«Je m’appelle Sophie, j’ai presque 30 ans, je suis en couple depuis six ans. Je n’ai pas d’enfants, mais j’ai un épagneul. Il y a quelques mois, j’ai décidé de changer de vie.

C’était le 12 janvier 2010. Je travaillais dans la salle de nouvelles de Radio-Canada, à Montréal, en tant que journaliste, quand j’ai lu les premières lignes du fil de presse: «EARTHQUAKE HAITI MAGNITUDE 7 USGS». Les heures, les jours et les semaines qui ont suivi ont été extrêmement forts en émotions, alors que je voyais à la télé, comme vous, les images d’Haïti sous les décombres. J’ai alors pris une décision. Je ne voulais plus seulement rapporter les événements de l’extérieur, je voulais être sur place. En août 2010, j’ai entrepris un nouveau parcours: je suis devenue coordonnatrice des communications de la Croix-Rouge canadienne en Haïti.»

Sophie Chavanel restera en Haïti pendant un an. Suivez ses activités dans son journal ci-dessous ou sur son fil Twitter.

Lisez le début du journal de Sophie.

Port-au-Prince, 28 juillet 2011

Orevwa Ayiti

C’est avec un pincement au cœur que je vous écris aujourd’hui ma dernière chronique à partir d’Haïti. Depuis, un an, je partage avec vous chaque semaine un petit morceau d’Haïti et de mon expérience avec la Croix-Rouge. J’espère que ça vous a plu autant qu’à moi.

Depuis un an je partage avec vous mes observations, comme les progrès faits par les Haïtiens pour reconstruire leur pays. Des moments très tristes, comme la mort de mon collègue et ami Moïse. Des moments plutôt cocasses, comme ma découverte de la poutine de Port-au-Prince. Des moments de grand stress, comme lorsque l’ouragan Tomas a balayé le pays. Des moments de joie comme celui où mes collègues ont aidé une femme à mettre au monde son enfant dans leur voiture, sur la route de Jacmel. J’ai essayé, du mieux que j’ai pu, de vous faire partager, avec mes yeux de jeune Montréalaise, mon expérience en tant que travailleuse humanitaire pour la Croix-Rouge après un des désastres naturels les plus dévastateurs de l’histoire.

Cette année passée avec la Croix-Rouge a été pour moi une expérience incroyable qui a définitivement changé ma vie et il me faudra encore quelque temps pour digérer tout ce qui s’est passé depuis un an. Une chose est sûre, cette expérience m’a appris beaucoup de choses, notamment le courage des Haïtiens et leur immense capacité à surmonter les épreuves, la complexité d’aider les gens et le dévouement de ceux qui font ce travail. J’ai également réappris l’importance de ne pas juger, sans comprendre la réalité dans laquelle les gens vivent. C’est une chose que l’on oublie trop souvent. C’est une leçon de vie qu’Haïti m’a offerte, une leçon que je n’oublierai jamais.

Malgré un pincement au cœur, je suis heureuse de retourner chez moi, avec mon amoureux, mon chien, mon lit si confortable et ma machine à Espresso. Mais c’est le cœur lourd que je laisse Haïti. Malgré les imperfections, les gens font que ce pays vous colle à la peau. Il y a aussi toutes ces histoires d’espoir dont j’ai été témoin. Ces jeunes Haïtiens brillants qui veulent reconstruire un meilleur pays, pour eux et pour leurs enfants. Pour cette raison, je ne dis pas adieu, mais Orevwa Ayiti Cherie, comme on dit ici.

 

 

Port-au-Prince, 21 juillet 2011

De l’espoir pour Haïti

Y a-t-il de l’espoir pour Haïti? Voilà une question que l’on me pose régulièrement. Ma réponse? Bien sûr! Il n’y a pas une journée qui passe sans que je sois impressionnée par la force et le courage des Haïtiens ainsi que leur capacité à surmonter les épreuves.

Prenez Mackenson St-Louis, un jeune Haïtien dans la vingtaine que j’ai rencontré alors qu’il vivait toujours sous la tente. Depuis quelques mois, il a emménagé dans une maisonnette qui lui a été fournie par la Croix-Rouge. Et il a récemment décidé d’utiliser une partie de sa maison de dix-huit mètres carrés pour en faire un petit café internet. Il a d’abord séparé sa maison en deux par une bâche de plastique. D’un côté se trouve son lit et sa cuisinette, de l’autre côté il a installé des petits bureaux, quatre vieux ordinateurs, des chaises et il s’est fait installer une connexion à internet. Un investissement considérable pour ce jeune qui vient de sortir des camps de déplacés et un exemple parfait de ce que nous tentons de faire en Haïti. Ne pas seulement construire des maisons, mais bien permettre aux gens de reconstruire leur communauté.

haiti-2-21-juillet-2011.jpgMais comme trop souvent en Haïti, une épreuve n’attend pas l’autre. Mackenson a ouvert son café pendant quelques jours offrant un service aux gens de sa communauté à petit coût. «Plusieurs sont venus. La plupart pour garder contact avec leur famille et beaucoup pour chercher du boulot. Mais voilà que la génératrice nous a lâchés!» raconte le jeune homme. En Haïti l’électricité ne fonctionne que quelques heures par jours, en alternance par quartier et ce quand les fils ne sont pas endommagés. Mackenson a dû fermer temporairement son café internet.

