Je rêve, c’est certain. Et pourtant non. Je suis bel et bien à l’École du Grand Chocolat Valrhona, dans la ville de Tain-l’Hermitage. Depuis que je sais que ce stage intitulé Poudre aux yeux est au programme de mon périple en France, la petite fille en moi – celle qui bricole des gâteaux depuis l’âge de sept ans – trépigne d’impatience.

Pensez-y! Une journée entière avec huit autres fous de desserts à apprendre à confectionner des entremets au chocolat… Avec moult conseils en prime: une crème se fouette à vitesse moyenne et constante (non, pas de sprint final!), une ganache parfaite résulte d’une émulsion, on ajoute donc la crème au chocolat pro-gres-sive- ment (surtout pas d’un seul coup), etc. Bref, des heures de plaisir pur.

Valrhona, c’est le nom de l’illustre chocolaterie connue de tous les maniaques de cacao. Val-Rhona pour la vallée du Rhône, au coeur du pays lyonnais. Voilà où je suis: dans la région Rhône-Alpes, au départ d’un délicieux itinéraire gourmand assaisonné d’un zeste de culture et arrosé de crus du Rhône et du Beaujolais. Pas triste comme programme.

Le goût de Lyon

Terroir de la volaille de Bresse, des olives noires de Nyons et d’une cinquantaine d’autres régals d’appellation d’origine contrôlée (AOC): la région Rhône-Alpes, c’est tout cela. Ajoutez que ce coin de France abrite 63 chefs qui comptent plusieurs étoiles au guide Michelin (Paul Bocuse, Georges Blanc, Michel Chabran…) et vous avez le topo: que du bonheur!

magaliGrevaud.jpgEn guise d’apéro, un mot sur la capitale régionale. Lyon, c’est deux cours d’eau, le Rhône et la Saône – enjambés par une kyrielle de ponts et de passerelles – qui enserrent une presqu’île où bat le centre-ville. C’est aussi deux collines visibles de partout: la colline de la Croix-Rousse, «celle qui travaille», et la colline de Fourvière, «celle qui prie», dit-on ici. Les pentes de la Croix-Rousse sont effectivement couvertes des anciens ateliers des ouvriers de la soie, les canuts; un rappel du temps où le chatoyant tissu faisait la gloire de Lyon. La colline de Fourvière, elle, est couronnée par la colossale basilique Notre-Dame. Du sommet, Lyon se déroule à perte de vue. En bas se love le ravissant Vieux- Lyon, d’inspiration italienne, avec ses escaliers à vis, ses loggias, et ses murs roses et ocre qui flambent au soleil.

Bien joli tout cela. Mais puisque le prince des gastronomes, Curnonsky, a un jour décrété cette ville «capitale française de la gastronomie», qu’est-ce qu’on attend pour se mettre à table?

 

Photos:Marie Perrin-Office de Tourisme de Lyon (rue de Lyon); Magali Grevaud- Office de Tourisme de Lyon (Lyon en soirée)

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L’héritage de la mère Brazier

Pour savourer Lyon, il faut entrer en son ventre: les Halles Paul Bocuse. Ah, les Halles! Que de merveilles sur les étals. De sublimes gâteaux de foie gras, des quenelles de Giraudet (les meilleures à la ronde) et des chocolats ciselés signés Michel Richart attirent tour à tour l’attention de la passante. Caverne d’Ali Baba où les grands chefs viennent à la fois pour les charcuteries de Colette Sibilia et pour les saint-marcellin de Renée Richard, prêtresse du fromage affectueusement surnommée La mère Richard.

Ici, le terme mère impose le respect. Sans les «mères» de Lyon (mère Guy, mère Filloux, mère Blanc…), sans toutes ces cuisinières émérites qui se sont lancées dans la restauration après avoir travaillé chez les bourgeois à la fin du 19e siècle, la gastronomie lyonnaise ne serait jamais devenue ce qu’elle est aujourd’hui.

Le fantôme d’une d’entre elles, la célèbre mère Brazier (première femme récipiendaire de trois étoiles au Michelin en 1933!), hante toujours l’établissement qu’elle tenait rue Royale et inspire l’actuel propriétaire, Mathieu Viannay (deux étoiles). Comme les Parisiens qui n’hésitent pas à prendre le T.G.V. pour venir à lui, j’ai eu le bonheur ultime de m’assoir dans un des élégants salons privés de son resto pour déguster les commentaires culinaires de cet homme fier de son métier. J’ai aussi eu le plaisir d’apprécier son exquise volaille de Bresse demi-deuil (de belles lamelles de truffes noires – d’où le deuil – sont insérées sous la peau), une spécialité de la mère Brazier, avant de couronner le tout d’un soufflé au citron vert et sa crème croustillante. Mamma mia!

