Comme à tous les matins, rassemblés à la cuisine du bureau, les collègues démarrent doucement leur journée en parlant de tout et de rien. Ginette, mauvaise langue à ses heures, nous sert une autre de ses déclarations assassines: «Après 40 ans, on ne peut plus porter les cheveux longs. C’est démodé!» La gentille Nathalie, 45 ans, brunette aux boucles bien en deçà des épaules, échappe son gobelet de crème dans son café. Silence de plomb. Malaise général. Chacun file à son poste de travail. Ginette a encore trop parlé.

Mythe dépassé ou éternelle loi tacite?

Pourtant, Ginette connaît bien, comme moi, les actrices hollywoodiennes dans la quarantaine bien sonnée qui arborent une crinière majestueuse: Demi Moore, Nicole Kidman, Salma Hayek, il y a aussi Marcia Cross, Tery Hatcher, Nicolette Sheridan des Beautés désespérées et j’en passe, la liste est longue. Par contre, plus près de moi, elles sont plus rares, il y a bien Nathalie, mais aussi ma collègue Manon, traductrice, qui a célébré dernièrement ses cinquante bougies. Blonde aux yeux bleus, cette belle femme porte ses ravissants cheveux aux épaules.

Lorsque j’ai fait part à Manon du stéréotype capillaire, elle m’a avoué s’y être déjà pliée, mais avec regret. «J’avais décidé d’essayer quelque chose de nouveau et je pensais qu’une coupe plus au carré donnerait plus de dynamisme à mes cheveux… Mais j’ai tout de suite déchanté. Cela me donnait un air trop sévère, ce n’était pas moi. Il me manquait quelque chose. J’avais hâte de retrouver une belle longueur, qui me rend plus sensuelle et qui me rajeunit.»

Plus seyant les cheveux courts après 40 ans?

Manon le confirme. Elle a constaté elle aussi qu’avec l’âge, la peau du visage perd de son élasticité, les traits tirent vers le bas et les cheveux longs peuvent alourdir le tout. Résultat: un look fatigué et tristounet. Dans ce cas, une coupe plus courte permet de relever l’ensemble… et le moral! 

D’un point de vue sociologique, le stéréotype est renforcé par notre bagage culturel. Le mythe confère aux cheveux longs un symbole de juvénilité: ils expriment la sensualité de la femme, un élément de séduction très puissant.

C’est ce qu’avance Mariette Julien de l’École supérieure de mode de Montréal, de l’Université du Québec à Montréal. «Les cheveux longs signifient, dans l’imaginaire collectif, la jeunesse apte à procréer et insinuent la disponibilité. Jadis, les femmes plus âgées ou mariées devaient cacher ou nouer leurs cheveux en signe de maturité.» De nos jours, la professeure Julien observe que l’hyper sexualisation des femmes a modifié cette convention capillaire. «Les femmes veulent plaire malgré l’âge et le démontrent en arborant une chevelure opulente.»

Le célèbre coiffeur Alvaro se souvient qu’à ses débuts dans le métier, il y a plus d’une trentaine d’années, la règle s’appliquait. Au fil du temps, il note qu’elle s’est assouplie cependant. Ce styliste qui coiffe bien des têtes d’affiche québécoises croit qu’une coupe de belle longueur avec de savants dégradés rend la femme encore plus féminine et sensuelle, peu importe son âge. Selon lui, ce sont les saisons qui devraient déterminer le style. «En été, la femme s’habille légèrement, donc pour équilibrer le tout, les cheveux longs semblent tout indiqués. Alors qu’en hiver, une coupe plus courte et plus structurée dégage le cou déjà occupé par un foulard ou un col de manteau.»

Les cheveux longs, une affaire de style

Les temps changent, il est difficile d’imaginer Dominique Michel ou Catherine Deneuve, les cheveux courts frisés… Alvaro croit qu’il faut être prudent en la matière. Les cheveux courts peuvent durcir le visage. «La chevelure habille une femme et la rend plus sensuelle, peu importe son âge, et j’encourage le port des cheveux longs», affirme le styliste qui coiffe, entre autres, Sylvie Tremblay et Michèle Richard. «La longueur idéale dépend surtout du type de cheveux. C’est plus difficile d’avoir une chevelure longue avec des cheveux fins, mais avec une bonne coupe, on peut y arriver.»

Le secret d’Alvaro pour bien porter les cheveux longs est d’opter pour une mi-longueur aux épaules et de bien les entretenir.

Une règle d’or que ma collègue suit à la lettre. «Je ne néglige aucun rendez-vous chez le coiffeur, j’y vais à tous les deux mois. Ma chevelure doit rester belle et en santé», reconnait-elle. À éviter: les cheveux longs sans coupe, à la Janis Joplin, qui font trop ado et qui, en plus, alourdissent le visage. Il faut plutôt rechercher le mouvement et des dégradés.

Le long à sa façon

Le choix de porter les cheveux longs ne relève plus de la mode après 40 ans, mais plutôt d’un désir personnel de s’affirmer. «Les diktats de la mode régissent les filles de 18 ans», remarque Mariette Julien, de l’UQÀM. «Arrivée à la quarantaine, la femme prend de la maturité et cherche à se démarquer, d’où l’importance d’avoir une belle coupe qui nous définit comme individu.»

Alvaro observe le phénomène dans son salon: ses clientes veulent des cheveux longs adaptés à leur propre personne. «Maintenant, il n’y a plus une mode, il a des modes. Le choix est grand et les femmes s’inspirent d’une coupe et l’ajustent à leur façon pour faire ressortir leur personnalité.»

Trucs et conseils

D’après ma collègue Manon, les cheveux longs sont plus faciles d’entretien et parfaits pour les mises en pli rapides. «On est pressée? Hop! on les monte en chignon et on est partie. Quand ils sont courts, les mèches rebelles prennent beaucoup de temps à placer.»

Cette saison, on oublie le fer plat et on accentue le mouvement. La tendance est à la sensualité et à la souplesse des boucles naturelles. Pour donner du volume, Alvaro suggère d’appliquer des rouleaux velcro. «Après la douche, on place les rouleaux un peu partout dans la chevelure, on les laisse quelques minutes le temps de prendre son petit déjeuner. On sèche le tout, on les enlève. Et voilà! Une belle tête avec du volume.»