Savez-vous quelle langue est la plus difficile à maîtriser? Non, ce n’est pas l’allemand, ni le latin, ni le suédois. C’est le «pédagogue». Vous avez déjà lu un manuel de pédagogie destiné aux professeurs? On dirait que c’est écrit en klingon.

Tenez, l’autre jour, un ami prof m’a refilé (sous le couvert de l’anonymat, bien sûr) le Programme de formation du deuxième cycle du secondaire. J’avais l’impression de lire la Bible en serbo-croate!

Je vous en livre ici quelques extraits. Et je vous avertis tout de suite: si vous êtes le moindrement ricaneuse, mettez une couche, sinon vous allez pisser dans vos culottes. Vous êtes prête? Allons-y!

Voici des indications pédagogiques concernant le cours de français. «L’étudiant doit apprendre à reconnaître et utiliser, dans la communication en présence, à distance, en direct et en différé, les marques verbales, paraverbales et non verbales qui contribuent à maintenir ou à accroître l’attention et l’intérêt…» (Traduction: l’étudiant ne doit pas être ennuyant quand il parle. Un conseil que n’ont manifestement pas suivi les rédacteurs de ce guide.)«L’étudiant doit reconnaître et utiliser les marques linguistiques (coordonnants, subordonnants, adverbes, prépositions, présentatifs, groupes de mots ou phrases) qui sont des organisateurs textuels, des marqueurs de relation ou des formules de transition et qui permettent de déterminer et de hiérarchiser les différentes parties du texte.» (Traduction: l’étudiant doit savoir comment construire une phrase.)

«Pour qu’il y ait communication entre interlocuteurs ou entre un locuteur et un auditeur, il doit y avoir engagement dans l’échange, production de signes manifestant cet engagement (ex: salutation, orientation du corps, prise en compte explicite de caractéristiques du destinataire) et évitement des comportements contradictoires. La prise de parole ne suffit pas.» (Traduction: avant de parler à quelqu’un, assure-toi donc que la personne veut discuter avec toi.)

«L’étudiant doit se représenter l’énonciation comme une action langagière destinée à quelqu’un dans une situation de communication particulière et l’énoncé, comme le produit, écrit ou oral, de cette action.» (Traduction: parler, c’est dire des choses. N’est-ce pas, messieurs les pédagogues?)

Et c’est comme ça pendant des centaines de pages. On a l’impression que les pédagogues (vous savez, ces spécialistes de l’éducation qui n’ont jamais enseigné quoi que ce soit à qui que ce soit) prennent un malin plaisir à compliquer les choses, histoire de paraître intelligents et, ainsi, de justifier leur poste.

Article publié originalement dans le numéro de décembre 2007 de ELLE QUÉBEC