Après la mort de leur père, un frère et une soeur cherchent à comprendre qui était vraiment l’homme derrière la figure paternelle. Ils scrutent notamment les carnets du défunt. Un livre très beau et très touchant que ce quatrième roman signé Siri Hustvedt. Avec pour toile de fond les événements du 11 septembre, l’écrivaine américaine d’origine norvégienne fouille les traces laissées par les traumatismes collectifs et individuels qui marquent nos vies. Dédié à Sophie Hustvedt Auster, la fille qu’a eue l’auteure de 53 ans avec le célèbre romancier new-yorkais Paul Auster, Élégie pour un Américain (Actes Sud/Leméac) explore aussi l’importance de la transmission des valeurs d’une génération à l’autre.

Vous reproduisez dans votre roman des extraits des mémoires écrits par votre propre père, mort en 2003. C’est à lui que vous avez voulu rendre hommage en écrivant Élégie pour un Américain?
Oui, ce livre est en partie un hommage à mon père. Pour moi, c’était aussi une façon d’explorer certains aspects hautement émotifs de son existence, qui ont fait de lui l’homme qu’il était. Même si, dans mon livre, Lars Davidsen est un personnage fictif et que plusieurs de ses histoires sont inventées, il est né de mon père. Et, en utilisant les propres textes de ce dernier, j’ai trouvé une manière de maintenir en vie une partie de lui-même: ses mots.

Photo: Marion Ettlinger

 

Comme c’était le cas dans votre roman précédent, Tout ce que j’aimais, le narrateur est un homme. Pourquoi? Auriez-vous aimé, comme la soeur du narrateur, Inga, être un homme?

J’ai du plaisir à me mettre dans la peau d’un homme parce que la perspective masculine confère plus d’autorité. Les femmes sont moins prises au sérieux que les hommes juste à cause de leur sexe. Alors le désir d’être un homme peut surgir, comme c’est le cas pour le personnage d’Inga. Dans mon cas, le fait d’être une femme comporte un grand avantage, bien sûr. J’ai adoré devenir mère, et je ne peux pas imaginer ma vie sans cette grande aventure.

Inga a été mariée à un auteur célèbre. Elle a souffert de vivre dans l’ombre de son mari, alors qu’elle est elle-même auteure. Peut-on faire un rapprochement entre ce personnage et vous?

Si je n’avais pas été personnellement, comme Inga, mariée à un auteur célèbre, je n’aurais sans doute pas été capable d’écrire avec autant d’intimité sur cette expérience. Mais le mari d’Inga est vraiment très différent de mon époux, qui, au contraire, est calme, gentil, et se fâche rarement. Donc, l’histoire d’Inga n’est pas la mienne, même si j’utilise des traits de ma propre personnalité et de ma physiologie pour la décrire – ses migraines, sa passion pour l’écriture, sa sensibilité et son imagination très développée.