Le paysage

La rose de mai, le géranium rosat, l’iris, le jasmin et la tubéreuse sont les cinq plantes à parfum essentielles qui sont cultivées, puis cueillies avant d’être extraites ou distillées dans les champs de Chanel, à Grasse, depuis 1987. C’est cette année-là que le parfumeur Jacques Polge (qui a oeuvré chez Chanel de 1978 à 2015 et a notamment créé les jus Coco, Égoïste, Allure, Chance, Coco Mademoiselle et plus encore) a conclu un partenariat entre la maison française et la famille Mul, à qui appartient un terrain de 20 hectares où poussent aujourd’hui ces plantes aromatiques. Visiter les champs de Chanel, c’est faire une incursion rêvée dans deux univers distincts: 1) un véritable paradis fleuri, où les plantes sont élevées avec soin et rigueur, sans engrais chimique, d’après une méthode issue du développement durable; 2) une usine installée au beau milieu des champs, là où les fleurs fraîches sont transformées en élixirs parfumés.

À savoir: la tubéreuse, ingrédient clé de la nouvelle fragrance Gabrielle Essence, y est en floraison des mois d’août à novembre, et le jasmin, qui compose aussi ce parfum, est à son apogée une centaine de jours par année, dès le début de l’été. Au moment du jour où ces fleurs sont les plus fragrantes, habituellement le matin, elles sont doucement cueillies par environ 70 employés, puis immédiatement transportées aux laboratoires de l’usine. Pas question que leurs effluves s’échappent! Et là, les processus d’extraction et de distillation sont tout de suite amorcés, permettant à Chanel d’avoir le meilleur rendu olfactif de chaque récolte et, par le fait même, de préserver son patrimoine légendaire dans ses parfums.

L’effluve

«Gabrielle Essence est une fragrance foncièrement florale, voluptueuse, que j’ai eu envie de créer peu après la sortie du parfum original, Gabrielle, afin de rester dans l’actualité, mais aussi d’étudier toutes les facettes de ce jus à la fois classique et audacieux qui incarne la féminité libre et absolue», explique Olivier Polge, fils de Jacques Polge et parfumeur chez Chanel depuis 2015. «Pour moi, c’est une manière de raconter une nouvelle histoire autour de Gabrielle, tout en réaffirmant la pertinence du parfum lumineux et rayonnant que j’ai fabriqué il y a deux ans.»

Au coeur de ses notes: la tubéreuse, qui est utilisée pour la première fois en aussi grande quantité dans une fragrance de la célèbre maison française. «Cette matière première faisait déjà partie de la création originale, mais j’ai eu envie cette fois de la mettre encore plus de l’avant. Je l’ai mariée à du jasmin, exotique et au côté plus «confituré», à de l’ylang-ylang et à de la fleur d’oranger. Le résultat est plus
fruité, plus crémeux, plus enveloppant que pour Gabrielle. Ici, on joue plutôt sur une intensité dosée.»

 

Jeanne Desrochers

Le parfumeur

«J’aime penser que Gabrielle Chanel aurait aimé Gabrielle Essence, même si on ne crée plus des fragrances dans ce seul but de nos jours, confie Olivier Polge. À l’époque de Coco Chanel, on aimait
les jus puissants, denses et riches, qu’on appliquait en petites touches derrière l’oreille. Aujourd’hui, on préfère les effluves plus étirés, plus dénudés, plus frais. Pour ce faire, il faut faire évoluer les matières premières, les travailler autrement.» Olivier Polge croit qu’on choisit un parfum parce qu’il exprime quelque chose de nous-mêmes, de la même manière que nos vêtements, nos gestes et notre vocabulaire parlent pour nous. Il définit la signature des parfums Chanel comme n’étant «pas totalement liée à un type d’odeur précise, même si les fleurs y jouent un rôle très important. Il s’agit de parfums toujours riches et complexes, qui ont une qualité indéfinissable, une part de mystère. Les jus Chanel sont de véritables éléments de style.»

L’ambassadrice

C’est Margot Robbie qui est l’égérie de Gabrielle Essence. Comment ne pas approuver ce choix tout indiqué quand la maison Chanel avoue avoir été conquise autant par le talent et la beauté de l’actrice australienne que par sa personnalité? Mais c’est l’autrice-compositrice- interprète Charlotte Cardin qui est l’ambassadrice canadienne de la maison française depuis quelques années. Voilà pourquoi elle a aussi été invitée à prendre part au voyage dans le berceau de la parfumerie, à Grasse, et à découvrir ce nouveau jus. Tête-à-tête.

Jeanne Desrochers

 

Comment vous êtes-vous sentie lorsque Chanel vous a approchée pour que vous deveniez sa toute première ambassadrice canadienne?

Ç’a été un véritable honneur pour moi de représenter cette maison mythique. Chanel est une marque qui a toujours résonné en moi, parce qu’elle transmet le message que les femmes peuvent être fortes, uniques, différentes, mais aussi élégantes et raffinées.

Vous identifiez-vous à la créatrice, Gabrielle Chanel, d’une quelconque façon?

Oui, bien sûr. Gabrielle a fixé ses propres objectifs et a décidé de mener la vie qu’elle avait envie de mener, même si la société de l’époque élevait des murs pour l’en empêcher. Encore aujourd’hui, les femmes se font trop souvent imposer des idées, se font dire ce qu’elles doivent faire. Je me reconnais beaucoup dans sa volonté de briser les conventions.

Quelle est votre relation aux parfums?

Je porte du parfum depuis que je suis adolescente, avec parcimonie, et pas tous les jours. J’aime les effluves subtils. Je déteste quand ça sent le parfum à la ronde! Depuis quelques années, je suis fidèle à Chanel No5, que je trouve très élégant. Mais j’ai bien hâte de découvrir Gabrielle Essence, qui semble délicat et floral. En plus, le jasmin, qui est un de ses ingrédients clés, est ma fleur préférée entre toutes!

Un souvenir lié à une fragrance?

Mon souvenir le plus précis: faire des câlins à ma mère et sentir son parfum. Elle a l’odeur la plus exceptionnelle au monde à mes yeux, parce que je l’adore. Quand je rencontre quelqu’un qui porte son parfum, ça me bouleverse, tellement cette odeur est intimement liée à elle.

Chanel Gabrielle Parfum

Escapade à Grasse

Où rester?
À la très chic Bastide Saint-Antoine, septième ciel situé au coeur de la Provence. On en profite pour y déguster un repas digne de la royauté à la table de Jacques Chibois, grand chef étoilé et toqué.

Où manger?
Sur la terrasse de La Colombe d’Or. Un poisson grillé entier ou des légumes frais du marché.

Quoi voir?
Le Musée International de la Parfumerie. Pour peu qu’on s’intéresse aux fragrances, cette adresse est incontournable.

Quoi faire?
Visiter la Côte d’Azur et ses petits joyaux: Cannes, l’île Saint-Honorat, l’hôtel Belles Rives, et bien plus.