Dans la vie de toute voyageuse aguerrie, il arrivera un jour où la seule aventure exotique qu’on aura envie de vivre se limitera à crier: «Mojito!» et où le seul chemin qu’on désirera découvrir sera celui qui mène de la piscine à la plage, en passant par le buffet. Ce jour-là – celui où on abandonnera honteusement toute velléité d’exploratrice, séduite par l’idée de barboter dans une mer aussi chaude qu’une bière oubliée au soleil – sera typiquement sombre et froid. Le calendrier indiquera qu’on est en janvier, en février ou en mars, bref, à un moment où le vent est rude, la glace, mordante, et notre teint, vert kaki. «Franchement, ces conditions sont inhumaines», nous susurrera une petite voix intérieure. «Tu as désespérément besoin de faire le plein de vitamine D, il en va de ta santé», ajoutera une deuxième. «Berlin peut attendre…» nous chuchotera enfin une troisième. Personnellement, j’ai fini par me rendre à ces arguments l’hiver dernier. Je me suis donc décidée: j’ai pris, moi aussi, la route des tout compris en République dominicaine!

La belle vie

«Oh la bonne idée!» me dis-je en traversant la magnifique propriété du Paradisus Palma Real, un complexe très haut de gamme construit il y a six ans sur la plage de Bávaro, juste au nord de Punta Cana. Planchers en marbre, galeries à arcades, oeuvres d’art contemporain installées çà et là… C’est d’un chic! Face aux tranquilles piscines turquoise de l’hôtel s’agite une mer sauvage, d’un bleu impossible. «Enfin! La vie telle qu’elle devrait être vécue!» s’écrie un voyageur légèrement hystérique.

Dans ce palace, tout – matelas rembourrés encadrant la piscine privée des clients du Service Royal (!), moelleuses méridiennes disposées au détour d’un jardin tropical, et même majordome qui nous est attribué (!!) -, mais vraiment tout est conçu pour encourager notre paresse naturelle. «Pas… la force… d’atteindre… le buffet », ai-je tout juste l’énergie de penser à la fin de ma deuxième journée, épuisée par la sieste de l’après-midi. Mon farniente est à peine interrompu par une visite au YHI Spa, un antre zen qui offre des soins ayurvédiques. Après avoir profité d’un délicieux massage à l’huile essentielle de fleur de lotus, je passe aux bassins chauds et froids. Hou là! Un puissant jet d’eau vient me labourer le dos, avant de me marteler le ventre. Hum… Peut-on compter ça comme un exercice pour les abdos?

Photo: Le restaurant Gabi Beach, de l’hôtel Paradisus Palma Real

 

Les bonnes adresses

Un matin, je m’extirpe enfin de ma léthargie pour explorer les alentours de ma réserve dorée. Les guides de voyage m’ont prévenue: à l’extérieur des complexes hôteliers, cette région du sud-est du pays est rurale et plutôt pauvre. Chaque fois qu’on visite la République dominicaine, ce contraste nous saisit à la gorge: d’un côté, des tout compris d’un luxe inouï, de l’autre, le dénuement… Tranquillement, pourtant, ce coin de l’île s’urbanise. La route, sillonnée surtout par des motocyclistes dominicains suicidaires, a été récemment asphaltée. Un nouveau centre commercial, San Juan, à l’angle des avenues Barceló et Estados Unidos, a fait son apparition pour combler les inconditionnels du shopping et des sushis. Dans la partie résidentielle du minuscule village de Punta Cana, quelques échoppes touristiques parsèment les rues. Ne serait-ce que pour dîner au Acentos Bistro (Galerias de Punta Cana, suites 3 et 4), un délicieux petit resto dont le propriétaire parle parfaitement le français, le village vaut le détour. Oh là là! Le fondant au chocolat est assez décadent pour nous expédier illico dans le coma diabétique… Aux Galerias de Punta Cana (Avenida 4 de Noviembre), on tombe face à face avec des corps maquillés, des visages grimaçants, des masques grotesques: c’est la crème des photos du dernier carnaval, rassemblées pour former une expo temporaire. Finalement, hop! on se rend à deux bouibouis locaux qui trempent dans la mer. D’abord, au Pulpo Cojo (El Cortecito, Playa Bávaro), où les prises du jour, de poissons franchement obèses, se balancent à des crochets. Ils ne sont pas très appétissants vus comme ça, mais il faut les imaginer en morceaux, dans une des savoureuses paellas que propose le resto! Juste à côté, au Capitan Cook, des cuisiniers font griller des langoustes fraîches sur de grandes plaques devant les clients, pendant qu’un chien, mis K.-O. par la chaleur, somnole à l’ombre d’une table. Après avoir dévoré l’assiette de bananes plantains frites, on a une furieuse envie de l’imiter…

Photo: Les prises du jour au restaurant Pulpo Cojo

 

Quelques kilomètres au sud, le 4 x 4 de mon guide franchit une barrière fermée, dépasse un garde de sécurité, et nous voilà à Beverly Hills… Pardon, à Cap Cana (capcana.com), un lotissement de villas coloniales bâties sur des collines verdoyantes. Ce mégacomplexe de luxe, encore en construction, comprend déjà des hôtels-boutiques, une marina et un parcours de golf dessiné par le grand Jack Nicklaus lui-même. Sans compter quelques restos sélects, comme La Palapa (edenroccapcana.com), un enivrant bistro au bord de la mer, dont le toit en feuilles de palmier et les voiles blancs gonflés par la brise du large nous font franchement rêver. C’est aussi à Cap Cana qu’on découvre la plus belle plage du monde, Juanillo. La mer y est d’une transparence azurée presque irréelle. Les vagues, brisées par un récif de corail situé à quelque 900 m du rivage, troublent d’un léger frémissement le calme plat de la baie. C’est sûr: en janvier prochain, je ne visiterai toujours pas Berlin…

Photo: Le quai adjacent à La Palapa, au Carleton Beach Club (Hôtel Eden Roc)

 

 

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