Julianne Moore a le fan club le plus sélect qui soit. Tina Fey, Colin Firth, Alec Baldwin et une myriade d’autres stars comptent parmi ses plus fervents admirateurs.

À 52 ans, cette actrice, qui a joué dans plus d’une cinquantaine de films et reçu quatre nominations aux oscars, est devenue un monstre sacré du septième art.

Nous avons eu l’occasion de discuter avec elle au moment de son passage au Festival de Cannes en mai dernier. Pour la première fois, elle s’y est pointée alors qu’elle ne jouait dans aucun des films projetés (elle y était notamment allée pour présenter Savage Grace en 2007 et Blindness en 2008).

Cette fois-ci, l’actrice était plutôt invitée à titre d’égérie de la marque L’Oréal Paris. Au chicissime hôtel Martinez, elle a accordé entrevue sur entrevue avec une patience d’ange.

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Au cours de notre court tête-à-tête, la belle rousse ignorait qu’elle s’apprêtait à commettre, le soir même, un rare fashion faux pas qui allait prendre des proportions délirantes. Vêtue d’une ravissante robe lilas Dior, la pauvre a chaussé des sandales un brin trop étroites à la soirée d’ouverture du Festival. Tellement étroites en fait, que ses deux petits orteils n’ont pas tardé à s’échapper de la fine bride qui les tenait prisonniers. Et, mitraillés par des dizaines de photographes, ses indociles appendices ont fini par lui voler la vedette. (Au moment où nous écrivions ces lignes, Google répertoriait 849 000 pages (!) comprenant les mots «Julianne Moore» et «orteils»!) Un épisode qui en dit bien plus sur notre obsession pour les célébrités que sur l’actrice. Pleine d’humour, Julianne Moore a assuré par la suite à la presse qu’elle s’était fait couper lesdits doigts de pied afin qu’un tel «désastre» ne se reproduise plus!

Drôle, affable et toujours incroyablement séduisante, la star nous a charmés et s’est confiée à nous avec une simplicité désarmante. Six choses que nous avons apprises d’elle.

La nerd effrontée

Julianne Moore, qui oscille entre des projets commerciaux et des oeuvres plus denses, semble posséder un sixième sens pour choisir des projets porteurs et marquants. Son secret? Elle lit elle-même tous les scénarios qu’on lui envoie – soit plus d’une centaine par année. «J’aime lire. Quand j’étais enfant, c’était mon occupation favorite. Découvrir un scénario et sentir qu’il y a là une histoire et un monde dans lequel je peux évoluer, c’est la chose la plus satisfaisante qui soit pour moi.»

Et quand elle a un coup de coeur, elle ne craint pas de prendre des risques. Ainsi, au début des années 1990, elle a accepté illico de jouer dans Short Cuts, de feu Robert Altman, tout en sachant qu’elle allait devoir livrer une longue tirade en étant entièrement nue des pieds à la taille.

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Cette scène, devenue une pièce d’anthologie, n’a pas manqué de révéler une incroyable actrice au grand public et annonçait déjà sa grande témérité (songeons aux scènes chaudes qu’elle a jouées par la suite avec Mark Wahlberg dans Boogie Nights et avec Amanda Seyfried dans Chloe, d’Atom Egoyan…).

Julianne aime le répéter: si elle n’éprouvait pas une véritable passion pour les livres, elle ne serait sans doute jamais devenue actrice. Au début de son adolescence, alors qu’elle portait des lunettes et était plutôt nouille en sport, les bouquins sont devenus son refuge.

Et c’est justement pour incarner les mots qu’elle aimait tant qu’elle a décidé de suivre des cours de théâtre. Ce n’est qu’à 17 ans qu’elle a vraiment songé à devenir actrice, après que sa prof d’art dramatique lui eut dit qu’elle avait un talent hors du commun. Le reste appartient à l’histoire.

La chouchoute des cinéastes

Si on en croit les metteurs en scène qui l’ont dirigée, Julianne serait une sorte de stradivarius, un instrument qui sonne toujours juste, même quand il doit rendre les émotions les plus extrêmes.

