Lassées de la coloration à répétition, désireuses d’affirmer leur féminisme de façon nouvelle, animées par un désir d’authenticité ou simplement à l’affût de la tendance… On ne compte plus les femmes qui ont envie de passer au gris. Parmi elles, l’auteure et chroniqueuse parisienne Sophie Fontanel, qui a raconté sa rupture avec la coloration capillaire sur son compte Instagram et dans son roman Une apparition (Éditions Robert Laffont, 2017). Celle à qui l’on doit le terme «blande» (contraction de blanche et blonde) revendique haut et fort sa crinière neigeuse, qu’elle arbore comme «un panache», pour mieux «sabrer les préjugés» et «prôner la diversité». Ce petit manifeste capillaire apparaît 10 ans après celui, à saveur plus politique, de la journaliste blogueuse américaine Anne Kreamer, auteure de Going Gray, ouvrage précurseur du vaste mouvement du même nom. Depuis, l’idée d’assumer ses cheveux gris a fait son chemin dans la tête des femmes.

Aujourd’hui, on repère de plus en plus de crinières argentées sur les passerelles des défilés, sur les tapis rouges et dans les médias sociaux. D’un côté, les Jamie Lee Curtis (la pionnière!), Helen Mirren, Diane Keaton, Glenn Close, Linda Rodin, Iris Apfel, Carmen Dell’Orefice et autres Françoise Hardy, sans oublier Marie Laberge, Diane Dufresne et Louise Latraverse, affichent fièrement leurs mèches poivre et sel ou blanc nacré. Tandis qu’à l’autre bout du spectre, les icônes de mode Cara Delevingne, Zosia Mamet et Kim Kardashian flirtent furtivement avec le gris concocté par leur coiffeur.

Une liberté grisante

D’où vient cette vague de gris qui déferle sur nos têtes? «Ce mouvement repose d’une part sur la quête du naturel en coloration, une tendance qui gagne du terrain depuis 10 ans environ, comme en témoigne la popularité des blonds beiges et du ton sur ton. D’autre part, ça s’ancre sur une soif d’authenticité éprouvée par les personnes plus âgées, qu’on qualifie d’ailleurs de plus en plus de modèles dans notre société», fait valoir Dominic Tremblay, fondateur et président de Tux, agence montréalaise de création. «D’ailleurs, les femmes de 20 ans, au même titre que celles de 60, reluquent toutes les mêmes célébrités! Et ne l’oublions pas, ce sont les milléniaux qui influencent le plus les réflexes beauté des seniors», précise-t-il.

Est-ce à dire que, dans la foulée, toutes les femmes diront «oui» au gris? «Je ne crois pas! Pour moi, le going gray, c’est davantage une mode et un coup de marketing», tranche Chris Bergeron, vice-présidente expérience et contenu chez Cossette, agence montréalaise de communication-marketing. «Les jeunes qui adoptent le granny style (look de grand-mère), le font davantage par esprit de rébellion et envie de jouer avec les contrastes que pour afficher leur féminisme. Surtout lorsqu’il s’agit d’un faux gris travaillé comme celui d’une Cara Delevingne, qui pourrait tout aussi bien porter des cheveux roses!» conclut-elle. Quant à la tendance des cheveux gris. Quant à la tendance des cheveux gris naturels, «elle est là pour de bon, d’autant que le marché des baby-boomers est le plus important d’Amérique du Nord», conclut Dominic Tremblay.

Reste que la décision d’afficher ses cheveux gris n’est pas à prendre à la légère, car elle mène à un changement profond et pas seulement esthétique. C’est une nouvelle identité qui se dessine et se conquiert un cheveu blanc à la fois. Et pour y parvenir, voici notre guide pas à pas.

Au secours, j’ai un cheveu blanc!

Si, chez certaines, le premier cheveu blanc se pointe dès la vingtaine, il apparaît plus généralement entre 35 et 40 ans. «Irréversible, ce phénomène qu’on appelle aussi “canitie” se produit lorsque la production de mélanocytes – les cellules responsables de la pigmentation de la peau et des poils – ralentit ou cesse pour laisser place aux cheveux blancs», explique Gilles Daure, directeur monde chez René Furterer. S’agit-il d’un phénomène génétique? «Dans une certaine mesure, oui, confirme le spécialiste. Si votre père ou votre mère a eu des cheveux blancs autour de 30 ans, cela vous prédisposera à une canitie prématurée. Il arrive aussi que le stress oxydant (induit par une alimentation carencée et une mauvaise hygiène de vie, de même que par la pollution et la prise de certains médicaments) contribue à accélérer considérablement l’apparition de cheveux blancs.»

Sans surprise, la perte de mélanine change aussi la texture de notre crinière. «Ce phénomène entraîne une sorte de vide dans le cortex, qui fragilise indirectement la kératine du cheveu; il devient dès lors plus rêche et poreux, en plus de s’oxyder et de jaunir», conclut Gilles Daure. Heureusement, on peut redonner du pep à notre chevelure grisonnante en ayant recours à des soins appropriés et à des produits ciblés.

