Avant de devenir le terrain de jeu favori des people et de votre voisine en manque d’attention, le site de réseautage et de microblogage Twitter a d’abord été le royaume du nerd à lunettes. Créé par Jack Dorsey (un nerd sans lunettes), il s’est en premier lieu développé dans le milieu des mordus de nouvelles technologies. C’était en 2006. À l’époque, pratiquement personne n’avait entendu parler de microblogage, et Ashton Kutcher était plus souvent décrit comme le roi des twits que comme le roi de Twitter…

Trois ans plus tard, une minirévolution dans le monde du micromessage s’est produite. Le mot tweet («gazouillis» en français) s’est mis à faire irruption dans presque toutes les conversations, et Ashton Kutcher est devenu le premier individu à avoir un million d’abonnés à son compte Twitter. Un million de personnes qui pouvaient suivre en direct les aléas de sa vie de superstar au fil de ses mille et un textes de 140 caractères.

À peu près au même moment, l’acteur enseignait à Oprah Winfrey l’art du microbillet au cours de son émission de télé. Pour plusieurs, dont le spécialiste des nouveaux médias Andrew Cherwenka, le succès phénoménal du jeune homme et le premier gazouillis d’Oprah sont des moments charnières dans l’histoire de cet outil de réseautage. Soudainement, grâce aux célébrités, celui-ci n’était plus réservé à un club d’initiés.

 

Photo: Lady Gaga a diffusé une photo d’elle nue à l’occasion de son anniversaire, en mars 2010.

 

Aimant à stars

Aujourd’hui, les vedettes jouissent d’une visibilité plus grande dans l’espace virtuel de Twitter que sur le tapis rouge de la cérémonie des oscars. Semaine après semaine, la très grande majorité des comptes qui figurent parmi les 100 plus populaires de la «twittosphère» appartiennent à des mégapersonnalités, que ce soit Lady Gaga (quelque sept millions de fans), Britney Spears, Ellen DeGeneres ou même Barack Obama. On peut découvrir aussi bien les réflexions hautement philosophiques de Kim Kardashian que les suggestions de Justin Timberlake ou les pensées de Katy Perry. Et la Belle Province est aussi de la partie. Plusieurs membres du starsystème made in Québec, comme Guy A. Lepage, Mitsou ou Alex Perron, «twittent» à qui mieux mieux.

L’effet d’attraction de ce site sur les stars est tel que même celles qui sont nées avant l’apparition du premier ordinateur ne peuvent y résister. Dolly Parton, Neil Diamond et Elizabeth Taylor font ainsi partie des «twitteux» grisonnants, prouvant du même coup que l’outil n’est pas réservé aux starlettes affamées de visibilité.

Grâce à cet outil, on peut suivre leurs tribulations à la seconde près, comme si on lisait un fil de presse. On tripe sur Coeur de pirate? Il n’y a qu’à s’abonner à ses micromessages. Minute après minute, on peut savoir ce qu’elle pense/enfile/chausse/écoute. Il est aussi possible de comprendre en temps quasi-réel pourquoi Courtney Love pète les plombs. Entre les remarques de Guy A. Lepage, les photos d’Eva Longoria et les mises à jour de CNN et de Radio-Canada, on peut facilement avoir le tournis. Chaque jour, plus de 55 millions de «gazouillis » sont envoyés. Et ceux des people sont naturellement parmi les plus suivis et les plus commentés.

Chez nous, ça twitte aussi!

Les 11 % d’internautes québécois qui possèdent un compte Twitter sont choyés: Guy A. Lepage, Alex Perron, Mitsou, Dany Turcotte, André Ducharme, Pénélope McQuade, et Geneviève Borne (pour ne citer que ceux-là) écrivent constamment des messages. Ils correspondent volontiers avec leurs admirateurs et placotent entre eux. «Pour moi, ce site est la version 2010 du parvis d’église, explique l’humoriste Alex Perron. Tout le monde se rassemble, on apprend à se connaître un peu et, après, on sacre notre camp chez nous pour vivre nos vies.» Ce dernier admet ne s’être jamais autant révélé que sur Twitter. Ce qui ne veut pas dire qu’il donne dans l’exhibitionnisme. Au contraire, il ne dévoile des détails personnels qu’avec parcimonie.

