Trente ans. La native de Port-Cartier, qui a fait sa marque à TVA avec Deux filles le matin, qu’on a vue dans Juste pour rire en direct, Star système et Sucré salé, a mis au moins 30 ans avant de réaliser son rêve: chanter.

En octobre dernier, elle lançait à Montréal S’il n’y avait pas toi, un premier album très jazzy, un brin country, ouvertement rétro et doucement enveloppant. «C’est dans la tête de la petite Julie de Port-Cartier que tout a commencé, c’est là que les premières graines du disque ont germé», confie la Julie d’aujourd’hui. Ses joues rosissent de plaisir, elle s’excite à la pensée qu’elle l’a fait, qu’elle y est arrivée, enfin.

Enfant, elle chantait souvent en public, adorait la musique. Elle se voyait déjà à la Place des Arts, acclamée, tout comme les vedettes qu’elle voyait dans les galas glamour à la télé. Mais une opération aux amygdales a tout changé. «Ma voix est devenue plus grave, et j’ai pensé que ce n’était pas beau. À partir de ce moment-là, je n’ai plus chanté que pour moi toute seule, en secret. Et comme, en plus, je n’ai jamais étudié le chant ni la musique, je ne m’autorisais pas à me produire en public.»

Le soir du lancement, son fiancé, Ken Shuglo, un gars de Port-Cartier qu’elle a connu enfant, qu’elle a retrouvé par hasard à Montréal et dont elle est tombée amoureuse il y a cinq ans, était près d’elle, évidemment. Ce mécanicien industriel, musicien et chanteur à ses heures interprète avec elle sur l’album une chanson d’amour qu’ils ont composée ensemble.

«Si ce projet existe, note Julie Bélanger à l’intention de son chum dans ses remerciements à la fin du livret, c’est parce que tu es dans ma vie. Ton amour ne me donne pas que des ailes, il me donne aussi le souffle, le spring qu’il faut pour voler encore plus haut!»

 

À la fête ce soir-là, il y avait des amis, des curieux, des journalistes, mais aussi ses parents, qui étaient venus expressément de la Côte-Nord pour l’occasion. «Ils étaient tellement émus», glisse-t-elle, les yeux pleins d’eau. Elle parle de son père en particulier, travailleur minier mais musicien dans l’âme, qu’elle a toujours entendu jouer de la guitare dans le nid familial. «Je savais qu’il allait triper. Je me sentais comme une petite fille qui veut montrer les résultats de son examen!»

La révélation

Une petite fille rêveuse, mais très à son affaire. Studieuse, sérieuse. Soucieuse de bien faire, et compétitive à l’extrême. C’est ainsi qu’elle se revoit enfant: «Il fallait que j’aie de bonnes notes. Être la deuxième au tableau d’honneur ne me suffisait pas. J’exigeais beaucoup de moi-même. J’ai toujours été perfectionniste; j’essaie de guérir, mais c’est difficile…»

Après un DEC en sciences humaines avec maths, elle s’est dirigée vers l’enseignement préscolaire. Mais dès sa première journée à l’Université de Rimouski, elle s’est rendu compte qu’elle s’était trompée de branche. «Quand la directrice du programme, devant les quelque 300 étudiants rassemblés, a dit quelque chose comme: "Ce qui vous unit, c’est votre passion, votre dévouement pour les enfants", j’ai tout de suite compris que ça n’avait rien à voir avec moi. Mais je n’avais encore aucune idée de ce que je voulais vraiment. Par la suite, j’ai réalisé que ce qui m’avait attirée dans l’enseignement, c’était la communication. Je ne savais juste pas qu’on pouvait en faire un métier.»

Après son année universitaire, elle est retournée habiter chez ses parents et s’est trouvé un job d’été comme relationniste dans une salle de spectacle du coin. Ç’a été la révélation. En septembre, elle est partie à Québec, où elle a passé son bac en relations publiques. «Je n’ai jamais travaillé dans ce domaine-là, finalement!»

À cette époque, quelqu’un lui a dit qu’elle avait une belle voix et qu’elle devrait tenter sa chance à la radio. Elle a alors fait ses premiers pas dans une radio communautaire de la Vieille Capitale et s’est faufilée jusque dans les stations privées. Puis TQS lui a offert sa chance à la télé.

