Qu’ont en commun Mr. Robinson Crusoe, The Blue Lagoon et Cast Away? Dans ces trois longs métrages, les protagonistes arrivent de façon impromptue sur une île déserte enchanteresse, en pleine mer, et ils finissent par y passer de longues années. Mieux: les décors naturels éblouissants qu’on peut admirer dans ces trois films se trouvent… dans l’archipel des Fidji.

Dans la vraie vie, on n’arrive généralement pas aux Fidji par accident. Mais qu’on ait choisi ou non de s’y rendre, on souhaite ardemment y demeurer longtemps, une fois sur place.

Car cette ribambelle d’îles perdues au nord de la Nouvelle-Zélande correspond en tous points à l’idée qu’on se fait de la destination édénique: longs lisérés sablonneux, franges de cocotiers alanguis, flore exubérante, fonds sous-marins hallucinants, hameaux quasi inhabités et, surtout, lagons qui semblent branchés en permanence sur des néons turquoise.

Cela dit, on a beau béer d’admiration devant l’extrême joliesse de cet archipel, ce qui fait qu’on rentre des Fidji avec des souvenirs impérissables, c’est d’abord et avant tout l’incroyable affabilité de sa population.


GENTILLES FIDJI

Il m’aura fallu plus d’une heure pour me rendre compte que l’homme qui me promenait dans sa voiture n’était pas celui avec qui j’avais rendez-vous. La raison de cette méprise? Je savais que, lorsque j’allais débarquer du bateau, un guide viendrait à ma rencontre. J’ai vu un taxi, j’ai cru que c’était le mien et j’y suis monté. Le chauffeur fidjien, lui, s’est dit: «Chouette, un client!»

La confusion a perduré, car mon homme s’arrêtait chaque fois que je voulais prendre une photo et m’entretenait de son pays en jouant les guides touristiques. Puis, son cellulaire a sonné: l’accompagnateur qui m’était attitré a alors appris à mon chauffeur qu’il était parti avec «son» client. Oups… «Je vais vous payer la course, bien sûr!» me suis-je empressé de dire. «Oubliez ça! a-t-il lâché. De toute façon, j’allais aussi dans cette direction… » «Ça», c’était tout de même plus de 100 $ au compteur!

J’avais déjà entendu parler de la proverbiale amabilité du peuple fidjien, souvent décrit comme étant «le plus gentil de la planète». En 10 jours, cette affirmation n’a cessé de se vérifier. Partout où je suis allé, j’ai été bombardé de Bula! (qui peut signifier bonjour ou bienvenue).

Dans chaque hôtel où je suis descendu, le personnel m’a serré la main avant de piquer une jasette avec moi. Une famille à qui je voulais acheter une bouteille d’eau me l’a offerte sans plus de cérémonie. Mieux: une marchande de babioles m’a finalement donné la bagatelle qu’elle essayait de me vendre, comme si les us et coutumes fidjiens commençaient à profiter aussi aux étrangers.

Il faut savoir que dans la mentalité locale, il est mal vu de s’enrichir sur le dos de ses compatriotes. Si un Fidjien demande à un commerçant de lui donner ce qu’il a à vendre, celui-ci ne peut le lui refuser: c’est le kere-kere, le don inconditionnel et réciproque nécessaire au bien collectif. On imagine la suite: tout non-Fidjien qui désire faire des affaires dans la région a le champ libre. C’est le cas des Indiens venus travailler dans l’archipel du temps de la colonie britannique.

De nos jours, les Fidjiens de souche – souvent reconnaissables à leur tignasse afro – représentent 49 % de la population et possèdent la majeure partie du territoire, alors que les Indo-Fidjiens, qui comptent pour 46 % de la population, détiennent l’essentiel des commerces (et de la richesse!). Cela ne va pas sans créer certaines tensions: en 20 ans, les Fidji ont subi quatre coups d’État. Mais jamais le sang n’a été versé, et on ne pourrait soupçonner que cette république est dirigée par un gouvernement installé par l’armée. Tout y est calme, paisible et placide, comme autrefois…

MÉLIMÉLO MÉLANÉSIEN
Colonisées par les Britanniques et indépendantes depuis 1970, les îles Fidji ont d’abord été habitées par des peuplades mélanésiennes venues d’Asie du Sud- Est. La Polynésie (Tahiti, Hawaï…), la Micronésie (Marshall, Guam…) et la Mélanésie (Fidji, Nouvelle-Guinée…) forment trois des cinq grands ensembles géographiques d’Océanie.

Moins du tiers des Fidji sont habitées, l’essentiel des 850 000 âmes vivant sur trois îles principales: Viti Levu (La Grande Fidji), Vanua Levu (Grande Terre) et Taveuni, surnommée à juste titre l’île-jardin. À elles trois, elles rassemblent 90% des terres et 85% de la population. Les autres Fidjiens s’éparpillent sur des îles qui ne comptent souvent qu’un seul village, et où les traditions sont fortement ancrées.

Ainsi, dans cet archipel autrefois cannibale, les hommes pratiquent encore le vilavilairevo (marche sur les braises), même dans certains hôtels.