Mais il ne baisse pas les bras. Il a bien l’intention de réparer se génératrice et rouvrir sa petite entreprise pour sa communauté. Surmonter les épreuves fait vraiment partie du quotidien, mais cette jeunesse haïtienne ne se laisse pas décourager par les embuches. Et cette génération, c’est l’espoir d’Haïti.

 

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Jacmel, 14 juillet 2011
Donner la vie, Haïti et ses petits miracles

La semaine dernière certaines collègues de la Croix-Rouge ont vécu une expérience incroyable. Ils ont aidé une femme à mettre au monde son enfant dans le coffre de leur véhicule. Je vous raconte.

Trois de mes collègues sont allés visiter une communauté juchée dans les montagnes, où la Croix-Rouge canadienne construit actuellement des maisons pour ceux qui ont tout perdu dans le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Sur le chemin du retour, des gens ont littéralement surgi sur la route pour demander de l’aide. Une femme était sur le point d’accoucher et ils n’avaient pas les moyens de l’amener à l’hôpital. Le seul moyen de transport à leur disposition était une moto! Il était alors inconcevable que Mirlande Oscagne, 27 ans, qui allait accoucher d’une minute à l’autre, prenne place sur la moto sur la route cahoteuse qui mène à Jacmel, et ce, pendant plus d’une heure.

Sans hésitation, mes collègues ont installé la jeune femme sur la banquette arrière de la voiture et ont repris leur route. Mais voilà qu’à peine quelques minutes plus tard, il n’était plus possible d’attendre: le bébé était prêt à voir le jour.

«Nous nous sommes arrêtés et j’ai aidé la femme à accoucher, explique Cyril Stein, coordonnateur des opérations pour la Croix-Rouge canadienne à Jacmel. J’ai ensuite dégagé les voies respiratoires du bébé, je l’ai nettoyé un peu et je l’ai déposé sur le ventre de sa mère. Nous avons ensuite continué notre route jusqu’à l’hôpital».

Cet évènement, complètement inattendu, nous rappelle pourquoi nous sommes ici!

 

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Photo: Sophie Chavanel 

Port-au-Prince, 7 juillet 2011

Je suis de retour en Haïti après plus d’un mois d’absence. Et comme à chaque fois que l’avion se pose sur la piste d’atterrissage de Port-au-Prince, j’ai l’estomac un peu noué et je me demande comment les choses ont progressé pendant mon absence. Au premier coup d’œil, l’aéroport est toujours aussi chaotique. Ça m’a fait sourire. Il faut enjamber les valises éparpillées aux quatre coins du plancher d’arrivée pour retrouver nos bagages. Par chance, la mienne m’a suivie cette fois. Ce qui m’a donné une autre bonne raison de sourire!

Alors est-ce que quelque chose a changé? À première vue, le même trafic intense paralyse les routes et nous devons éviter les mêmes nids de poule, si énormes qu’ils pourraient presque contenir une voiture entière. L’eau accumulée dans le bas de la ville indique qu’il a beaucoup plu récemment. Et pour cause, la saison des pluies vient de débuter. Les camps où vivent encore des centaines de milliers de personnes sont toujours en place. Évidemment, je ne m’attendais pas à ce que les gens soient tous sortis des camps en un mois. C’est triste, mais beaucoup vivaient dans des abris de fortune avant même le tremblement de terre et tout indique que des gens continueront à vivre dans les camps au cours des années à venir.

haiti-7-juillet2-400.jpgQuand je suis arrivée en Haïti il y a un an, j’ai remarqué certains édifices en ruines, certains abris, et tentes que je surveillais du coin de l’œil quand je passais devant. J’ai esquissé un autre sourire quand j’ai vu que les débris de l’immense édifice en ruine tout près de chez moi, ont tous été concassés et prêt à être ramassés pour en refaire des blocs de béton. Tous les jours, je voyais des hommes ramasser ces débris à la pelle et sous le soleil de plomb. Aujourd’hui, ils n’y sont plus. Un peu plus loin, j’ai remarqué que la tente d’une jeune mère et ses deux enfants que j’avais rencontrés lors d’une distribution d’aide de la Croix-Rouge pendant de la saison des ouragans, l’an dernier, n’y est plus. J’ai aussi décroché un sourire quand les gens qui vivent autour m’ont dit qu’elle avait finalement réussi à louer un petit appartement où elle a emménagé avec d’autres membres de sa famille.

