À 24 ans, Xavier Dolan réalise déjà son quatrième long-métrage, Tom à la ferme. Dans cette adaptation d’une pièce de Michel Marc Bouchard, qui prendra l’affiche cet automne, un jeune publicitaire se rend à la campagne pour assister aux funérailles de son amoureux décédé dans un accident de voiture. Or, là-bas, personne n’est au courant de la relation qui existait entre Tom et le défunt, sauf le frère de ce dernier, Francis, qui s’assurera avec une main de fer de garder la vérité sous silence. De passage au TIFF, nous avons discuté avec le cinéaste québécois qui ne cesse de nous étonner par un aplomb et un talent hors du commun.

À quel moment avez-vous pris connaissance de la pièce de Michel Marc Bouchard?
Je l’ai vue au théâtre en janvier 2011. On était alors en préproduction de Lawrence Anyways. Après les 15 premières minutes, je me suis dit « Eh boy! Ce serait intéressant au cinéma! » Je savais que Michel-Marc était là. J’attendais d’aller le voir en coulisse pour le lui dire.

Vous avez écrit le scénario de vos précédents films. Comment était-ce de travailler à partir d’une pièce écrite par quelqu’un autre?
C’est une collaboration qui a été extrêmement motivante et inspirante. Michel Marc et moi avons joué au yo-yo. J’ai fait des versions qu’il a annotées. On s’est ensuite rencontré dans un restaurant de sushi, sur la rue Amherst, et on a revu le texte page par page, mot par mot. Michel-Marc a une plume exquise. Il a le sens du rythme et les choses se mettent en bouche facilement à travers ses mots. Disons que le dialoguiste en moi se l’est coulée douce.

Cela a-t-il été difficile d’adapter cette pièce au grand écran?
Le gros travail, c’est qu’il y a dix scènes dans la pièce, alors qu’il y a en a 100 dans le film. La pièce est un huis clos. J’aurais pu prendre la décision de situer le film entièrement dans une cuisine, mais comme c’est un thriller psychologique, j’avais envie que Tom sorte de la ferme, que le public se demande s’il allait y retourner, si Tom allait avoir de plus en plus peur d’y remettre les pieds. Pour que la tension monte, il fallait donner un peu d’air au film, le laisser respirer. Et il y a aussi d’autres personnages, d’autres visages, qui viennent nous rappeler à quel point on étouffe dans cette ferme-là.

Photo: Shayne Laverdière (Xavier Dolan)

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La relation entre Tom et Francis oscille entre violence, peur et désir. Comment expliquez-vous cette ambivalence?
Tout le monde y voit une tension sexuelle. Pour moi, l’humanité de Francis s’est désagrégée au fil du temps. Ça fait des années que personne ne le regarde ou lui parle, et que sa mère le tape en arrière de la tête. Il y a des choses chez lui qui sont réprimées, et cela va au-delà de l’identité sexuelle. Pour moi, Francis est profondément hétérosexuel. Comme s’il se trouvait sur une île déserte, à un certain moment, l’animal en lui se manifeste. Il a besoin de contacts, avec qui que ce soit. Et là, un jeune homme débarque [à la ferme]. Un jeune homme qui voit en lui les vestiges de son ex. On lui donne enfin de l’attention, on le désire. L’identité sexuelle, c’est psychologique. Mais quand on est fou…

Vous avez choisi de travailler avec les actrices Lise Roy et Évelyne Brochu, qui étaient toutes deux dans la pièce originale. Pourquoi?
La transition du théâtre à l’écran fait toujours en sorte qu’on laisse derrière des acteurs formidables, sous le prétexte que d’autres sont plus connus, « banquables » [monnayables]. C’est stupide. Lise Roy était tellement bonne dans la pièce, il était hors de question qu’elle ne fasse pas le film. Il y a 40 000 personnes sur 8 millions qui ont vu Lawrence Anyways, alors, personnellement, qu’un acteur soit rentable ou pas, on s’en fout.

Comment était la vie à la ferme, durant le tournage?
C’était super! J’ai grandi à la ville et en région. J’ai donc un peu les deux en moi. J’aime respirer l’air de la campagne. Je ne suis pas vraiment le citadin qui ne veut pas mettre ses bottes dans la boue.

Photo: Clara Palardy (Xavier Dolan)

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