À VOIR EN VIDÉO: Leçon de cuisine avec le chef de La mère Brazier

En son temps, la mère Brazier a aussi formé un certain Paul Bocuse. On peut s’offrir les créations du pape culinaire de Lyon à prix démocratique dans une de ses quatre brasseries: Le Nord, Le Sud, L’Est et L’Ouest. J’ai pris Le Nord, la plus classique, avec ses vitraux, ses boiseries foncées et ses banquettes en moleskine rouge. Je ne suis pas près d’oublier les saucissons chauds pistachés en brioche, les quenelles mousseline de brochet sauce Nantua (à base d’écrevisse) gonflées et goûteuses ni ma gaufre grand-mère à la chantilly et au chocolat. À se rouler par terre.

Autres adresses incontournables: les «bouchons» lyonnais. Dans ces restos traditionnels, le tablier de sapeur (tripes marines panées et frites), le saucisson et la cervelle de canut (fromage blanc aux herbes) sont à l’honneur. On y mange costaud, dans une ambiance très conviviale. Le bouchon est par contre interprété en version féminine au Bouchon des filles. Ici, le rouge des nappes à carreaux cède la place au rose; les plats respectent la tradition, mais sont plus légers et assortis de légumes (les filles aiment, c’est connu). Pour le reste, tout est «pur bouchon», incluant la gouaille de la patronne et cofondatrice, la belle Isabelle!

Soif d’un peu de calme? La paisible cour intérieure du Musée des beauxarts de Lyon est l’endroit parfait pour rêver en douce. Tout en dégustant tranquillement sa petite provision de coussins (une gâterie au chocolat et aux amandes) ou de sublimes macarons au cassis et à la violette achetés chez Bouillet (ze référence), on planifie la suite du périple. Pourquoi pas une balade dans le Beaujolais?

 

Photo: Marie Perrin-Office de Tourisme de Lyon

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Direction nord: le Beaujolais

Premier arrêt: l’Huilerie beaujolaise de Beaujeu, à une heure environ au nord de Lyon. Là, on ne se lasse pas d’écouter les artisans Mireille Arthaud et Jean-Marc Montegottero expliquer passionnément le broyage, la cuisson délicate et la filtration de leurs huiles vierges 100 % pignons, amandes douces, noix de pécan… dont une goutte suffit pour embaumer tout un plat. Une poésie.

Mais qui dit Beaujolais dit d’abord vin. Dans cette grande zone viticole, un cépage, le gamay, est roi. Il s’y décline sous 12 appellations: 10 crus (juliénas, morgon, chénas, etc.), plus le beaujolais villages et le beaujolais tout court. Sauf que si la grande fête automnale du beaujolais nouveau (vin «aux joues rouges», tout juste vinifié), instaurée il y a une trentaine d’années, a contribué à faire connaître ce terroir de Tokyo à Montréal, elle lui a aussi joué un très mauvais tour. Nombreux sont ceux qui croient que le beaujolais nouveau – jeune et de qualité inégale d’une année à l’autre, comme tout bon vin – est le seul vin du Beaujolais! «Et quand ils découvrent la grande variété d’appellations, ils disent « J’ai déjà donné »», se désole un enfant de la région, Bernard Pivot, dans son Dictionnaire amoureux du vin.

Pour remettre les pendules à l’heure, on a l’embarras du choix. On peut par exemple aller tâter un beaujolais villages 2005 bien charpenté, issu des vignes du château de Montmelas. Dans ce bâtiment aux allures de château fort, on sera accueillies par Delphine d’Harcourt, une sympathique comtesse… de 35 ans! On peut également se rendre sur place apprécier le caractère du brouilly Château de La Chaize 2006, dans un édifice merveilleusement classique au jardin dessiné par Le Nôtre, créateur des jardins de Versailles.

Si on se sent l’âme prolétaire, on peut faire sa dégustation dans un des bistrots beaujolais dignes du nom, «ces bars à bons vins sans baratin» qui fleurissent dans la région.

 

Photo: Marie Perrin-Office de Tourisme de Lyon 

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Direction sud: la Drôme des Collines

Drôme des Collines: ce territoire du département de la Drôme, au sud de Lyon, porte joliment son nom. Partout, on aperçoit des petits monts sillonnés de vignes en terrasses. On entre ici au royaume des côtes-durhône: côte-rôtie, saint-joseph, etc. J’ai parcouru avec un frisson de plaisir les coteaux d’où provient le délectable crozes-hermitage. J’ai aussi étoffé ma culture viticole à la boutiquecave à vin Des terrasses du Rhône au sommelier, à Tain-l’Hermitage, où l’enthousiaste proprio, Fabien Louis, m’a confirmé que le secret d’un vin réside en bonne partie dans «le coup de patte» particulier du vigneron.