Enfin, il y a maintenant des panneaux indiquant le nom des rues dans une partie de la ville qui n’en avait plus. Ça a l’air de rien comme ça, mais c’est beaucoup plus facile de donner des directions avec des noms de rues qu’en disant: tu sais la rue où il y a la grosse pierre en face de l’arbre! Ça aussi, ça m’a fait sourire!  

Photo: Sophie Chavanel

 

 

 

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Sophie rencontre les volontaires de la Croix-Rouge ivoirienne qui sont restés sur place durant toute la crise. Ils pourront souffler un peu maintenant que l’aide est en route. (Photo: Norbert Allale, Fédération internationale de la Croix-Rouge)

Abidjan, 9 juin 2010 

L’aide arrive en Côte d’Ivoire alors que je m’apprête à m’envoler pour la maison pour y passer quelques jours, avant de retourner en Haïti. Mais je pars en sachant que nous avons rempli notre mission et que l’aide est en route. Hier, nous étions tous extrêmement contents et soulagés d’apprendre qu’un premier bateau chargé de matériel d’aide d’urgence venait d’arriver au port d’Abidjan. À bord, des milliers de couvertures, des bâches, des trousses d’hygiène, des filets antimoustiques et des ustensiles de cuisine, seront distribués pour venir en aide aux familles qui commencent à rentrer chez eux, après avoir passé des semaines et des mois entre les camps de déplacés et la forêt.

Comme je quitte le pays dans les prochains jours, je ne verrai probablement pas ces énormes camions de la Croix-Rouge remplis de matériel d’urgence arriver dans les villages affectés. Ces camions qui redonnent de l’espoir aux Ivoiriens alors même qu’ils pensaient que tout le monde les avait oubliés et qu’ils étaient seuls au monde. Je ne verrai peut-être l’arrivée des camions, mais je sais que bientôt, les gens que j’ai rencontrés dans l’ouest de la Côte d’Ivoire pourront souffler un peu.

Au cours des prochaines semaines, je pendrai une pause d’écriture alors que je serai de retour à la maison où je dois faire des choses ennuyantes comme faire des boîtes et déménager. Quel contraste! Un jour je suis dans une région reculée de Côte d’Ivoire où je cherche un moyen d’acheminer du matériel pour venir en aide. Et le lendemain, je me retrouve chez Loblaws pour aller chercher des boîtes de carton!

Je vous retrouve à mon retour en Haïti à la fin du mois.

 

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Les volontaires de la Croix-Rouge ivoirienne fournissent de l’eau aux dizaines de milliers de réfugiés ivoiriens qui ont fui les violences. (Photo: Sophie Chavanel) 

 

Le courage au ventre et le coeur sur la main

Abidjan, Côte d’Ivoire, 2 juin 2011 

En Côte d’Ivoire, peu d’organisations se sont rendues dans les communautés affectées par les violences postélectorales en raison de la sécurité qui demeure précaire. Parmi celles présentes, il y a la Croix-Rouge ivoirienne dont les volontaires ont fait preuve d’un courage exceptionnel. J’ai rencontré des dizaines de volontaires qui, comme bien des Ivoiriens, ont eux aussi tout perdu. Malgré tout, ils ont enfilé ce qu’il restait de leur veste de la Croix-Rouge et se sont aussitôt mis au travail.

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(Photo: Sophie Chavanel)

Ces volontaires-là ne sont pas payés et depuis des mois, ils sillonnent les communautés affectées pour offrir les premiers soins, retirer les cadavres des puits, creuser des latrines et j’en passe. Le plus remarquable, c’est qu’ils font tout ça alors qu’ils n’ont même pas d’endroit pour dormir. J’ai rencontré douze volontaires qui tenaient le fort dans un des bureaux des comités locaux de la Croix-Rouge. Ils s’entassaient dans un bureau délabré et dormaient tous là, à même le sol. À mon arrivée, le front perlé de sueur en raison de leur dur travail sous le soleil de plomb, ils ont déposé leurs pelles et leurs brouettes et m’ont accueillie. Quand je leur ai demandé ce dont ils avaient besoin, ils ont mentionné des couvertures, des matelas, des médicaments pour la clinique mobile et quelques vestes pour remplacer celles qui ont été brûlées. C’est tout. Encore une fois, j’ai dû retenir mes larmes. Ces Ivoiriens font preuve de courage et leurs demandes sont si raisonnables alors qu’ils donnent tout ce qu’ils ont à ceux qui les entourent et qui souffrent. Ça m’a noué la gorge. Ces gens-là sont absolument exceptionnels. Ils ont le cœur sur la main, sont courageux et ils font des miracles avec presque rien.

