Sur fond de vertes montagnes et de doux vallons, le Vermont forme une contrée bucolique où le temps semble rythmé par les machines à traire les vaches. Premier État indépendant à rejoindre en 1791 l’union des 13 États fondateurs de nos voisins du sud, ce coin de pays est résolument
liberal, dans le sens où la majorité de ses 630 000 habitants sont de nature progressiste, tolérante et environnementaliste – certains diraient «granola». Montpelier reste d’ailleurs la seule capitale étatsunienne à ne pas héberger de McDonald’s…

Le Vermont est aussi le deuxième État le moins peuplé des States, et le seul parmi ceux qui composent la Nouvelle-Angleterre à ne pas avoir de débouché sur la mer. En revanche, il borde en partie l’apaisant (du moins, normalement) lac Champlain, qui est sorti de son lit au printemps, causant bien des dégâts. Frontière naturelle entre l’État de New York et le Vermont, ce long filet d’eau de 180 km par 19 km est cerné par les Adirondacks d’un côté et par les Green Mountains de l’autre. Pour contempler les riches pâturages et goûter à la douceur des hameaux, ou encore, pour s’arrêter en chemin à chaque yarn sale, barn sale et garage sale, nombreuses les fins de semaine, rien de mieux que de suivre la Route 7, qui se faufile paisiblement, du nord au sud, jusqu’au Massachusetts.

 

En route vers Burlington!

Le poste frontalier de Saint-Armand- Philipsburg est à un jet de pierre du lac Champlain. À partir là, il suffit de prendre la première sortie, depuis l’autoroute 89, pour rejoindre la Route 7. Le temps d’absorber la quiétude pastorale des paysages et des petits villages, et nous voilà à la première étape de ce road trip: The Essex, Vermont’s Culinary Resort & Spa, l’équivalent de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec. Ce ravissant hôtel constitue aussi une délicieuse étape gourmande où les foodies sont conviés à mettre la main à la pâte avant de goûter aux plats. Le complexe jouxte les boutiques du Essex Factory Outlet Center, où on trouve un bon petit resto italien, Rustico’s.

Comme Essex est une banlieue limitrophe de Burlington, les accros du shopping peuvent se rendre rapidement au Burlington Town Center Mall pour chasser les aubaines. Plusieurs boutiques qui n’ont pas pignon sur rue chez nous s’y alignent, dont le légendaire Macy’s, où le simple fait de présenter son passeport canadien procure des rabais. Non loin de là, on peut dénicher les vêtements griffés d’Abercrombie & Fitch, la lingerie fine Victoria’s Secret et du prêt-à-porter californien Hollister Co.

Tant qu’à être au centre-ville de Burlington, on en profite pour flâner sur Church Street, une rue piétonnière bordée de boutiques et de restos autour de laquelle s’articule la vie sociale de cette ville universitaire. Avec ses étudiants en goguette, ses professeurs dignes des romans de John Irving et ses décrocheurs aux allures de vieux hippies, Burlington est un endroit vibrant, empreint de ce cachet propre à la Nouvelle-Angleterre. Un lieu où on peut aussi bien admirer un coucher de soleil sur le lac Champlain que s’embarquer pour une minicroisière. À moins de louer un vélo pour sillonner, le nez au vent, les nombreuses pistes cyclables qui épousent les contours du lac.

 

Les adeptes de légendes urbaines pourront en profiter pour essayer de photographier
The Champ, ce prétendu cousin de Nessie, le monstre du Loch Ness. Mais il sera plus facile de repérer les
Flying Monkeys, ces statues métalliques de singes ailés qu’on aperçoit sur le toit d’édifices du centre-ville, dont l’Union Station et le Lake & College Performing Arts Center. On murmure que le premier Flying Monkey serait sorti de l’atelier du sculpteur Steve Larrabee en 1976 pour s’installer sur le toit d’une ancienne boutique de lits d’eau, où il aurait été rejoint par une guenon chromée. Le mâle aurait ensuite été kidnappé par des étudiants en 1992, puis retrouvé en 1996… avant de voir sa famille s’agrandir: elle compte aujourd’hui six membres.

Plus sérieusement, Burlington dispose de son lot de tables frugales. Véritable greasy spoon qui célèbre son 80e anniversaire cette année, Henry’s Diner semble tout droit sorti de la série Mad Men, avec son long comptoir, ses serveuses sans âge et ses banquettes en vinyle gris et jaune. Plus raffiné, le restaurant L’Amante concocte des plats d’inspiration toscane, cuisinés à partir de produits en provenance des fermes bio environnantes.

La plus grande ville du Vermont compte aussi deux pubs incontournables. Le Rí Rá, sur Church Street, joue la carte irlandaise à fond et est fréquenté par une clientèle assidue qui adore rouler des hanches en écoutant de la musique live le weekend. Moins m’as-tu-vu mais tout aussi animé, The Vermont Pub & Brewery brasse vaillamment ses bières maison et sert aussi des plats dignes de la meilleure pub grub (vraie bouffe de taverne).

La reine des fermes

À quelques kilomètres au sud de Burlington, un véritable joyau d’architecture rurale semble amarré aux rives du lac Champlain: Shelburne Farms. Dessiné à la fin du 19e siècle par Frederick Law Olmsted, qui a conçu Central Park, à New York, et le parc du Mont-Royal, à Montréal, cet endroit a d’abord servi de ferme modèle où on enseignait les techniques de pointe en matière agricole. Ses pavillons, toujours en activité, abritent aujourd’hui une ferme laitière reconnue pour son cheddar, ainsi qu’un majestueux manoir. Chaque été, ce site aussi immense que splendide accueille de nombreux festivals, dont celui des fabricants locaux de fromages artisanaux.

