En roulant vers le sud sur l’autoroute 89, nous dépassons le New Hampshire, puis nous bifurquons vers la côte. Ici, pas de Québécois en vue. Pas de grande roue ni de boardwalk bruyant qui sent la barbe à papa. Mais des maisons en bois multicolores qui tendent leurs volets vers l’océan, de petites boutiques trendy, des galeries d’art, quelques hôtels à colonnades au charme suranné… et des falaises de roc balayées par les vagues.

Nous sommes au Massachusetts, le premier État américain à avoir aboli l’esclavage, le premier à avoir légalisé le mariage gai. Celui qui a vu naître le président John F. Kennedy, l’écrivain Edgar Allan Poe, l’actrice Uma Thurman… et l’écrivain Jack Kerouac, dont le roman Sur la route a consacré le voyage sur le pouce, sac au dos, en toute liberté.

Devant nous se trouve la baie majestueuse de Gloucester, porte d’entrée de Cape Ann et première escale de notre périple dans le Mass. C’est ici que loge le plus vieux port de pêche des États- Unis. Au cours des années 1920, la fameuse goélette canadienne Bluenose, immortalisée sur nos pièces de 10 cents, a remporté dans ces eaux une course légendaire contre son concurrent américain. Aujourd’hui encore, environ 400 bateaux, la plupart en quête de homards, mouillent dans le port de la ville.

À Gloucester, l’aspect rustique domine. Rien de surfait, de m’as-tu-vu. Mais une vraie fierté basée sur l’authenticité. Il persiste aussi une touche british qui ajoute au charme de l’endroit. Ça s’entend dans l’accent, ça se sent dans l’attitude flegmatique des gens.

 

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Dès notre arrivée, en pleine heure du lunch, nous nous empressons de déguster de voluptueux lobster rolls avec un verre de blanc bien frais, en humant l’air salin et en suivant des yeux l’activité du port, sur la terrasse du Latitude 43 (25 Rogers St). Mais la meilleure façon d’embrasser la baie tout en ouvrant ses horizons, c’est de monter à bord d’un bateau, comme le Schooner Thomas E. Lannon. Après le dîner, nous y passons deux heures inoubliables en compagnie du charismatique capitaine Tom Ellis, un conteur hors pair. Tandis que nous savourons, apéro à la main, ses anecdotes pleines d’humour à propos des premiers Britanniques venus s’installer dans la région au 17e siècle, nous assistons à notre premier coucher de soleil sur la baie. Magique.

Le soir venu, nous prenons place sur les vieilles banquettes en bois du Topside Grill (50 Rogers St), juste en face du port, où nous nous régalons d’un clam chowder parfait et de fruits de mer impeccablement frais. Le risotto au homard «à se rouler par terre» du chic et très fréquenté Duckworth’s Bistrot (197 East Main St), suggéré par ma copine Catherine, sera pour le lendemain. À moins que nous ne décidions de nous offrir la bête telle quelle, en allant nous approvisionner directement sur le quai pour pas cher, chez Captain Joe and Sons (95 East Main St). Nous comptons aussi faire un détour par Essex, cette municipalité voisine de Gloucester qui s’enorgueillit d’avoir inventé en 1916 les fried clams (palourdes frites). L’homme qui a eu cette brillante idée culinaire a laissé à ses descendants son restaurant, le Woodman’s (121 Main St), dont la réputation n’est pas surfaite: nous y mangerons les meilleures fried clams de notre vie. 

 

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Après une nuit douillette au plus que centenaire B&B Harborview Inn (71 Western Ave.), qui offre une vue admirable sur la baie de Gloucester, nous mettons le cap sur une des plus anciennes communautés artistiques des États-Unis encore en activité: la Rocky Neck Art Colony. La lumière pénétrante et le site exceptionnellement enchanteur de cette petite péninsule en ont fait un lieu d’inspiration prisé des peintres depuis 1850. On y trouve aujourd’hui une douzaine de galeries-ateliers, sises dans de vieilles maisons en bois pleines de cachet. Pour découvrir le côté plus glamour de Cape Ann, il faut se rendre dans la municipalité de Rockport: son port, très touristique, rassemble petites rues en serpentin, musiciens en plein air, boutiques, hôtels et restos.