 

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(Photo: Sophie Chavanel) 

Duékoué, Côte d’Ivoire, 26 mai 2011

Des villages fantômes

J’ai craint ne pouvoir vous écrire cette semaine. J’ai passé les derniers jours dans l’ouest de la Côte d’Ivoire et en raison des violences qui ont suivi les élections de décembre dernier, les communications sont extrêmement difficiles. Plusieurs antennes ont été détruites et les réseaux de communications ne cessent d’être rompus.

Au cours des derniers jours, mon équipe et moi sommes passées de village en village et d’un camp de déplacés à l’autre pour évaluer l’ampleur des besoins humanitaires. Ce que j’ai vu est surréel. Sur plus 100 kilomètres, des villages entiers sont presque entièrement déserts et des milliers de maisons ont été brûlées et pillées. Dans certains villages, les gens qui s’étaient réfugiés en forêt et dans les camps de déplacés des pays voisins depuis des mois ont timidement commencé à rentrer. Ce n’est qu’à ce moment qu’ils ont découvert que ce qui avait pris toute une vie à construire avait été détruit. On leur a tout pris, leurs meubles, leurs vêtements, leur vaisselle, même leurs semences pour la prochaine saison et on a ensuite mis le feu. C’est d’une cruauté sans nom. Comment peut-on faire ça à ces gens qui se battaient déjà tous les jours pour survivre?

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Dans le village de cet homme situé sur le flanc d’une montagne magnifique, sur les quelques centaines de maisons qui s’y trouvaient, il n’en reste pas plus qu’une trentaine, la sienne n’est pas parmi celles-là (Photo: Sophie Chavanel).

À chaque village où nous nous arrêtons, nous constatons l’ampleur du désastre. Les quelques âmes qui y sont restées sont visiblement soulagées de nous voir arriver. Ils nous serrent chaleureusement la main un à un et nous invitent à nous asseoir sur les quelques chaises et morceaux de bois qui restent. C’est important pour eux de bien nous recevoir. Certains d’entre eux nous ont même offert des fruits. Vous vous imaginez? Ils ont peine à se nourrir de quelques grains de manioc ou de riz et ils nous offrent un fruit. Je suis sans mot.

Il est important toutefois de souligner qu’ils ne sont pas restés là les bras croisés à attendre de l’aide. Ils se sont retroussé les manches ensemble et ont commencé à nettoyer malgré leurs petits moyens. Les quelques familles qui sont revenues se sont installées dans les maisons encore debout et partagent le sol pour dormir. Ils se sentent en sécurité comme ça. Dans plusieurs villages, les gens ont organisé des petits comités de crise et ont commencé à évaluer les dégâts. J’ai été estomaquée quand le chef d’un village m’a remis un cahier avec le nombre exact des gens qui étaient revenus dans dix villages de la région et le nombre de maisons et de puits détruits.

À chaque village où nous nous sommes arrêtés, nous avons écouté l’histoire d’hommes, de femmes, d’enfants qui ont tous vécu l’enfer et dont les souffrances sont loin d’être terminées. Nous leur avons demandé ce dont ils avaient besoin. Ils ont mentionné des bâches de plastique pour se protéger des intempéries alors que la saison des pluies s’amorce. Ils ont aussi besoin de nourriture et d’aide pour désinfecter les puits et des soins médicaux pour les membres de leur famille qui sont tombés malades après de longs mois dans la brousse et dans des camps de réfugiés. Ils ont tout perdu et ils en demandent si peu.

 

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Port-au-Prince, Montréal, Ottawa, Abidjan, 19 mai 2011

Lorsque j’ai décidé de joindre la Croix-Rouge il y a bientôt 10 mois, je savais que je m’apprêtais à changer de vie, mais je ne savais pas à quel point. Cette rubrique devait être consacrée à mon expérience en tant que travailleuse humanitaire en Haïti. Or, aujourd’hui, je suis en route vers Abidjan en Côte d’Ivoire, où je suis déployée d’urgence avec l’équipe d’évaluation et de coordination de la Croix-Rouge.

Les tensions postélectorales qui perdurent en Côte d’Ivoire ont poussé des centaines de milliers de personnes à fuir leur maison. Ces gens vivent maintenant dans des camps de fortune en Côte d’Ivoire ou ont trouvé refuge dans un des pays voisins et ils ont besoin d’assistance humanitaire. La première étape de mon déploiement est de me rendre le plus vite possible au bureau de la Croix-Rouge ivoirienne à Abidjan où je vais retrouver le reste de mon équipe.

Ma valise de déléguée de la Croix-Rouge remplie pour faire face à toute éventualité alors que je suis en route vers la Côte d’Ivoire. (Photo: Sophie Chavanel)

J’ai reçu l’alerte pour le déploiement jeudi alors que j’étais à Port-au-Prince. Vendredi je prenais l’avion pour Montréal. L’ambassade de la Côte d’Ivoire qui doit me donner mon visa étant fermée la fin de semaine, ça m’a permis de passer le week-end avec mon fiancé. Quelques heures si vites passées, mais tellement appréciées. Lundi à la première heure, j’étais à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Ottawa, et en après-midi on me remettait mon matériel et on m’administrait les vaccins nécessaires. Mardi je recevais mon visa et mercredi je prenais l’avion pour Abidjan en passant par Frankfurt et Dubaï.