En 2002, avec son chum de l’époque, elle s’est jetée à l’eau: elle a débarqué à Montréal, sans contrat, anonyme. Tout était à recommencer. C’est l’animateur radio Paul Arcand qui lui a permis de devenir chroniqueuse culturelle. Quand l’équipe de l’émission de télé Sucré salé lui a offert un remplacement de huit semaines, elle a sauté sur l’occasion, sans savoir ce qui l’attendait au bout. Puis, il y a eu une ouverture à la chronique culturelle du TVA 17heures, l’émission quotidienne animée par Pierre Bruneau et Claude Charron.

Tout a fini par s’enchaîner: elle est devenue chroniqueuse, puis coanimatrice à Deux filles le matin. C’était grisant, mais fatigant, stressant. «Cette émission-là demande tellement de préparation! Si on reçoit un auteur, il faut tout de même avoir lu son livre; si on reçoit un réalisateur, il faut avoir visionné ses films. Je travaillais six jours sur sept. Quand je suis sortie de là en 2008, il était vraiment temps.»

Soif d’authenticité

Julie Bélanger confie qu’à ce moment-là, elle a frôlé le burnout. «Je me sentais épuisée, je ne me reconnaissais plus, j’étais brûlée.» Elle avait besoin d’aide. Elle ne s’en cache pas, elle a suivi une thérapie. Puis il y a eu une offre de Rythme FM. «La radio, c’est un cocon. J’adore ça. Je travaille toute seule, je fais les recherches, la mise en ondes, mais je n’ai pas besoin de me casser la tête: je présente des pièces musicales, et je suis essentiellement moi-même. C’est très honnête, authentique.»

Authenticité. C’est son mot préféré, sa valeur suprême. «Quand je rencontre quelqu’un et que je sais qu’il est vrai, je ne suis pas obligée de me méfier. Je sens que ça vient du coeur et ça me touche; je me reconnais.»

Après l’aventure de Deux filles le matin, elle est retombée dans ses souliers. Elle est devenue la femme qu’elle n’avait jamais été. «J’ai redécouvert l’amitié, sur laquelle j’avais fait une croix à cause de blessures anciennes. J’ai compris que j’avais besoin des autres, besoin d’amis, d’un amoureux avec qui je suis bien. Je me suis aussi rendu compte que j’adorais cuisiner, faire plaisir à ceux que j’aime, prendre soin d’eux, alors que dans la vingtaine, je n’avais mis l’accent que sur le travail. C’était ma carrière qui passait en premier.»

Par la même occasion, elle a décidé de passer à l’action, de réaliser enfin son rêve. Depuis le temps qu’elle chantait en cachette, enregistrait sur un dictaphone des mélodies de son cru, notait dans son journal intime ses impressions, ses déceptions, ses aspirations… Elle s’est trouvé un «complice »: le musicien et directeur musical David Laflèche, avec qui elle a concocté son album. Et elle pourrait bien, qui sait, remettre ça: «J’ai plein d’autres mélodies dans la tête et j’ai encore bien des choses à dire…»

Julie et Les chefs!

Étiez-vous du nombre? La première saison de l’émission Les chefs!, diffusée l’été dernier à Radio-Canada, a atteint des cotes d’écoute de plus d’un million de téléspectateurs. «On ne pouvait pas prévoir un tel succès!» s’exclame l’animatrice de cette téléréalité où des apprentis chefs, sous l’oeil attentif de Daniel Vézina et d’un jury spécialisé, rivalisaient de talent et d’imagination devant les caméras. Julie Bélanger elle-même n’aurait jamais cru se retrouver un jour aux commandes d’une émission culinaire. «Je suis loin d’être une pro dans ce domaine, je n’ai aucune technique. Mais on m’a justement choisie pour être l’oeil du public. Et j’ai beaucoup appris.» Parions que l’émission sera de retour l’an prochain…

 

Ce qu’on ne sait pas d’elle

La personne qui l’a le plus influencée «Ma mère. Elle était femme au foyer. Dans tous mes souvenirs, elle est là, à chaque étape. Elle m’aidait. Encore aujourd’hui, j’ai besoin de l’appeler, ne serait-ce que pour lui raconter ma journée. Elle a inspiré celle que je suis maintenant.»