Selon le réalisateur irlandais Neil Jordan (The End of the Affair), cette actrice possède «un registre que personne d’autre n’a». Quant à Todd Haynes et à Paul Thomas Anderson, ils la considèrent comme une muse. Anderson a notamment écrit le scénario de deux de ses meilleurs films, Boogie Nights et Magnolia, en pensant à elle pour un rôle. Et Haynes, qui avait dirigé Julianne dans le film Safe, a créé le personnage principal de Far from Heaven sur mesure pour elle.

Cette reine du cinéma indépendant n’est pas boudée pour autant par les grands studios hollywoodiens, bien au contraire. Steven Spielberg en a fait une des vedettes de The Lost World: Jurassic Park, et Ridley Scott l’a choisie pour remplacer Jodie Foster dans Hannibal, la suite de The Silence of the Lambs. Même qu’il l’aurait préférée à Angelina Jolie, à Cate Blanchett et à Hilary Swank. Pas mal du tout!

Le caméléon

Si elle sait jouer la comédie (comme dans la sitcom 30 Rock ou la comédie romantique Crazy, Stupid, Love.), elle nous en impose surtout lorsqu’elle incarne des femmes fortes et complexes.

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Le rôle le plus difficile de sa carrière? Celui de Sarah Palin, dans le téléfilm Game Change. «Tous les rôles comportent des défis. Mais je pense que celui-ci en comportait peut-être davantage pour moi», soutient-elle.

Pour se préparer, elle a passé des heures et des heures à étudier la politicienne – notamment en écoutant en boucle ses discours sur un iPod. «Quand vous jouez une personne vivante, ça implique toujours des tonnes de recherches. Il ne suffit pas de lui ressembler physiquement; il faut voir comment elle se déplace, comment elle bouge, comment elle se comporte. Ça demande beaucoup de préparation.»

Son talent de caméléon, elle dit le devoir en bonne partie à son enfance nomade. Fille d’un père militaire, elle aurait vécu à 23 endroits différents (Caroline du Nord, Nebraska, Alaska, Panama, New York, Virginie, Allemagne…) au cours de son enfance et de son adolescence! L’actrice est convaincue que ça l’a prédisposée à l’art de la métamorphose.

«Ce qu’on découvre en passant d’une culture à l’autre, c’est que les comportements changent, mais que les gens restent essentiellement les mêmes. Alors, on apprend comment se comporter ici, quoi faire là, quelles sont les règles, comment les gens s’habillent et parlent», a-t-elle déjà confié à un quotidien britannique.

La revendicatrice

Ne vous laissez pas tromper par la douceur de ses traits et ses jolies taches de rousseur: Julianne Moore est une ardente militante. Féministe et fière de l’être, elle compte notamment parmi les voix les plus fortes du mouvement pro-choix aux États-Unis et s’est engagée dans les activités de Planned Parenthood, un groupe qui défend avec ferveur le droit à l’avortement. «Aux États-Unis, la contraception n’était pas légale avant 1965. C’est fou! Et il y a des filles aujourd’hui qui ne savent pas ça», a-t-elle lancé en 2010.

C’est aussi une militante démocrate très active. Pendant les trois dernières campagnes présidentielles, elle n’a pas hésité à appuyer publiquement John Kerry et Barack Obama. On l’a même vue dans des clips promotionnels en faveur de l’actuel locataire de la Maison-Blanche. Libérale de nature, elle milite aussi en faveur des droits des gais aux États-Unis. Bref, on l’aura compris, l’apathie et l’indifférence ne font pas partie de son vocabulaire.

Une vraie beauté

La nouvelle égérie de la prestigieuse marque L’Oréal Paris se dit allergique aux scalpels et opposée à la chirurgie esthétique. Elle incarne à la perfection l’idée d’une beauté vraie, naturelle, sans âge.

Sa peau joliment parsemée de taches de rousseur demeure encore et toujours magnifique. Son secret? «La crème solaire, jure-t-elle. C’est le meilleur ingrédient pour combattre le vieillissement. J’en applique sur mon visage depuis que j’ai 23 ans et c’est la chose la plus importante que j’ai faite pour ma peau.»

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Comme bien d’autres rousses, Julianne a quelque peu souffert dans son enfance des commentaires moqueurs de ses camarades. Loin de faire tourner les têtes, elle était snobée par les garçons. Ça, c’était jusqu’à ce qu’elle ait 15 ans. Une fois qu’elle a arrêté de porter des lunettes, elle s’est soudainement mise à attirer tous les regards.