Mes valises sont bien garnies et me permettront de parer à toutes éventualités: tente, sac de couchage, lampe de poche, téléphone satellite. Je sais que je vais rejoindre une équipe extrêmement professionnelle et compétente, mais je suis tout de même un peu nerveuse. La situation à laquelle je ferai face là-bas sera complètement différente de ce que j’ai connu en Haïti.

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Port de Port-au-Prince. (Photo: Sophie Chavanel)

 

Port-au-Prince, 12 mai 2011

Je reçois souvent des messages de gens qui me demandent d’aider un membre de leur famille ou un ami à Carrefour, Delmas ou Croix-des-Bouquets. Je reçois aussi des messages de gens qui veulent aider, tout simplement. Ils me contactent de Montréal, Québec ou Toronto et ils ont des vêtements, des livres ou des jouets. Ils veulent que je trouve un moyen de les acheminer aux gens qui en ont besoin.

Quand on y pense, l’équation est simple: il y a des gens qui ont besoin d’aide et des gens qui veulent aider, c’est facile non? La réalité en est tout autre. La façon dont la Croix-Rouge vient en aide aux gens est loin d’être aléatoire. Sa mission est de venir en aide aux personnes les plus vulnérables dans certaines communautés identifiées, et ce, en collaboration avec les centaines d’autres organisations qui travaillent en Haïti. Ces opérations d’aide impliquent l’évaluation des besoins des communautés, la construction des maisons, l’offre de soins médicaux d’urgence, la construction de toilettes et de points d’accès à l’eau et j’en passe. Tout ça, en plus de se préparer à agir en cas d’un autre désastre naturel, si fréquent en Haïti. Il ne serait pas efficace, par exemple, d’utiliser des ressources consacrées à la construction de maisons ou de centres de santé, pour distribuer des vêtements ou des chaussures usagés. C’est pour ces raisons que la Croix-Rouge, comme bien d’autres organisations humanitaires, est très ferme là-dessus et ne prend pas les dons en matériel.

En temps de crise, les gens veulent aider et c’est normal, mais envoyer du matériel n’est pas nécessairement le meilleur moyen d’aider. Ça peut paraître bête, mais le processus de douane est long et coûteux et ce n’est pas la meilleure utilisation des ressources possible. J’ai une amie à qui on a offert des dizaines de boîtes de chaussures en provenance du Canada, pour donner aux enfants dans des orphelinats. Elle a passé des journées entières aux douanes pour récupérer ses boîtes et ça lui a coûté plusieurs centaines de dollars. Presque plus cher que le prix des chaussures elles-mêmes.

Moi-même, à chaque fois que je me rends au Canada, je ramène une valise vide que je remplis de tout ce que je crois utile: jouets, vêtements, savons, serviettes, etc. Je me charge personnellement de rassembler le matériel, de le transporter dans l’avion et de le distribuer aux personnes à qui ça peut être utile en Haïti. Mais je le fais, une valise à la fois. Parce qu’à grande échelle, ce n’est pas possible.

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(Photo: Sophie Chavanel)

 

Port-au-Prince, 5 mai 2011

De la couleur pour les femmes des camps de Port-au-Prince

L’autre jour, mon amie Nathalie m’a contactée avec une idée. Elle voulait offrir quelque chose aux les femmes d’Haïti. Quelque chose pour leur changer les idées de leurs préoccupations quotidiennes et mettre un peu de couleur dans leur vie. Nous avons donc entrepris d’offrir, à quelques centaines de femmes, une trousse de maquillage.

J’entends déjà certains d’entre vous s’opposer et me dire que les gens ont besoin de nourriture et d’eau et pas de maquillage. Sachez qu’avant de nous lancer dans le projet, nous avons considéré cet argument. Or, je vous précise tout de suite qu’il s’agit là d’une initiative personnelle qui n’a rien à voir avec la Croix-Rouge ou aucune autre organisation humanitaire et que même si on le voulait, on ne serait pas en mesure à nous seules de faire venir assez de nourriture ou d’eau pour les centaines de milliers de personnes qui vivent dans les camps de déplacés en Haïti et même si le on pouvait, ça ne serait ni bénéfique pour l’économie locale, ni durable. Aussi, je vous rappelle qu’entre autres, la Croix-Rouge livre près de deux millions de litres d’eau chaque jour dans les camps et que le programme alimentaire mondial (PAM) fournit de la nourriture à un million d’enfants. Des distributions qui sont faites de façon extrêmement professionnelle en considérant l’impact sur le marché local et autres aspects qu’il faut prendre en compte dans ce genre d’intervention. Ceci précisé, voici la suite de ma chronique!

