Sébastien Ricard arrive calme et posé au Loft Hotel, à Montréal, par un jour gris de novembre. Il est charmant, patient. Timide, même. Stan Smith aux pieds et vêtu d’un cardigan coloré, dans lequel il est visiblement plus à l’aise que dans le complet Alexander McQueen qu’il porte pour notre séance photo, il m’explique comment son rôle de père violent dans la télésérie Olivier (ICI Radio-Canada Télé) l’a sorti de sa zone de confort. «Ça m’a pris du temps avant d’oser endosser un tel rôle de composition, mais ça m’a fait triper. J’ai ressenti un grand sentiment de liberté. C’est un défi, parce que ce type de personnage peut facilement ressembler à une caricature, mais c’est un côté de mon métier que j’aimerais explorer davantage.»

Ce mois-ci, on le verra sur scène dans la pièce Dans la solitude des champs de coton, de Bernard-Marie Koltès, présentée à l’Usine C et mise en scène par Brigitte Haentjens. Cette œuvre coup-de-poing, véritable joute verbale, aborde le sujet du désir et de l’altérité en opposant diamétralement deux personnages, le Dealer et le Client. Sébastien incarnera ce dernier. «J’ai connu cette pièce lorsque j’étais encore étudiant à l’École nationale de théâtre et j’ai eu un coup de cœur, tant pour le texte que pour l’auteur. C’est d’ailleurs cette passion pour Koltès qui m’a amené à travailler avec Brigitte [Haentjens], avec qui je collabore depuis 15 ans. Koltès est un précurseur, et les thèmes abordés dans la pièce, écrite dans les années 1980, revêtent aujourd’hui un sens nouveau. En travaillant ses mots, je me rends compte des couches et de la profondeur qu’on y retrouve… On peut presque déceler une dimension prophétique à son écriture. Les gens apprécieront sans doute la force des thèmes qui résonnent encore fortement en 2018.»

L’acteur prendra aussi, en janvier, les traits d’un patriote dans le film très attendu Hochelaga, Terre des âmes, de François Girard. Un rôle qu’on croirait prédestiné à celui qui n’a pas peur d’afficher ses couleurs nationalistes – notamment en musique, puisqu’il fait partie du groupe engagé Loco Locass sous son nom d’artiste, Batlam. Pourtant, il aborde la question avec un bémol. «J’étais content de pouvoir jouer un patriote, mais pour moi, le nationalisme n’a pas grand-chose à voir là-dedans, précise-t-il. Les patriotes étaient des républicains, et ce courant de pensée s’est perdu en cours de route. Le film est néanmoins une œuvre importante, si ce n’est que parce qu’il présente une partie de l’histoire des Premiers Peuples, dont on entend peu parler. Il y a d’ailleurs un souci de réconciliation dans l’œuvre, ce qui est assez nouveau. On ne joue pas aux Amérindiens: tous les rôles ont été attribués à des acteurs ayant les mêmes racines que leur personnage. Ce survol de l’histoire de Montréal est une véritable rencontre. Toute la communauté s’est mise ensemble pour raconter une histoire et, franchement, c’est impressionnant, touchant.»

Hochelaga, Terre des âmes prend l’affiche le 19 janvier. La pièce Dans la solitude des champs de coton est présentée à l’Usine C du 23 janvier au 10 février.