Sa série-culte «Tout sur moi. Je n’ai jamais le temps de la regarder pendant la saison, alors j’attends que le coffret paraisse pour voir les épisodes en rafale. J’aime l’authenticité des personnages, je les sens tellement vrais. Ils n’ont pas peur d’avoir l’air niaiseux et de faire des conneries à l’écran. J’aimerais donc ça être leur amie!»

Son livre de chevet actuel «Sors de ce corps, William, de l’auteur allemand David Safier, que j’avais découvert avec Maudit karma

Le petit rituel quotidien dont elle ne peut se passer «J’en ai plusieurs. La routine me sécurise. Ce que je fais en me réveillant, c’est me blottir dans les bras de mon chum. En me levant, il me faut mon café. Et puis, il y a les petites phrases que j’ai puisées un peu partout et que j’ai gardées sur des bouts de papier. Elles sont près de mon ordinateur, et je les lis avant de commencer à travailler: elles m’inspirent, me font du bien.»

Ce qu’elle n’oserait jamais exprimer en public «Mon côté non verni, rough. En société, je fais attention, j’essaie de bien m’exprimer, mais remets-moi à la maison, sur la Côte-Nord, avec juste du monde que j’aime, et ça ressort. On pourrait appeler ça mon côté "campagne" ou mes racines: quand je suis à l’aise et en confiance, je suis du genre à rire gras et à me taper sur les cuisses.»

Un plaisir coupable «Les frites. Quand je ne vais pas bien, que je suis fatiguée, il faut que je me garde à l’oeil, parce que ça se traduit très souvent par une rage de frites.»

Un défaut «Des fois, je manque de tact, de diplomatie. Je suis très émotive, donc impulsive. Parfois, je réagis tout croche. La personne en face de moi peut se sentir blessée, alors que ce n’était pas du tout mon intention. Ça arrive souvent avec les gens que j’aime…»

Une qualité «Je suis persévérante. Quand j’ai un projet en tête, je suis prête à tout pour le concrétiser. Si je sens que c’est la bonne chose à faire pour moi, les sacrifices et les efforts m’importent peu, je vais jusqu’au bout.»

Une peur «Je crains de voir les membres de mon entourage mourir. Je sais que nous sommes tous mortels, mais quand je pense que ceux que j’aime pourraient partir avant moi, je capote.»

Un talent qu’elle n’a pas «Je suis nulle dans tout ce qui a rapport aux chiffres, à la paperasse. J’haïs ça et je n’y comprends rien. Heureusement, j’ai un bon comptable…»

Avoir des enfants un jour? «Oui. Mais j’ai vu tellement de filles être obsédées à l’idée d’avoir un bébé à tout prix. On verra…»

Comment elle se voit vieillir «Un jour, il y aura une animatrice plus belle, plus jeune, pour prendre ma place. C’est troublant: j’aime tellement ce métier… Mais peut-être qu’à ce moment-là j’écrirai des "tounes" dans ma maison au bord de l’eau. Voilà ce que j’imagine: je compose des chansons, j’ai des enfants, et mon chum est là.»

Quand elle ne s’occupe pas de son boulot, elle fait quoi? «Pas grand-chose. Je suis bonne pour ne rien faire. Autant je travaille fort, autant ensuite je tire la "plogue". Un moment de bonheur, pour moi? Je lis un bon livre, le feu de foyer est allumé, ça sent la bouffe dans la maison et mon chum est à côté ou il va bientôt rentrer…»

Une cause qui lui tient à coeur «Le Mois des câlins de Sainte-Justine, qui a lieu chaque année en février depuis 2007. Rythme FM participe à cette cause, et ç’a été tout naturel pour moi de faire ma part. Ce sera ma troisième année à titre de fée Câline.

«Il est impossible de rester insensible aux enfants malades, surtout après avoir vu leurs sourires, malgré les épreuves qu’ils traversent. Les gens peuvent contribuer à la cause en achetant un gloss Clarins dans une des pharmacies Jean Coutu du Québec. Pour chaque gloss vendu au prix de 20 $, la moitié sera remise à la Fondation Sainte-Justine. Une façon de joindre l’utile à l’agréable!»

 

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