Ce mois-ci, j’ai envie de vous faire part de ma théorie sur le couple. C’est une théorie un peu farfelue que j’ai élaborée un soir où je n’avais rien à faire.

Le couple est une forme d’agriculture émotive et sexuelle. Au début des temps, l’homme chassait. Sa survie dépendait exclusivement de ses talents de chasseur. Pas de chasse, pas de viande. Si l’homme voulait survivre, il devait chasser, il n’avait pas le choix.

Le hic, c’est que les résultats de la chasse ne sont pas cent pour cent garantis. Parfois on attrape une proie, parfois non. À la tombée du jour, on a autant de chances de revenir avec ou sans viande. Et puis, c’est fatigant, la chasse. Pas moyen de se reposer. Le soleil vient à peine de poindre à l’horizon que hop! on doit sortir de sa caverne et suivre le troupeau avec sa lance et son filet. Jour après jour après jour.

Voilà pourquoi l’homme a inventé l’agriculture.

Avec l’agriculture, plus besoin de suivre le troupeau. Il est là, à votre porte, le troupeau, et il broute tranquillement votre herbe. Vous avez soif? Vous n’avez qu’à traire une vache. Vous avez faim? Vous n’avez qu’à décapiter un poulet ou saigner un boeuf. Avec l’agriculture, plus besoin d’être fort, de courir vite ou d’être habile avec une lance pour avoir de quoi manger. C’est à la portée du premier venu. C’est une activité stable, qui offre des résultats probants.

Eh bien, c’est la même chose avec l’amour et le sexe. Avant, pour s’accoupler, l’homme devait chasser, faire la cour, montrer ses plumes, faire le beau. C’était une activité stimulante, mais éreintante. Il devait toujours être tiré à quatre épingles, allumé, spirituel.

Mais grâce au couple, plus besoin de chasser. L’amour est là, à portée de main. Vous êtes sûr, en revenant le soir, d’avoir votre ration quotidienne d’affection. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, vous ne reviendrez jamais bredouille. Bobonne est là.

Je dis l’homme, mais je veux dire l’homme avec un grand H. Car c’est la même chose avec la femme. Elle n’a plus besoin de chasser, la femme, quand elle est en couple, elle n’a plus besoin de courir les bars ou les lancements pour attraper sa proie, elle a son gros nounours, qui l’attend à la maison devant sa télé 38 pouces et avec sa caisse de 12.

Bref, les gens en couple sont des agriculteurs sédentaires, et les célibataires sont des chasseurs nomades.

Le plus drôle, dans tout ça, c’est que les deux groupes sont jaloux l’un de l’autre. Les chasseurs envient l’existence tranquille des agriculteurs, qui n’ont pas à se casser la tête pour assouvir leurs besoins. Et les agriculteurs envient l’existence trépidante des chasseurs, qui sont toujours «sur la go» et qui voient du paysage.

Certains ont exploré une troisième voie: le couple open, l’échangisme, le «polyamour». Ce sont des chasseurs de fin de semaine. Ils ne chassent pas pour survivre (pas besoin, puisqu’ils ont un troupeau dans leur cour) mais pour le sport, pour garder la forme, changer le mal de place. Quand ils s’ennuient sur leur ferme, ils mettent leur chemise à carreaux, empoignent leur fusil et vont tirer quelques coups dans le bois. Puis, une fois la journée terminée, ils reviennent tranquillement sur leur terre exposer leur nouveau panache.

Qui sait? Dans quelques siècles, l’homme inventera peut-être un nouveau concept, qui ne sera ni la chasse ni l’agriculture. Mais d’ici là, le monde continuera d’être divisé en deux: les chasseurs d’un bord, les fermiers de l’autre.

Chacun avec ses rêves, ses désirs et ses envies.

Article publié originalement dans le numéro d’avril 2006 du magazine ELLE QUÉBEC