Les grandes plages sont moins nombreuses (et moins spectaculaires) dans le Massachusetts que dans le Maine, mais on en trouve tout de même plusieurs entre Gloucester et Rockport. La Good Harbor Beach, qui s’étend sur un peu moins d’un kilomètre, est très fréquentée. À marée basse, on peut marcher jusqu’à une petite île appelée Salt Island. Pas très loin, la Long Beach qui, comme son nom l’indique, est encore plus longue, est moins peuplée et se targue d’être le paradis des surfeurs. C’est par hasard, en empruntant une route du côté ouest, plus sauvage, que nous découvrons une belle grande plage quasi déserte, tout près du village d’Annisquam: alcôve de paix où toute trace de stress disparaît.

Alors que nous redescendons vers le sud, nous faisons un stop à Eastern Point, petit havre où sont nichées d’immenses demeures de richards. C’est l’endroit idéal pour marcher, jogger, pédaler. Et pour faire, tout au bout de la pointe, un piquenique en pleine nature, à l’ombre d’un des six phares de Cape Ann qui ont guidé les marins au cours des siècles. Là, on peut arpenter une digue où se tiennent en équilibre des pêcheurs tranquilles. Le point de vue est à couper le souffle.

 

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Au moment de dire adieu à Cape Ann, nous nous arrêtons devant une petite maison en pierres qui pique notre curiosité. C’est celle d’un peintre célèbre de la région, Fitz Henry Lane. Intrigués par cet artiste mort en 1865, nous remontons la rue jusqu’au spacieux Cape Ann Museum (27 Pleasant St), où toute une salle lui est consacrée. Dans la lumière des tableaux de Fitz Henry Lane, c’est toute la féérie du paysage de Cape Ann qui revit. Nous sommes aussi saisis par ses représentations de l’océan déchaîné, avec des goélettes en perdition au milieu de la tempête. Comme si rien n’avait vraiment changé ici depuis plus d’un siècle.

De retour sur la route, en direction du Québec, nous faisons une halte peu avant l’embouchure de Cape Cod. Nous sommes à New Bedford, ville portuaire en train de se refaire une beauté, autrefois capitale mondiale de la chasse à la baleine. Si les grands mammifères ont aujourd’hui disparu de la région, les pétoncles cependant y abondent (la pêche commerciale y bat son plein). C’est ici que le capitaine Achab a lancé son bateau à la poursuite du monstre Moby Dick, dans le célèbre roman de Herman Melville paru en 1851 et adapté plus d’une fois au cinéma (la version de John Huston est mythique). Melville s’était d’ailleurs lui-même embarqué sur un baleinier à New Bedford le 3 janvier 1841. La chasse au cachalot était alors à son apogée. Des marins de partout affluaient dans la région, attirés par le commerce florissant de l’huile de baleine, alors utilisée comme combustible.

Après avoir fait un tour idyllique en bateau, sans apercevoir le moindre cétacé, nous gagnons la terre ferme en direction de la chapelle où s’était recueilli Melville avant de monter à bord de son baleinier: The Seamen’s Bethel (15 Johnny Cake Hill). Chaque année en janvier, des volontaires y lisent son chef-d’oeuvre à tour de rôle, 10 pages à la fois, pendant 24 heures. En entrant, on découvre au mur les noms des marins disparus en mer. L’endroit demeure un précieux lieu de rassemblement pour les pêcheurs. À deux pas de là, au New Bedford Whaling Museum, on peut voir des monstres marins en vrai, ou du moins ce qu’il en reste: d’impressionnantes carcasses de baleines, suspendues dans le hall d’entrée, dominent les visiteurs.

 

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