Devenue un véritable sexe-symbole, elle n’a toutefois pas oublié pour autant les tourments de son enfance. En 2007, elle s’est inspirée de son expérience pour publier un premier livre pour enfants (d’autres ont suivi depuis), Freckleface Strawberry, une véritable ode à la différence et à l’acceptation de soi.

La mère poule

La conciliation travail-famille, ce n’est pas que pour les employés d’usine ou de bureau! Julianne a beau fouler les tapis rouges en robe de soirée Tom Ford, elle doit relever les mêmes défis que tous les parents. Depuis que ses enfants, Caleb (15 ans) et Liv (11 ans), vont à l’école, elle a mis une croix sur les longs tournages à l’étranger. Et elle essaie autant que possible d’être présente à l’heure des devoirs ou aux parties de soccer.

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Sa progéniture, Julianne l’a eue avec le scénariste et réalisateur Bart Freundlich (Trust the Man, The Rebound), de neuf ans son cadet. Ils se sont rencontrés en 1996 pendant le tournage de la comédie dramatique The Myth of Fingerprints, avant de convoler en 2003. Pour l’actrice, il s’agissait d’un second mariage – son premier ayant duré de 1986 à 1995.

Bien que la petite famille vive dans des conditions fort confortables à New York, son quotidien n’est pas très différent de celui de la moyenne des gens, assure l’actrice. En entrevue, elle a même déjà admis qu’il lui arrivait d’espionner le compte Facebook de son fils!

Si elle n’avait qu’un conseil à donner à ses enfants? «Je leur dis toujours d’apprécier qui ils sont et de persévérer dans les choses qui comptent pour eux.» Après tout, suivre son coeur et ses passions, c’est ce que Julianne Moore a toujours fait. Et, le moins qu’on puisse dire, c’est que ça lui a plutôt bien réussi!

Julianne Moore en cinq films

Far from heaven et The hours (2002) En l’espace d’un an, Julianne tient deux rôles marquants et obtient pour ceux-ci deux nominations aux oscars. Coïncidence? Dans les deux cas, elle se glisse dans la peau d’une mère au foyer des années 1950 enfermée dans le piège conjugal! Dans Far From Heaven, de Todd Haynes, elle incarne une bourgeoise déstabilisée par la découverte de l’homosexualité de son mari (Dennis Quaid) qui se lie d’une amitié interdite avec un jardinier noir (Dennis Haysbert). Puis, dans The Hours, de Stephen Daldry, elle joue l’épouse d’un vétéran (John C. Reilly) qui trouve dans la lecture du roman de Virginia Woolf, Mrs. Dalloway, le courage de s’envoler.

Blindness (2008) En 2008, elle interprète avec une autorité contenue une femme épargnée par une terrible épidémie de cécité, qui a affecté son mari (Mark Ruffalo). Blindness est une lumineuse adaptation du roman du prix Nobel de littérature José Saramago, réalisée par Fernando Meirelles (City of God).

The kids are all right (2010) Elle incarne une architecte paysagiste qui, à l’insu de sa conjointe (interprétée par Annette Bening), a une aventure avec le père biologique de ses deux enfants (encore Mark Ruffalo!). Compliqué? Drôle à mourir, plutôt.

What Maisie knew (2012) L’actrice saute sans filet dans la peau d’une rock star égocentrique et détestable, qui néglige sa fillette de six ans au profit de son amant (Alexander Skarsgård). Une curiosité injustement passée sous le radar, qu’on peut voir sur DVD.

Moore cet automne

Trois films avec Julianne qu’on a hâte de voir.

1. The english teacher (en DVD). Dans cette production indépendante présentée au dernier Festival de Tribeca, elle joue une enseignante célibataire qui encourage un ancien élève, aspirant dramaturge, à s’accrocher à son rêve. Et elle, son rêve? C’est là le noeud de l’affaire.

2. Don Jon. Julianne y interprète une quinqua sympa qui va transformer la vision qu’a des femmes un jeune «Gino-Camaro» accro à la porno (Joseph Gordon-Levitt, qui signe aussi le scénario et la réalisation).

3. Carrie (sortie prévue le 18 octobre). Trente-sept ans après la version originale réalisée par Brian De Palma d’après un roman de Stephen King, enfin, le remake. Julianne y incarne la mère d’une adolescente télékinésiste persécutée par ses camarades de classe.

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