Elle a une voix délicate, un corps d’ado et une présence d’une douceur presque vaporeuse. Tout le contraire, en somme, de la plupart des égocentristes rudes et barbus qui peuplent les couloirs de Hollywood. Bien qu’elle frise la quarantaine, elle n’a jamais perdu son air d’étudiante charmante qui masque sa gêne par de larges sourires. Encore aujourd’hui, alors que ses trois premières productions ont quasiment un statut de films-cultes et qu’elle a empoché un Golden Globe, un Oscar et un Lion d’or, elle semble trop modeste pour s’affirmer et trop sensible pour s’imposer.

Et pourtant, quand elle est derrière une caméra, c’est une autre histoire. Tous ceux et celles qui ont travaillé avec elle, l’inénarrable Bill Murray en tête, vantent sa douceur, son écoute, mais conviennent qu’elle sait ce qu’elle veut… et comment l’obtenir! «Ne laissez pas la petitesse et le calme de Sofia vous induire en erreur», expliquait l’acteur à l’occasion de la sortie de Lost in Translation, en 2003. «Elle est faite de fer. Elle est forte, sans jouer les hommes. Elle a une manière bien à elle d’arriver à ses fins. Elle est très polie. Elle opine de la tête et dit: « Tu as raison, tu as raison, mais c’est ça que je veux faire. » Et ça marche.»

Discrètement, sans faire de bruit, presque sur la pointe des pieds, Sofia Coppola semble toujours atteindre ses buts. Depuis 1999, elle a réalisé quatre longs métrages, a divorcé, s’est remise en couple, a eu deux enfants, a tourné des pubs et des vidéoclips; tout ça, sans heurt apparent. Le plus désarçonnant? Ses projets sont tous devenus des hits, super cool et hyper commentés. Même sa pub pour Miss Dior, aux teintes délavées et à la nostalgie pimpante, a été considérée comme un évènement en 2008!

 

Un retour attendu

Quatre (longues) années après la sortie de son film historique décalé Marie Antoinette, elle revient avec une nouvelle production plus intimiste. Somewhere, déjà primé à Venise, est son projet le plus personnel depuis Lost in Translation. Elle en a écrit le scénario, et, comme l’a dit Le Figaro, c’est du pur Sofia Coppola: «Les liens à l’enfance, la fausse douceur des choses, la petite musique de la solitude urbaine, une certaine ironie distanciée, tout y est.» On y voit un acteur (Stephen Dorff) en pleine «dérape» à Hollywood, qui se retrouve face à lui-même, à sa vie, à ses choix, alors qu’il doit prendre soin de sa fille, Cleo (Elle Fanning). Sofia a eu cette idée quand elle était en exil, loin de Los Angeles; elle vivait à Paris avec son chum, Thomas Mars, le chanteur du groupe français Phoenix.

Lorsqu’elle a imaginé cette fillette qui vient rejoindre son père à l’hôtel Chateau Marmont, à Hollywood, elle s’est en partie inspirée de ses propres souvenirs «d’un père puissant qui attire les gens autour de lui et qui fait des choses qui sortent de l’ordinaire», confiait-elle récemment à Venise.

La méthode Sofia Coppola, c’est d’abord une méthode de… fille. Elle ne le cache d’ailleurs pas. «Je sens que je raconte des histoires d’un point de vue féminin. Je n’essaie pas de faire ça. Ce que je cherche d’abord, c’est de réaliser quelque chose de personnel, que j’ai envie de voir ou d’exprimer. Mais un homme l’exprimerait sans doute de manière différente», expliquait-elle il y a peu de temps à une journaliste du Elle américain.

 

L’anti-Paris Hilton

Élevée dans l’opulence et le glamour de Hollywood – les balades en hélico avec papa, elle connaît -, elle aurait pu devenir une Paris Hilton. Plus jeune, elle a d’ailleurs eu sa propre série télé avec sa meilleure amie, Zoe Cassavetes (la fille du réalisateur John Cassavetes). Sauf qu’à la différence de la riche héritière et de Nicole Richie, qui affichaient fièrement leur frivolité et leur décolleté, Sofia et sa copine présentaient leurs amis artistes. Ce n’était peut-être pas le concept du siècle, mais c’était déjà un pilier de la méthode Sofia Coppola: tisser des liens, créer des réseaux et faire connaître des idées.

Aujourd’hui, elle évolue aussi bien dans l’univers de la mode que dans celui de la pop, de la photographie ou du cinéma. Le plus extraordinaire? Qu’elle dessine un sac pour Louis Vuitton, qu’elle soit la photographe d’une campagne de Dior ou qu’elle tourne un clip pour les White Stripes, sa magie fonctionne à tous coups. Il faut croire que son baptême du feu – au fait, saviez-vous que le bébé qu’on voit à la fin du premier Godfather, c’est elle? – l’a bien préparée à un destin exceptionnel.

TEXTE: YVES SCHAËFFNER  

Entrevue flash avec Sofia Coppola

À l’occasion de la sortie de Somewhere, Sofia Coppola nous parle des artisans de Hollywood qui l’ont marquée.

Quelle femme cinéaste a eu le plus d’ascendant sur vous?

Mon père reste la personne qui m’a le plus influencée. Mais Jane Campion est la réalisatrice que je range parmi les géants du septième art.

Y a-t-il une femme à Hollywood que vous admirez particulièrement?

J’ai toujours eu de l’affection pour Anjelica Huston, parce que, comme elle, je viens d’une famille oeuvrant dans le cinéma; nos vies ont donc des points communs. Je trouve qu’elle a cheminé très gracieusement.

Marie Antoinette était un projet énorme. Quelles difficultés avez-vous rencontrées en tant que femme dirigeant un film majeur?

C’était une grosse production pour moi, bien qu’à Hollywood 20 millions de dollars ne soit pas un budget immense. Amy Pascal [présidente de la division du cinéma de divertissement de Sony à l’époque] m’a beaucoup soutenue. Je pense que, sans elle, ce long métrage n’aurait pas pu se faire. Elle m’a appuyée pour que je puisse raconter l’histoire du point de vue d’une jeune fille, alors qu’un homme ne l’aurait peut-être pas traitée de cette manière.

Quel a été le moment le plus difficile de votre carrière?

Ma participation à The Godfather III. Je n’avais jamais voulu être une actrice et je n’avais que 18 ans. Être accusée d’avoir ruiné le film de mon père a été pénible. Mais je pense que les évènements de ce genre nous rendent plus forts. J’ai senti que je pouvais faire face aux épreuves après ça. Le réalisateur John Huston m’avait dit quand j’étais jeune: «Tout le monde ne va pas t’aimer, alors n’essaie pas de faire en sorte que tout le monde t’aime.» Et ç’a été très libérateur.

Propos recueillis par Karen Durbin

 

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