Nathalie et moi avons lancé l’idée à plusieurs compagnies de cosmétiques du Québec avec l’aide du magazine Elle Québec. Le groupe Marcelle-Anabelle et Nacara ont répondu à l’appel. Les deux entreprises ont été extrêmement généreuses et nous ont fait parvenir deux immenses valises remplies de fards à joues, rouges à lèvres, démaquillants, exfoliants pour la peau et autres produits cosmétiques. Je dois dire qu’en tant que consommatrice de ces produits, Nathalie et moi avons été extrêmement touchées par le choix et la qualité des produits envoyés.

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(Photo: Sophie Chavanel)

Au cours des dernières semaines, Nathalie et moi nous sommes donc rendues dans deux camps de Port-au-Prince et dans certains quartiers de Jacmel où nous avons fait la distribution des produits et maquillé une dizaine de femmes. Difficile de décrire les sourires de joie qui se sont dessinés sur le visage de certaines d’entre elles: « Ce n’est pas parce que nous vivons dans un camp que nous ne sommes pas fières et que nous n’avons pas envie d’être jolies nous aussi, » nous a dit une des femmes que nous avons rencontrées. Ce n’est en rien la solution à la misère qui règne dans ce pays extrêmement pauvre, mais ça a permis à quelques centaines de femmes, ne serait-ce que pendant quelques minutes, de mettre de côté leurs préoccupations quotidiennes pour prendre soin d’elles.

À VOIR: la session de maquillage en photos

 

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(Photo: Sophie Chavanel)

 

Port-au-Prince, 28 avril 2011

La semaine dernière, j’ai été invitée par les Nations Unies à un entraînement pour une meilleure coordination entre les organisations civiles et militaires en cas d’urgence. C’était la première fois qu’un tel entraînement était organisé en terrain d’opération. Au total, 39 représentants de différentes agences des Nations Unies, de la MINUSTAH (militaires et policiers), de la Croix-Rouge et d’autres organisations humanitaires se sont retrouvés dans la même salle. Pour vous donner une idée, il y avait à ma table un policier de l’Ontario, un Français de la Commission européenne pour l’aide humanitaire et la protection civile, un colonel brésilien, une Anglaise de Concern Worlwide et un lieutenant-colonel philippin.

Dès le début de l’entraînement, les différences de culture organisationnelle sautaient aux yeux. Certains travailleurs humanitaires sont arrivés en retard, alors que les militaires étaient prêts à commencer à l’heure. Les téléphones des travailleurs humanitaires ont souvent sonné, alors que ceux des militaires étaient en mode silencieux. Les militaires levaient la main avant de parler, alors que les travailleurs humanitaires, pas tout le temps ! Tout ça est un peu cliché, du côté humanitaire comme du côté militaire, je l’admets, mais c’est quand même un reflet de réalités bien différentes.

haiti2-28-avril-400.jpgApprendre à se comprendre

Le but de la formation était de mieux connaître le mandat et la mission de chaque organisation et d’identifier les points communs pour mieux coordonner nos actions et ainsi être plus efficaces pour venir en aide aux personnes qui en ont besoin. Nous n’étions plus dans les différences organisationnelles, mais au cœur même des principes et des mandats de nos différentes organisations. Cela a évidemment donné lieu à quelques discussions très animées. Des représentants des organisations humanitaires s’interrogeaient sur le fait que les militaires fassent des projets de reconstruction et des militaires s’interrogeaient sur le fait que les humanitaires ne se coordonnent pas toujours avec l’armée et se mettent ainsi parfois en danger.

En fait, la Croix-Rouge, tout comme Médecins Sans Frontières, a une règle claire qui stipule qu’aucune arme ne peut être portée dans les endroits où nous travaillons. C’est pourquoi la Croix-Rouge, contrairement à d’autres organisations, ne fait pas appel à la MINUSTAH pour effectuer ses distributions d’aide. Ce principe peut paraître rigide pour les militaires qui ont le mandat d’assurer la sécurité, mais il est inflexible pour la Croix-Rouge. C’est grâce entre autres à ce principe que la Croix-Rouge peut intervenir partout dans le monde. Cela n’exclut pas que la Croix-Rouge puisse faire appel aux forces armées, mais seulement en dernier recours. Par exemple, si une région est inaccessible autrement, la Croix-Rouge peut demander l’aide de l’armée pour livrer de l’aide et venir en aide aux populations touchées.

D’où l’importance de ces rencontres qui permettent autant aux travailleurs humanitaires qu’aux militaires d’expliquer le rôle de leur organisation et de comprendre celui des autres pour ainsi mieux coordonner les actions sur le terrain.