D’autres hommes portent le sulu, noué à la taille ou à la poitrine, ou la fleur d’hibiscus à l’oreille. Quant à nous, les étrangers, nous devons respecter certains usages dès que nous sortons des sentiers battus. Qu’on veuille flâner sur les plages des idylliques îles Yasawa, faire la noce dans l’archipel de Mamanuca ou saisir l’âme profonde des Fidji dans l’archipel de Lomaiviti, il faut généralement se plier au rituel du sevusevu: quiconque veut visiter un village fidjien doit d’abord passer voir le chef et lui refiler un petit cadeau, généralement un peu de kava, une infusion euphorisante à base de racine de poivrier sauvage dont les Fidjiens raffolent.

Un tel cérémonial se révèle cependant inutile sur Ugaga. La totalité de cette minuscule île est occupée par les richards qui séjournent dans le splendide complexe de villégiature du
Royal Davui Resort, considéré comme un des plus romantiques du monde par le magazine Condé Nast Traveller. Seize luxueux bungalows s’y déploient dans une végétation luxuriante où abondent les fleurs, en plein coeur du ravissant lagon de Beqa.

Les voyageurs fortunés apprécient toujours autant les Fidji, mais les autres, dont les moyens sont plus modestes, peuvent aussi y donner libre cours à leur fantaisie. Car l’archipel a depuis belle lurette un parti pris pour les touristes. Tous y trouvent leur compte: routards, ornithologues, plongeurs, trekkeurs, adeptes de farniente. Ceux qui cherchent l’inusité peuvent même séjourner au premier complexe sous-marin de la planète, le tout nouveau Poseidon Undersea Resorts (www.poseidonresorts.com).

Toujours dans le registre de l’originalité, deux Britanniques ont récemment loué une petite île habitée par quatre Fidjiens pour y implanter une sorte d’écodémocratie touristique. Inspiré du time-sharing, le projet Tribewanted (www.tribewanted.com) permet à 5000 personnes de former une tribu pour demeurer sur l’île de Vorovoro et la développer… tout en y prenant de délicieuses et singulières vacances. Avouons-le, c’est là une bien meilleure idée que de débarquer aux fabuleuses Fidji pour y tourner des épisodes de la série Survivor. Car dans ces îles éminemment enchanteresses, on est loin de se sentir en mode survie. Ici, on peut vraiment se laisser vivre. Longtemps.

CARNET DE BORD

Dans le Pacifique Sud, à 12 heures de Vancouver (15 heures en comptant l’escale hawaïenne).

QUAND

Idéalement de mai à octobre (la «saison sèche»), sinon le reste de l’année en mode budget (mais avec risque de cyclones).

COMMENT
Avec Air Pacific (www.airpacific.com)
WestJet (www.westjet.com)
Sur place, avec Air Fiji (www.airfiji.com.fj)

 

SÉJOURNER
Pas cher, un peu partout
www.fiji-backpacking.com
www.fijibudget.com

Ultraromantique,
au Royal Davui (www.royaldavui.com)

 Sympa et écolo,
au Lalati (www.lalati-fiji.com)

dans une bure (paillote) grand luxe,
 au Namale (www.namalefiji.com);
en famille, au Shangri-La (www.shangri-la.com);

pour la totale, au Jean-Michel Cousteau Resort
(www.fijiresort.com).

LONGER
la sublime Coral Coast à bord d’un train à vapeur, à partir du Shangri-La.

NAVIGUER
sur le Tui Tai, luxueux navire d’expédition (www.tuitai.com).

PRATIQUER

Le trekking sur l’île de Taveuni et dans la forêt tropicale Waisali (sur Vanua Levu); le kayak dans l’archipel des Lau; la planche à voile à Nananu-I-Ra; la plongée en apnée partout.

RAPPORTER
Des pièces artisanales en bois (casse-têtes, fourchettes cannibales…),  de la poterie de Nakabuta ou encore des saris et des bijoux indiens.

LIRE
le guide Lonely Planet Fiji
(en anglais).

VISITER

 www.bulafiji.com

Saviez-vous que…

 

 La plupart des adeptes du vilavilairevo (marche sur les braises) sont originaires de l’île de Beqa. Leurs ancêtres, avant de s’adonner à ce rite, devaient s’abstenir de tout rapport sexuel pendant un mois, sinon ils risquaient d’infliger des brûlures à tous les habitants de leur village. Aujourd’hui, ils pratiquent le vilavilairevo dans plusieurs grands hôtels comme le Shangri-La… sans avoir à se soumettre au préalable à cette disette libidinale.

 Les Fidjiens ont pratiqué le cannibalisme pendant près de 2500 ans, jusqu’à ce que leur roi, devenu chrétien, abolisse cette coutume en 1871. Parmi les personnes ayant fait les frais, avant cette date, des habitudes culinaires des insulaires, mentionnons le révérend Thomas Baker et huit convertis fidjiens, qui ont servi de repas en 1867 à Nabutautau. En 2003, les habitants de ce village, qui veulent que le geste de leurs ancêtres soit absout, ont organisé une cérémonie du pardon, à laquelle ont assisté pas moins de 600 personnes, dont l’arrière-arrière-petit-fils du révérend Baker.