Avant de se rendre à Middlebury, les âmes sensibles à l’histoire s’arrêteront au Rokeby Museum. Ce site historique, somme toute modeste, a donné asile à de nombreux esclaves en fuite dans les années 1830 et 1840, alors que les Noirs étaient encore réduits à l’esclavage dans les États du Sud (le Vermont a aboli cette pratique en 1777).

Avec ses petites rues tranquilles et son clocher qui resplendit de blancheur au soleil, Middlebury est le genre de patelin où la vie suit son cours paisiblement depuis 250 ans et où on peut laisser ses clés dans sa voiture sans crainte de se la faire voler. Les touristes viennent pour flâner dans les boutiques et les librairies de Main Street avant d’apprécier, du haut du pont, les chutes de l’Otter Creek (la rivière aux loutres), qui a donné son nom à la microbrasserie du coin. Clientèle étudiante oblige – l’université de Middlebury est réputée pour les arts et les langues -, la ville recèle quelques pubs sympathiques, et on y mange merveilleusement indien au Taste of India (1 Bakery Lane).

Alors que le prix d’une chambre dans une auberge de la Nouvelle- Angleterre frôle couramment le ridicule, ce n’est pas le cas au Crystal Palace, à Bristol, une somptueuse maison victorienne où on a jalousement préservé des boiseries en chêne, des tapis orientaux et une salle de bains d’époque. Les hôtes sont extraordinairement sympas, et les déjeuners, copieux. (À partir de 115$ la nuit pour deux)

À quelques kilomètres de l’auberge se trouve une formidable piscine naturelle (un swimming hole, comme on dit aux States): il n’y a qu’à stationner la voiture le long de la route avant de faire plouf dans la rivière! (Pour s’y rendre: swimmingholes.org/vt.html)

Emplettes de luxe

Aucune ville du Vermont n’est plus chic, n’est plus élégante, ma chère, que Manchester, avec ses trottoirs en marbre (si, si!), ses pelouses taillées aux petits ciseaux et ses édifices qui brillent comme un sou neuf. Plusieurs abritent des outlets de luxe où les fashionistas s’empressent, chaque fin de saison, de faire une razzia. De Giorgio Armani à BCBG Max Azria, de Michael Kors à Ralph Lauren en passant par Betsey Johnson, il y a de quoi perdre la tête… (manchesterdesigneroutlets.com)

Depuis le 19e siècle, Manchester accueille la haute bourgeoisie de Boston, de New York, de Hartford et de Washington – un des fils d’Abraham Lincoln y avait d’ailleurs une opulente résidence d’été, Hildene, qu’on peut visiter. Cette société élégante n’est nulle part plus visible – pour ne pas dire chez elle – qu’à l’hôtel The Equinox, dont le lifting, spectaculaire, rivalise presque avec celui de certains membres de sa clientèle. Blague à part, The Equinox est un bijou chargé d’histoire: les murs de son restaurant, The Marsh Tavern, bâti en 1769, datent d’avant la Révolution américaine. Proche de là, le Reluctant Panther Inn sert la meilleure cuisine en ville, dont une entrée de crabe à carapace molle des plus exquise.

Entre deux séances de shopping, on peut jouer au golf, monter à cheval, et même s’initier à la pêche à la mouche ou à la fauconnerie, un sport qui date de l’Antiquité et qui consiste à dresser des oiseaux de proie pour la chasse. (British School of Falconry, 802 362-4780, equinoxresort.com)

Impossible aussi de séjourner à Manchester sans passer quelques heures au Northshire Bookstore, la plus vaste librairie indépendante (retenez l’épithète) du Vermont. Sur les présentoirs, des oeuvres d’artistes et d’écrivains qui habitent toujours ou ont résidé dans les montagnes de la région: Annie Proulx, Norman Rockwell, Alexandre Soljenitsyne, Rudyard Kipling, John Irving… Des gens qui ont senti qu’ici, en ces terres, se déployait quelque chose comme le paradis…

Carnet de route

Dormir au Hilton et au Courtyard, à Burlington, qui offrent le meilleur des deux mondes: situation au centre-ville et chambres avec vue sur le lac Champlain.

Effectuer la rigolote visite de l’usine Ben & Jerry’s de Waterbury, à 30 minutes de Burlington, afin de découvrir comment deux hippies ont su transformer une petite crèmerie du Vermont en une gigantesque entreprise. Et pour savourer ensuite leurs glaces. 

Assister à la belle étoile à un spectacle de la série Concerts on the Green, à Shelburne, mettant en vedette des artistes qui viennent rarement chez nous: Emmylou Harris, Gillian Welch, Willie Nelson… 

Chiner des cossins et des produits du terroir dans tous les country stores le long de la Route 7. Mais…

… virer raide dingue au Vermont Country Store, à Weston (de Manchester, prendre la Route 11 Est, puis la Route 100), en zieutant des produits disparus aujourd’hui des tablettes: les parfums Bal à Versailles ou Je reviens; des jouets anciens (Tinkertoy, Click Clak) dans leur emballage original; des bonbons surgis de l’enfance. Un trésor! 

Songer un instant, pour s’amuser, que Ben Affleck a étudié à l’Université du Vermont, à Burlington.

Luncher au A&W sur la Route 7, au sud de Middlebury, un des rares restaurants de la chaîne qui offre encore le service au volant.

Faire un saut chez Orvis pour les articles de chasse, de pêche et de sports d’aventure; chez Circa 50 pour la déco; et chez Epoch pour les sculptures sur verre de Jennifer Violette. Tous à Manchester.

S’informer au vermontvacation.com (en français).

 

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