 

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Port-au-Prince, 21 avril 2011

Cette semaine ma chronique sera brève. Je veux seulement vous donner des nouvelles de Bertha, cette jeune fille qui travaille avec la Croix-Rouge en tant que traductrice en langage des signes et qui rêve de devenir médecin. (Voir chronique du 24 janvier: Bertha un petit bout de femme plein d’espoir.) Et bien, son histoire a été publiée dans le Vanity Fair! Je suis passée la voir cette semaine et c’est en arborant son charmant sourire qu’elle m’a montré le magazine. Un article de quatre pages sur son parcours depuis le tremblement de terre, son travail avec la Croix-Rouge pour aider sa communauté et ses aspirations en tant qu’adolescente en Haïti aujourd’hui. Le tout illustré avec des magnifiques photos d’elle sur les bancs d’école.

Évidemment, être dans le Vanity Fair ne change pas le fait qu’elle vienne d’un milieu pauvre, qu’elle subisse de la discrimination parce que ses parents son sourds-muets ou qu’elle soit née dans un pays où les perspectives d’avenir pour les jeunes sont limitées, mais, je souhaite tellement que son histoire inspire d’autres jeunes filles, pas seulement en Haïti, mais partout dans le monde, grâce à son courage, sa générosité et son optimisme. Je vous parlais d’une histoire d’espoir en Haïti, Bertha est l’exemple parfait d’une jeunesse qui vise un avenir meilleur et qui a l’intention d’en faire bénéficier le plus de gens possible. 

(Photo: Sophie Chavanel) 

 

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(Photo: Sophie Chavanel) 

 

Port-au-Prince, 14 avril 2011

Rien n’est simple en Haïti.

Mon travail est de rapporter et d’expliquer ce que la Croix-Rouge fait en Haïti pour venir en aide aux victimes du tremblement de terre, grâce à vos dons. La Croix-Rouge, la plus grande organisation humanitaire de la planète, est engagée à faire preuve de transparence dans l’utilisation des dons versés et c’est précisément pour ça que je suis là. Ce que je trouve le plus difficile ce n’est pas de rapporter le nombre de personnes blessées que nous avons traitées, le nombre de victimes du choléra que nous avons soignées, le nombre de familles qui ont de nouveau un toit solide au dessus de leur tête pour faire face aux intempéries et accès à une toilettes et à de l’eau potable ou le fait que des communautés sont mieux préparées pout faire face aux désastres dans le futur. Ce qui est difficile, c’est d’expliquer à quel point c’est complexe d’intervenir en Haïti, surtout à des gens qui n’y ont jamais mis les pieds. La réalité c’est que rien n’est simple en Haïti.

La simple action d’acheter quelque chose est un casse-tête pas possible. Je vous explique. En Haïti, tous les prix sont en dollars haïtiens et il faut huit dollars haïtiens pour un dollar américain mais les dollars haïtiens n’existent pas. Les devises utilisées en Haïti sont les dollars américains et les gourdes et il faut 40 gourdes pour un dollar américain. Toutefois, si vous payez en dollars US, on vous remet la monnaie en gourde. Or, je le rappelle, tous les prix sont en dollars haïtiens et je le souligne une deuxième fois, cette monnaie n’existe pas. Vous me suivez jusque là? J’espère parce que c’est maintenant que ça se complique.

Disons que je veux acheter un avocat au marché, la vendeuse me demandera dix dollars. À chaque fois je sursaute, mais doit me rappeler qu’il s’agit de dollars haïtiens. Donc dix dollars haïtiens, ce qui est beaucoup plus cher que ce que les Haïtiens paieraient pour le même avocat mais disons que ça me va et que je suis contente de faire rouler l’économie. Donc, ça commence. Je compte: 10$ haïtiens divisés par huit égal 1,25 $US. J’oubliais de préciser que l’on peut utiliser l’argent américain partout mais seulement les billets, pas la monnaie. Aussi, les billets ne doivent pas avoir de déchirure, même pas une toute petite de rien du tout, sinon les gens refusent le billet. Donc, disons que ce jour là, je n’ai pas de billets de un dollar dans les poches, ni de petites coupures en gourdes, je paye donc avec un billet de cinq dollars US. Donc cinq dollars US moins 1,25$US égal 3,75$US, multiplié par 40 ou 38 (taux de change en gourdes) selon l’humeur de la personne qui me vend l’avocat au sujet du taux de change du jour, ça fait 150 ou 142 gourdes de monnaie. Évidemment, les gens n’ont pas toujours la monnaie exacte alors on arrondit, théoriquement, il me reviendrait 150 ou 140 gourdes de monnaie. Mon avocat vient de me coûter 1,50$US donc, à peu près le même prix sinon plus cher que ce que ça me coûte à l’épicerie au Canada où on importe les avocats, mal de tête en plus après tous ces calculs.