Cheveux gris sans complexe

Photographe: Jamie Lee Curtis: Getty / Marie Laberge: Dario Ayala – Agence QMI / Glenn Close: Getty

Je passe à l’action!
«Avec ou sans recours à la coloration, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon d’opérer une transition: tout dépend de chacune», soutient Nicolas Cimon, consultant technique pour Schwarzkopf, qui nous éclaire sur les façons de passer au gris en douceur.

– On dit adieu à la teinture? «Si on craint une repousse trop visible ou qu’on souhaite accélérer le processus, une coupe courte s’impose!» On préfère garder nos cheveux longs ou mi-longs? «La patience est de mise, prévient-il. Par exemple, si on porte un carré aux épaules, il faut compter jusqu’à deux ans (selon la vitesse de pousse capillaire normale) pour que la coloration permanente disparaisse et laisse notre chevelure entièrement blanche.»

– On préfère avoir recours à la coloration? «Le balayage, l’application de mèches claires isolées ou de mèches plus foncées (low lights) permettent d’éclaircir progressivement la couleur et de se fondre dans la chevelure grisonnante, tout en lui donnant de la profondeur», estime l’expert.

«Nettement plus radicale et plus exigeante en fait d’investissement de temps et d’argent, la décoloration (bleach) permet, quant à elle, de passer d’un brun foncé à un blanc perlé, en quelques étapes.» Bon à savoir: elle nécessite jusqu’à trois ou quatre rendez-vous de plusieurs heures en salon, s’échelonnant idéalement entre deux et six mois, afin de ne pas trop abîmer le cheveu au passage. De plus, comme elle fragilise un tant soit peu la fibre capillaire, la décoloration nécessite aussi, en aval, des soins réparateurs pouvant être prodigués en salon ou à la maison.»

Enfin, bien qu’elle soit tendance, Nicolas Cimon déconseille la coloration en gris ou en argenté, à moins de confier l’opération à un coloriste aguerri et d’être prête à y mettre le prix. «Peu naturelles et d’aspect mat, ces couleurs sont très délicates à réaliser en raison de leurs pigments qui peuvent parfois tourner au vert. De plus, elles nécessitent un entretien exigeant et des visites en salon quasi hebdomadaires.» On se le tient donc pour dit!

J’opte pour quelle coupe?

«Comme on est prêtes à du changement côté couleur, on en profite aussi pour partir sur de nouvelles bases, côté coupe!» fait valoir Denis Binet, artiste coiffeur et porte-parole pour Pantene et Clairol Canada. «On privilégie une coupe contemporaine, qui casse l’aspect inévitablement vieillissant du cheveu blanc. Ça peut être une coupe courte ou un joli carré frôlant la mâchoire ou le dessus des épaules, avec ou sans une longue mèche sur le front, qui donne du mouvement.» À éviter? «En règle générale, les cheveux longs, à moins de les porter en chignon ballerine ou d’avoir un style affirmé, de même que le volume excessif ou les boucles qui font gagner 10 ans. On oublie aussi les coiffures trop courtes ou trop excentriques, avec des pics sur la tête par exemple, peu seyantes sur les femmes en quête d’élégance.»

J’entretiens comment mon gris?

Tel qu’énoncé précédemment, avec la perte de mélanine et l’amincissement de la cuticule, il n’y a pas que la couleur du cheveu qui change en vieillissant: sa texture se transforme aussi. «Comme ils sont dévitalisés, ils sont plus épais et secs, voire rêches et plus difficiles à coiffer. Ils exigent des produits capillaires hautement hydratants, afin de les rendre vigoureux, maniables et soyeux», résume Denis Binet. Si on a cessé de les colorer, on se tourne vers un shampoing spécialement conçu pour les cheveux gris ou blancs. Comme l’indique Kelly Toms, coloriste portfolio pour L’Oréal Professionnel et directrice technique au salon Taz Hair Co., à Toronto: «Leur composition à base de pigments bleutés ou violacés (qu’on appelle aussi azurants optiques) contrecarre le jaunissement des cheveux gris et blancs, lutte contre leur aspect terne et les fait vraiment briller».

Le gris, est-ce pour moi? Oui, si…

– J’assume vraiment mes cheveux grisonnants, peu importe mon âge et le regard des autres.
– Je suis prête à afficher une repousse plus ou moins apparente pendant plusieurs mois, ou à investir dans des colora- tions en salon pour adoucir les démarcations le temps que le gris envahisse 100 % de ma crinière.
– J’opte pour une coupe courte et structurée, qui nécessite un coup de ciseaux régulier.
– J’ai le temps, l’envie et les moyens d’adopter un programme de soins capillaires ciblés.
– J’ai les cheveux naturellement bruns ou noirs, qui donnent souvent un blanc perle très seyant.

Le gris, est-ce pour moi? Non, si…

– Je veux un résultat rapide et digne d’une image Instagram, souvent embellie à l’aide d’un filtre. 
– J’hésite à adapter ma coupe, mon maquillage ou mes lunettes et à moderniser mon style.
– Je veux absolument garder mes cheveux longs ou très longs, malgré leur entretien exigeant. 
– J’ai les tifs bouclés ou très frisés, et je ne souhaite pas les lisser (quand ceux-ci sont gris, ça peut vite faire «matante»).
– J’ai naturellement les cheveux blond clair, châtains ou roux, des nuances qui, une fois grises, sont souvent parsemées de reflets jaunâtres difficiles à neutraliser.