«Ce n’est pas moi qui ai choisi Reese, c’est Reese qui m’a choisi», admet d’emblée Jean-Marc Vallée. En ce jour de première au Festival international du film de Toronto, le cinéaste québécois à qui on doit C.R.A.Z.Y. et Café de Flore reçoit la presse au compte-goutte dans une suite de l’hôtel Royal York. Apaisé par l’accueil favorable réservé à Wild, son tout nouveau film, il vante la performance exceptionnelle de son actrice et productrice, initiatrice de ce projet tiré des mémoires de Cheryl Strayed, qu’elle a déposé entre ses mains compétentes.

Déjà vu? En quelque sorte. Il y a un an à peine, le cinéaste donnait un nouveau souffle à la carrière de Matthew McConaughey. Celui-ci avait pendant des années tenu à bout de bras le projet de Dallas Buyers Club et le réclamait, lui et personne d’autre, comme réalisateur. Le film, également inspiré d’une histoire vraie, a conduit l’acteur jusqu’aux oscars. Rebelote au féminin? Pourquoi pas?

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Dans une performance à la fois physique et intériorisée, Reese Witherspoon incarne Cheryl Strayed, une Américaine qui, en 1995, a entrepris de parcourir seule, et sans préparation, 1060 milles (1600 km) le long de la Pacific Crest Trail, qui s’étend de la frontière mexicaine à celle du Canada. Dévastée par des épreuves et des abus, la marcheuse en herbe renaît, un kilomètre à la fois. «Dès le départ, j’ai compris que Reese voulait faire la même chose que Matthew [McConaughey]: sortir de sa zone de confort et s’investir dans des projets qui la touchent profondément. Au premier jour de tournage, nous étions déjà dans le désert, par un matin très, très froid. Le reste de l’équipe et moi, nous portions nos parkas, nos tuques, nos foulards, et nous gelions. Reese, elle, était en short et en t-shirt… Déjà, elle se mettait dans une position de vulnérabilité et de défi.»

Émergeant d’un long passage à vide (rien de bien important à signaler depuis son oscar en 2006 pour Walk the Line), Reese Witherspoon donne elle aussi l’impression de renaître. Wild, qu’elle a produit de façon indépendante, marque vraisemblablement pour elle un tournant. «Sa mission, c’est de se créer du travail en racontant des histoires de femmes intelli- gentes, qui n’ont rien à voir avec celles que Hollywood nous montre en général», poursuit le réalisateur.

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De la même manière, Wild n’a rien d’un film de studio léché ou amidonné. C’est au contraire un objet brut, de facture crue: lumière naturelle, caméra à l’épaule… L’actrice dans le viseur ne porte pas de maquillage et est véritablement chargée comme un mulet. «Je ne voulais pas jouer à faire du beau, dit le cinéaste. Je désirais que ça ait l’air vrai.»

Les plus belles histoires, selon lui, viennent de gens qui se racontent. Comme Cheryl Strayed. Comme Ron Woodroof (McConaughey) dans Dallas Buyers Club. Jean-Marc Vallée, à travers eux, se raconte aussi.

«Ma mère était l’amour de ma vie», déclare en voix hors-champ l’héroïne de Wild. Dès la première lecture du scénario, le réalisateur s’est reconnu dans cette confession de son héroïne. Avec des trémolos dans la voix, il s’explique: «Je venais de perdre ma mère, morte d’un cancer. Et là, je lisais l’histoire d’une femme qui disait une chose que personne ne dit jamais: sa mère était l’amour de sa vie. La mienne l’était pour moi. J’ai tellement pleuré! Je n’avais pas encore fait mon deuil, et ce film m’a aidé à le faire.» (sortie prévue le 5 décembre).

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