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Acheter, négocier, transporter, assembler les tonnes de matériaux pour la construction d’abris en Haïti est une opération colossale qui nécessite des experts logistiques et des finances extrêmement compétents et créatifs. (Photo: Sophie Chavanel)

Évidemment, l’exemple est simple, il ne s’agit que d’un seul avocat. Imaginez ce que ça représente quand il s’agit de dédouaner du matériel arrivé par bateau au port ou d’acheter des tonnes de matériaux pour reconstruire les dizaines de milliers de maisons endommagées ou détruites pas le tremblement de terre. Les experts des finances et de la logistique de la Croix-Rouge ont l’immense responsabilité de s’assurer que l’argent donnée par les Canadiens est dépensée le plus intelligemment possible et que le plus d’argent possible se rende aux personnes qui ont besoin, tout ça dans un contexte tellement complexe et imprécis comme celui d’Haïti. Vraiment, rien n’est simple en Haïti.

 

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Maisonnettes de la Croix-Rouge à Port-au-Prince (Photo: Sophie Chavanel)

 

Port-au-Prince, 7 avril 2011

Cette semaine je vous dévoile une histoire qui m’a particulièrement touchée, une histoire d’espoir en Haïti. C’est celle de Pierre Geovang, 28 ans et sourd-muet.

haiti-7-avril-pierre-400.jpgLe 12 janvier 2010: la maison que Pierre louait avec sa femme est fortement endommagée par le tremblement de terre. Comme bien des Haïtiens, Pierre venait tout juste de payer le loyer pour l’année suivante. (Il est estimé que 70 à 80% des Haitiens sont locataires et ici, les gens paient le loyer un an à l’avance et non pas chaque mois). Pierre n’avait donc plus d’argent pour payer un autre loyer et le propriétaire n’a pas réparé la maison. Pierre est allé vivre sous une tente.

Août 2010: Pierre trouve un emploi avec la Croix-Rouge pour construire des abris dans sa communauté. Il devient très vite très agile et prend rapidement de l’assurance. Il devient chef d’équipe.

Janvier 2011: Pierre emménage dans sa propre maisonnette avec sa femme. Cette maison, lui appartient et il l’a construite lui-même. Dans sa communauté, environ 1800 personnes sont relocalisées dans des abris construits par Pierre et les dizaines d’équipes de construction d’abris de la Croix-Rouge.

Mars 2011: Aujourd’hui, Pierre a son propre atelier adjacent à son abri où il construit des meubles pour les gens de sa communauté. Il a appris un métier et a maintenant un source de revenu qui lui permet de subvenir aux besoin de sa famille.

Pour ceux qui sont attentifs, la semaine dernière je vous disais que j’allais vous parler de la visite d’une grande dame du Québec. La visite a été remise en raison d’un nouveau délais dans le dévoilement des résultats des élections. Mais ce n’est que partie remise.

Photo: Sophie Chavanel

 

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De la poutine à Port-au-Prince (Photo: Nathalie Angibeau)

Port-au-Prince, 31 mars 2011

Attention, lectrices et lecteurs! Je préfère vous prévenir, le sujet de cette semaine n’a rien à voir avec mon travail avec la Croix-Rouge en Haïti. Cette semaine je vous parle de la poutine de Port-au-Prince. Je sais, je sais, il y a beaucoup de sujets très importants à aborder et la situation continue d’être difficile pour bien des gens. N’allez pas croire que je prends la situation à la légère, bien au contraire. Mais, cette semaine, j’ai envie d’être un peu cabotine. Je vous promets que dès la semaine prochaine je reviens à des choses plus sérieuses. D’ailleurs, je peux déjà vous dire que je vous parlerai de la visite d’une grande dame du Québec.

Pour en revenir à ma poutine, vous rendez-vous compte que ça fait sept mois que je suis ici et que je viens tout juste d’apprendre qu’il y a de la poutine à Port-au-Prince? Oui, oui! De la vraie poutine. Ce n’est pas que je sois une grande fan de cette fierté culinaire québécoise, mais, tout de même, de la poutine à Port-au-Prince! Ce qui est le plus gênant dans cette histoire, c’est que c’est ma collègue qui est venue me remplacer pendant trois semaines qui l’a découverte.

À bien y penser, ce n’est pas si invraisemblable que ça de retrouver de la poutine en Haïti. Il y a cette forte connexion entre le Québec et Haïti. Le Québec doit à Haïti plusieurs artistes, écrivains, intellectuels et politiciens. Pas étonnant que les Québécois aient été si généreux pour supporter cette immense réponse humanitaire, la plus importante de l’histoire de la Croix-Rouge dans un seul pays. Ça se traduit également ici. Il y a un nombre étonnant de Québécois qui travaillent pour différentes organisations en Haïti et certains s’y établissent pour de bon. C’est le cas du propriétaire de ce restaurant qui a installé ses pénates à Port-au-Prince et qui sert de la poutine sans le dire à personne! Enfin, pas à moi!

Finalement, mon verdict? Il fallait s’y attendre, c’était loin d’être la poutine de la maison, surtout pour une poutine à 10$. Mais ça les valait bien pour le petit divertissement!

À la semaine prochaine!

 

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