À quelques pas de là, les plus calées seront comblées chez Michel Chapoutier, grand viticulteur devant l’Éternel. Le bonheur s’y déguste verre après verre après verre… Et je me souviens encore avec émotion d’un saint-péray 2007, un blanc que ce magicien du raisin a mis au point avec sa célèbre voisine Anne-Sophie Pic, installée à Valence, à une vingtaine de minutes en voiture.

La chef Anne-Sophie Pic, 39 ans, est la seule femme de France à avoir obtenu trois étoiles. Et la quatrième de toute l’histoire du Michelin à avoir accompli cet exploit! Son établissement hautement stylé abrite un hôtel, un bar douillet, une école de cuisine et un restaurant à la carte aussi raffinée que sa créatrice. Le chic et rouge bistrot 7 permet entre autres d’apprécier – à prix plus doux – un risotto de riz noir vénéré ou des gambas snackées accompagnées de ravioles au bouillon de légumes à l’estragon.

Vous ne connaissez pas les ravioles? C’est une délicieuse spécialité locale en forme de miniraviolis, qu’on farcit traditionnellement de fromage et de persil. Pour tout savoir sur eux, passez à la boutique Ravioles Mère Maury, à Romans-sur-Isère; il y en a de toutes les couleurs – certains sont même au chocolat! Puis, tant qu’à être dans le coin, faites un dernier arrêt gourmand à 10 minutes en voiture de là, à la Boulangerie Pascalis, dans la ville de Bourg-de-Péage, pour y croquer des pognes. Admirez l’adresse du maître boulanger qui troue avec le coude la pâte de ces brioches en couronne aromatisées à la fleur d’oranger, comme le faisaient hier son grand-père et son arrièregrand- père…

Aussitôt de retour, en guise de rappel d’un périple aussi goûteux, je me suis empressée d’accrocher dans ma cuisine mon diplôme Valrhona attestant que j’ai réussi mon stage Poudre aux yeux. Fière, vous dites? À côté de ça, mon diplôme universitaire ne fait vraiment pas le poids.

 

Photo: Marie Perrin-Office de Tourisme de Lyon

LIRE LA SUITE: Les coups de coeur de Danielle Stanton

ILS FONT ÉCOLE

Vous avez envie de suivre des cours de cuisine dans cette région française? Quelques suggestions:

Pour les amateurs de chocolat: www.valrhona.com
Pour faire des macarons: www.chocolatier-bouillet.com
Pour confectionner des quenelles: www.giraudet.fr
Pour déguster du vin: www.chapoutier.com
Avec la chef Anne-Sophie Pic: www.scook.fr
Avec le chef Nicolas Le Bec: www.nicolaslebec.com

CARNET DE BORD

Dormir au Collège Hôtel, un établissement ultrasympathique et très bien situé dans le Vieux-Lyon (www.college-hotel.com).

Rouler à Vélo’v, des vélos de location offerts partout dans Lyon (www.velov.grandlyon.com).

Sortir après avoir consulté l’hebdomadaire culturel Lyon poche, en kiosque ou sur www.lyonpoche.com.

Manger dans des bouchons renommés: Café des Fédérations (www.lesfedeslyon.com), Chez Paul (www.chezpaul.fr) et Chez les Gones (www.chezlesgones.fr).

S’informer en cliquant sur www.rhonealpes-tourisme.com ou www.lyon-france.com.

Y aller avec Air Transat, qui offre quatre vols directs Montréal-Lyon par semaine, d’avril à octobre (www.airtransat.ca).

ADRESSES COUP DE COEUR

La maison des canuts et L’atelier de soierie Pour tout savoir du passé et du présent soyeux de Lyon. Fascinant. (www.maisondescanuts.com et www.atelierdesoierie.com)

Les chapeaux de Maïté d’Anjou Cloches en feutre ou turbans en soie plissée, les bibis exquis de Maïté sont des bijoux. (Ballade pour un chapeau, 38, rue Sergent-Blandan, Lyon)

La Chapotière Une belle demeure du 17e siècle, avec de charmantes chambres d’hôte, à Montmiral, dans la Drôme. Le mot accueil a été inventé pour la chaleureuse Marithé et son joyeux luron de mari, Claude (www.lachapotiere.com).

Rue Le Bec, du nom du très innovateur et très star jeune chef Nicolas Le Bec (deux étoiles Michelin), dans le branché quartier de la Confluence, à Lyon. Un espace de 2 000 mètres rempli de lumière, traversé par une allée centrale et bordé d’échoppes: boulanger, maraîcher, bar à vin, épicerie… (www.nicolaslebec.com).

 

Photo: Marie Perrin- Office de Tourisme de Lyon

À VOIR: Vidéo- Petite leçon de cuisine avec un grand chef