italienne avaient remporté le concours, j’aurais compris… mais, la Française? Nous sommes tous sous le choc. Nous finissons par rejoindre Caitlyn, déçue mais soulagée et fière de s’être rendue aussi loin dans la compétition.

Avec du recul, je trouve quand même fabuleux qu’une jeune fille, native de Moose Jaw, en Saskatchewan, ait vécu une aussi belle expérience. Rien que pour ça, regarder 220 vidéos de maquillage en valait la peine.

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