Un puzzle géant qu’on n’aurait pas daigné finir, voilà à quoi ressemblent Helsinki et le bouquet d’îles de son archipel vus du haut des airs. L’avion ne s’est pas encore posé que la capitale finlandaise m’épate déjà, mais je n’en espérais pas moins d’une contrée où on se délecte de crème glacée parfumée au goudron (sans blague) et où on pratique une drôle d’épreuve sportive appelée… «Concours de transport d’épouse»!

Le géant des télécommunications Nokia, le fabricant de ciseaux à poignées orange Fiskars, la maison de design textile Marimekko, les cinéastes Aki et Mika Kaurismäki… Chacun à leur façon, ces dignes représentants de la Finlande me laissent deviner que ce petit pays nordique est animé par une grande créativité. Et je compte bien le constater de mes propres yeux en visitant sa belle capitale de quelque 583 000 habitants qui sent bon la mer, entourée qu’elle est du golfe de Finlande.

Ils n’ont pas seulement la réputation d’être inventifs, les Finlandais; ils seraient également des champions de ténacité. Ils ont même un mot, sisu, pour exprimer leur persévérance collective face à l’adversité. Une disposition qui n’est certainement pas étrangère à l’histoire du pays, dominé pendant près de 700 ans par la Suède, puis durant un siècle par la Russie, avant de devenir indépendant et de subir les agressions de la nouvelle URSS. C’est sans compter les rigueurs d’un climat extrême…

Pour le moment (nous sommes en juin), tous les garçons et les filles de mon âge (ou pas) sont vêtus légèrement et s’offrent au soleil dans les parcs de la ville. «Aussitôt l’hiver terminé, fin avril, Helsinki revit, explique la guide Tiina Heinäaho. On envahit les espaces verts pour pique-niquer et, comme il fait jour jusqu’à 23 h, c’est la fête!»

 

Le beau et l’utile

C’est aussi la nouba dans le bâtiment de l’association Forum du design, situé au centre-ville, dans le District du design, qui comporte 180 lieux de création dans deux douzaines de rues. J’y arrive au moment où on procède à la remise des prix d’excellence annuels. La porte-parole, Hanna Punnonen, en profite pour me présenter les dernières créations de la relève. Si ces objets – de petits meubles, des chaussures, de la vaisselle, etc. – conjuguent brillamment forme et fonction, ils révèlent surtout combien le design fait partie intégrante du quotidien des Finlandais. «C’est justement la raison pour laquelle Helsinki a été nommée Capitale mondiale du design 2012, dit Hanna. De la tasse à café aux véhicules de transport public, nous avons ici une grande tradition du design.»

Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’oeil à la monumentale gare centrale de la métropole, qui a été dessinée par Eliel Saarinen en 1909; au sublime mobilier du restaurant Savoy, qu’Alvar Aalto a conçu en 1936; à la verrerie étonnante que produit la maison Iittala, fondée en 1881; ou encore, aux motifs dessinés depuis 60 ans par Marimekko, dont les tentures se sont faufilés jusque dans Sex and the City 2. Ciel, même les petits bars de quartier ont de la gueule! Le A21 (21, rue Annankatu), par exemple, pourrait être le salon d’une amie designer.

Le vent de créativité qui souffle sur le pays a ravivé jusqu’à sa gastronomie. «Helsinki, c’était le tiers-monde sur ce plan il y a à peine 15 ans», lance le chef Perttu Paulasto, qui propose, au bistrot Juuri, des «sapas», dont le nom est une contraction des mots suomi (Finlande, en finnois) et tapas. L’avènement des compagnies aériennes à bas prix a brisé l’isolement des Finlandais et favorisé leur ouverture sur le reste de l’Europe, m’explique-t-il pendant que je déguste un plat de coeur de renne de Laponie et sa gelée de vin de petits fruits.

Même son de cloche de la part du chef Hans Välimäki, qui me reçoit dans son restaurant, Chez Dominique. L’établissement propose une carte franco-nordique et a reçu deux étoiles du Guide Michelin. «Il fut un temps où nous pensions que tout ce qui venait d’ailleurs était meilleur que ce qui était fait ici, dit-il. En voyageant, nous avons pu mesurer nos idées à celles des autres, et ça a fouetté notre imagination.»

Ma prochaine escale, Kaapeli, me donne le pouls du dynamisme local: cette ancienne et immense manufacture de câbles a été reconvertie afin de permettre à 250 artistes de travailler tous azimuts! Impressionnant. On y trouve également une boutique, où je fais la rencontre de Maria Sjövik, qui planche sur son premier roman tout en tenant la caisse. Et elle aussi n’en finit pas de me vanter le côté edgy de la capitale. «Peut-être à cause de ses hivers interminables, ditelle, Helsinki est un endroit formidable pour la création. Son seul défaut, hélas, est que vous n’y serez jamais courtisée par un poète: tous les gars sont ingénieurs!»

