Jean Barbe, Comment devenir un ange? (Leméac)
La barbarie existe, on le sait. Mais la bonté? Après avoir exploré l’aspect sombre de l’humanité dans Comment devenir un monstre, Jean Barbe remonte vers la lumière. Dans ce livre il met en scène un homme qui sème la bonté autour de lui. Mais l’ex-journaliste ne fait pas dans la dentelle pour autant. À peine quelques touches rose bonbon dans cette fresque contemporaine où on suit en parallèle le destin du héros, gourou malgré lui, et celui d’une flopée d’écorchés aux prises avec leurs démons intérieurs. On remarque surtout la plume foisonnante de l’auteur, son désir d’embrasser large. Ses pointes d’humour aussi. Et ses clins d’oeil autobiographies… Après l’empire du mal, le triomphe du bien.

Suzanne Jacob, Fugueuses (Boréal)
Sans doute le meilleur roman de cette grande écrivaine depuis son sublime L’obéissance. Une histoire de famille qui s’étend sur quatre générations. Une histoire cruelle, tragique, implacable. Un livre qui pose de vraies questions. Quand cesse-t-on d’être une fille pour devenir une mère? Et qu’est-ce qu’une mère? Qu’est-ce que l’amour? Où se situe la barrière entre ce qui est réel et ce qui est imaginaire? Enfin, où se trouve la vérité? Pas de réponses toutes faites dans Fugueuses, mais une multiplicité de voix que Suzanne Jacob fait entendre avec une justesse admirable.

Geneviève Robitaille, L’éloge des petits riens (Leméac, collection Ici, l’ailleurs)
Le troisième roman de Geneviève Robitaille est bouleversant de simplicité, d’authenticité et de beauté. L’histoire raconte le quotidien d’une femme handicapée (l’écrivaine souffre d’une maladie dégénérative, l’arthrite rhumatoïde) qui est le plus souvent confinée dans son appartement ou même dans sa chambre avec ses deux chats et qui lutte quotidiennement pour conquérir chaque parcelle de vie, avec détermination et courage, et ce sans jamais se plaindre. «Je peux vivre en toute quiétude, connaître un certain équilibre si je répète les mêmes gestes jour après jour […]», écrit-elle. Touchant.

Sophie Lepage, Lèche-vitrine (Triptyque)
Marie est futile oui, mais elle s’assume. À longueur de jour, entre deux contrats de pige, elle magasine. Pour trouver les fringues les plus in, l’objet déco incontournable… mais aussi qui sait peut-être bien l’âme sœur. Après tout, il n’est pas interdit de rêver. Et Marie n’est pas la seule à pratiquer le shopping amoureux loin de là : tout son entourage fait la même chose dans Lèche-vitrine, premier roman de la collaboratrice d’ELLE Québec, Sophie Lepage. C’est léger, frais, pas compliqué, et un brin futile, mais ça s’assume.
Claudel et Rodin, La rencontre de deux destins (Musée national des beaux-arts du Québec en collaboration avec le Musée Rodin de Paris).
Ils se sont aimés passionnément, dans une osmose créatrice pleine de fureur et de génie. Leurs oeuvres, mais aussi leurs destins croisés n’ont pas fini de nous fasciner. Plus qu’un simple catalogue d’exposition, l’ouvrage plonge au plus profond de l’univers amoureux et artistique de ce couple mythique. Extraits de leur correspondance déchirante et cruelle, analyses fouillées de leur travail, mise en contexte éclairante de leurs différends jusqu’à la rupture définitive et, bien sûr, reproductions soignées de leurs oeuvres. L’ensemble est fascinant et tragiquement beau.

Edwidge Danticat, Le briseur de rosée (Boréal)
C’est à la fois à Haïti, où elle est née en 1969, et aux États-Unis, où elle vit depuis l’âge de 12 ans, qu’Edwidge campe l’action de ce nouveau roman. Passé et présent s’y entremêlent dans un chassé-croisé de personnages qui, au départ, semblent n’avoir rien à faire ensemble. D’emblée, on est dérouté. Mais peu à peu les liens se font, et ils sont terribles. L’auteure de La récolte douce des larmes (prix Carbet des Caraïbes) revisite ici la terreur haïtienne, son histoire, ses ramifications, ses non-dits. Parmi les questions soulevées par ce roman bouleversant au souffle puissant : Comment devient-on un bourreau? Pourquoi? Peut-on recommencer sa vie? Comment? Peut-on cacher la vérité de son passé? Jusqu’à quand? Et surtout, surtout, peut-on (se) pardonner?

Michel Vézina, Asphalte et vodka (Québec Amérique)
Une découverte, une étrangeté. C’est parlé, plus qu’écrit. Et ça nous fait voyager dans l’Amérique profonde, les bas-fonds, au coeur des rêves brisés. On y suit un vieux musicien bourlingueur, alcoolo et drogué, qui arrive au bout de sa vie et rêve de rentrer chez lui, en Gaspésie. C’est dur, cru, tendre aussi. Échevelé, mais irrésistible.

Éliette Abécassis, Un heureux événement (Albin Michel)
Un petit bijou de livre sur les affres de la maternité. Ce qui s’annonçait comme une bonne nouvelle tourne au cauchemar pour l’héroïne, qui fut un jour une jeune et jolie jeune fille au ventre plat, très amoureuse de son compagnon, libre de voyager léger, de faire l’amour sur le tapis, de boire jusqu’à plus soif, de dormir très tard, de travailler sur sa thèse de doctorat et de ne pas voir sa mère… Toutes les mamans du monde s’y reconnaîtront!

Chroniques publiées originalement dans le magazine ELLE QUÉBEC