S’ENVOYER EN L’AIR 

LE VOYAGE D’HIVER
Amélie Nothomb (Albin Michel)

Un terroriste kamikaze s’apprête à faire sauter un Boeing 747 dans le ciel de Paris. Après les tours jumelles de New York, la tour Eiffel? Mais lui n’appartient à aucun réseau organisé. Il a tout prévu, tout préparé. Il n’attend que l’heure du décollage, et tue le temps en griffonnant son histoire dans un cahier. Un cahier qu’il veut faire exploser avec lui et tous les passagers. Mais qui nous est donné à lire. Que s’est-il vraiment passé au juste? Peu importe. C’est d’une histoire d’amour vouée à l’échec qu’il s’agit, d’un flop sexuel à cause d’une écrivaine malade mentale. Le 19e roman d’Amélie Nothomb est complètement sauté. Moins convaincant que Ni d’Ève ni d’Adam, paru il y a deux ans, d’accord. À l’esprit plus étriqué que l’inégalé Stupeur et tremblements, assurément. Mais on a dévoré cette curiosité où l’amour fait boum.

 

vera-candida3.jpgREVENIR EN ARRIÈRE 

 

CE QUE JE SAIS DE VERA CANDIDA
Véronique Ovaldé (Éditions de l’Olivier)

Traiter de choses graves avec une certaine légèreté, c’est une des particularités de cette romancière, née en 1972, qu’on a comparée à Boris Vian à la parution de son livre précédent, Et mon coeur transparent. Pour sa façon de gratter le bobo sans en avoir l’air, de laisser libre cours à son imagination sans jamais perdre de vue son sujet. Ici, le sujet, c’est Vera Candida. Une femme qui va mourir et qui le sait. Qui retourne sur les lieux de son enfance, quelque part en Amérique du Sud. Et qui remonte le fil de son ascendance, une ascendance de filles sans père. Il s’agit d’un roman de la fuite, d’un roman des origines. C’est aussi un grand roman d’amour. Il faut lire cette fresque rocambolesque écrite au ras des mots, à fleur de peau.

Lire la suite: le dernier roman de Dany Laferrière

roman-ete.jpgAIMER OU NE PAS AIMER 

LE ROMAN DE L’ÉTÉ

Nicolas Fargues (P.O.L)

Écorcher délicatement ses semblables est la spécialité de Nicolas Fargues, dit-on. Ce qui se vérifie encore une fois dans le septième roman de cet auteur, né lui aussi en 1972. Satire, dérision, ironie: c’est le ton. Au centre du roman, un homme de 54 ans, en plein vide existentiel. Ex-cadre d’une compagnie d’assurances, il veut devenir écrivain… mais n’y arrive pas. Il n’arrive pas non plus à avoir une vraie relation avec sa fille, ni avec personne autour de lui, à vrai dire. Il est toujours déphasé et va de désillusion en désenchantement. Par rapport à l’amour principalement. Ainsi, peut-on lire: «C’était donc ça, l’amour? Aimer par amour de soi?» Et encore: «Ce n’est pas tant une personne qu’on aime que l’idée même de l’amour.» Le pire, c’est qu’on rit. Jaune.

 

dany-laferriere.jpgOn a adoré:

L’ÉNIGME DU RETOUR
Dany Laferrière (Boréal)

 

L’histoire Celle de l’auteur, alors qu’il retourne à Haïti, sur les traces de son père mort. Ce père qu’il n’a pas connu, ou si peu. Qui a dû fuir la dictature et a passé la plus grande partie de sa vie en exil. Comme lui, Dany Laferrière.

Ce qui vous fera succomber

1. Le ton. Grave, comme jamais. Authentique. Et maîtrisé. Juste, tellement juste.

2. Le portrait qu’il trace de l’Haïti actuel. Rien à voir avec l’image qu’on s’en fait.

3. Des passages comme celui-ci: «Comment peut-on penser à l’autre quand on n’a pas mangé depuis deux jours et que son fils est couché à l’hôpital général où l’on manque même de gaze? C’est ce qu’a pourtant fait cette femme en m’apportant un verre d’eau fraîche. Où puise-t-elle tant d’abnégation?»

4. La poésie de son récit. Qui va bien au-delà de la poésie. Du genre «Je m’habille en pensant à cette femme / qui a passé sa vie à se soucier des autres. / C’est aussi une manière de se cacher. / La voilà pour une fois à découvert. / Ma mère dans sa douleur nue.»

Notre avis Le meilleur livre de Dany Laferrière à ce jour. Celui qu’il porte en lui depuis toujours, mais qu’il ne pouvait écrire avant aujourd’hui?