La culture d’abord!

À deux heures de train au nord-ouest d’Helsinki m’attend Turku, une ville portuaire proprette de quelque 175 000 habitants. Ici sont nés les hockeyeurs Saku et Mikko Koivu. Ici ont été construits récemment les deux plus gros paquebots de croisières du monde, Oasis et Allure of the Seas. Et ici a débuté l’histoire de la Finlande.

Turku a été la première capitale du pays, statut qu’elle a perdu en 1812. Cette année, elle sera à nouveau une capitale, celle de la culture, et, à ce titre, elle propose plus de 200 événements d’envergure ralliant toutes les disciplines artistiques. Battle 2011 est un spectacle qui promet, selon Saara Malila, responsable des communications pour la Fondation Turku 2011. Cette performance, qui sera présentée à la fin d’août, mettra en scène Kimmo Pohjonen, «le Jimmy Hendrix finlandais de l’accordéon », accompagné non pas de danseurs mais de… lutteurs.

De retour à Helsinki, je m’embarque sur un traversier à destination de l’Estonie, plus précisément de Tallinn, le «Las Vegas de la Baltique». Et aussitôt que je mets le pied à terre, c’est le choc. Cet État balte, surnommé «e-stonie» tellement il est branché sur les nouvelles technologies, s’est libéré du joug de l’URSS il y a 20 ans, mais sa capitale affiche encore une grisaille toute soviétique. Même les néons criards de ses casinos n’y changent rien. Heureusement, son centre médiéval, qui figure sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, est éblouissant comme une enluminure.

«Mais Tallinn n’est pas qu’une ancienne cité: c’est aussi une métropole moderne, créative, en plein essor», fait valoir Maris Hellrand, de la Fondation Tallinn 2011, maître d’oeuvre de la programmation proposée par cette autre Capitale européenne de la culture. Parmi les artistes estoniens en vedette cette année, elle mentionne MIM Project, un groupe expérimental qui dénonce le gaspillage énergétique. Pendant la prestation de cette formation en mai prochain, l’éclairage sera assuré par un auditoire pédalant sur des vélos stationnaires dans une centrale électrique! A la fin de l’été, La Semaine de la mode, elle, explorera le design sous toutes ses coutures.

Même l’Office de tourisme alternatif tallinnois (géré par des étudiants) fait preuve d’inventivité. Sur la carte de la ville qu’il édite, il a inscrit à l’intention des visiteurs quelques phrases en estonien. Parmi celles-ci, Anna mulle musi, qui signifie: «Donnez-moi un baiser.» Une formule des plus pratiques, qu’on peut déclarer autant à un poète qu’à un ingénieur!

Finlande et Estonie: carnet de bord

Bons trajets De Montréal à Helsinki avec SWISS (swiss.com) via Zurich. D’Helsinki à Turku à bord du train Inter City no135. D’Helsinki à Tallinn à bord d’un traversier (tallinksilja.com) ou avec Finnair (finnair.com).

Bonne nuit À Helsinki: au chic hôtel boutique Haven (hotelhaven.fi). À la réception, c’est le compatriote Pascal Gaudio qui sera content de vous voir! À Turku: à l’hôtel Sokos (sokoshotels.fi). Dans la Tallinn médiévale, au très design Telegraaf (telegraafhotel.com) ou au très sympa L’Ermitage (lermitagehotel.ee).

Bon appétit À Helsinki, chez Nokka (royalravintolat.com), qui sert une cuisine du terroir divine dans un ancien entrepôt maritime. À Turku, chez Vaakahuone (vaakahuone.fi), une chouette guinguette au bord du fleuve Aura. À Tallinn, chez Kaerajaan (kaerajaan.ee) pour ses luminaires emmitouflés de cardigans!

Bonnes flâneries À Helsinki: à Kaapeli, la coop artistique, dans les boutiques du District du design, dans les musées du Design, d’art contemporain et d’architecture, dans l’île de Seurasaari. À Turku, à bord d’un des bateaux qui naviguent dans l’archipel. À Tallinn, dans l’ancien quartier industriel Rotermanni, transformé en zone urbaine hip.

Bon à savoir D’Helsinki comme de Turku et de Tallinn, des paquebots de croisières (tallinksilja.com) traversent toute l’année la Baltique à destination de Stockholm, en Suède.

Bons clics visitfinland.com, visithelsinki.fi, wearehelsinki.fi, turku2011.fi, tourism.tallinn.ee et tallinn2011.ee.

 

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