La Québécoise qui gazouille comme une vraie superstar, c’est assurément Mitsou, affirme Jeff, fondateur du site de potins Hollywood P.Q. D’abord, parce qu’elle multiplie les échanges avec ses fans, dit-il, «mais surtout parce qu’elle est proche du monde». Et elle n’a pas peur de partager son intimité, montrant des photos de sa fille ou de ses nouvelles bottes. «Elle donne au public l’impression qu’il passe des moments privilégiés avec elle, poursuit Jeff. C’est ce que les gens attendent des vedettes sur Twitter.

 

Photo: Ashton Kutcher, le roi de Twitter, est devenu le premier individu à avoir un million d’abonnés à son compte. (Wikimedia Commons / David Shankbo)

 

S’inviter chez les stars

Les célébrités sont d’autant plus populaires sur Twitter que monsieur et madame Tout-le-monde peuvent s’inviter dans leur «intimité». On y apprend qui dîne avec qui, qui pense quoi, qui fait quoi, de la bouche même des principaux intéressés. Plus besoin d’attendre la publication du dernier National Enquirer pour tout connaître. Court-circuitant les paparazzis et les magazines people, le site est devenu le paradis du potin 2.0. Les vedettes se prennent elles-mêmes en photo et dévoilent leurs pensées.

«Une des grandes qualités de ce réseau est qu’il nous rapproche des stars», admet Katherine Larsen, professeure à l’université George Washington et spécialiste du comportement du fan. Et même si leurs micromessages sont souvent anodins, ils n’en sont pas moins passionnants. Ils permettent notamment de les voir sous un nouveau jour, souvent plus humain, et de découvrir qu’elles ont «le même genre de conversation banale que nous entretenons tous les jours entre nous», ajoute Katherine Larsen.

«Et les fans aiment l’idée d’avoir accès à la supposée "vraie personnalité" des célébrités», poursuit-elle. Grâce à Twitter, ils ont aussi l’occasion d’entrer directement en contact avec leurs idoles. «On peut leur écrire sans intermédiaire et même espérer obtenir une réponse», note-t-elle.

Le hic, c’est qu’il reste très difficile de savoir si c’est bel et bien notre vedette préférée qui microblogue avec nous et non un illustre inconnu qui a usurpé son identité. Des messages personnalisés et des photos de mauvaise qualité prises avec un téléphone cellulaire sont généralement de bons gages d’authenticité. L’icône bleutée «Verified Account» estampillée sur le compte de plusieurs stars américaines assure également que ce dernier leur appartient.

 

Photo:Coeur de pirate est très suivie sur Twitter. (Imaxtree)

Promotion virtuelle

Si la plupart des vedettes sont désormais inscrites à ce réseau, elles ne déballent toutefois pas toutes les détails croustillants de leur quotidien. Certaines, comme Charlotte Gainsbourg, Sarah McLachlan ou Tom Cruise, s’en servent d’abord et avant tout à des fins de marketing. Comme il permet de s’adresser à des milliers, voire à des millions, de fans sans intermédiaire, «il constitue un outil formidable de promotion pour les stars», rappelle Jeff, fondateur du site Web à potins Hollywood P.Q. Elles l’utilisent donc sans modération pour faire mousser leur dernier film ou leur dernier disque… ou même pour renflouer leurs coffres. Kim Kardashian empocherait ainsi plus de 10 000 $ US par tweet vantant un produit à ses millions d’admirateurs, selon le site The Daily Beast.

Les stars emploient également ce réseau pour polir leur image. C’est ainsi que Justin Bieber y a eu recours pour démentir les ragots selon lesquels sa mère allait poser nue pour Playboy. Ce fils protecteur semble lui aussi sérieusement accro de Twitter. Selon le magazine Billboard, il gazouillerait quatre fois plus que la moyenne des vedettes. Les «Bieberettes », avec qui il «cyberflirte» à l’occasion, en sont évidemment ravies.

Ce «twittage» à tout-va n’étonne guère Anne Helen Petersen. L’universitaire qui planche sur un doctorat concernant les célébrités croit que «l’utilisation de Twitter par les vedettes ne fait que se mouler à notre société hautement médiatisée et profondément techno-dépendante.»

Techno-dépendance ou pas, le nombre d’admirateurs de célébrités ne cesse d’enfler sur le site. Lady Gaga, qui a détrôné Britney Spears au sommet de la hiérarchie Twitter en août 2010, devrait d’ailleurs se méfier de Justin Bieber. Le petit Canadien chevelu pourrait fort bien lui ravir sa place au cours des prochains mois s’il continue sur sa lancée.

Photo: Guy A. Lepage profite de Twitter pour discuter avec les internautes et livre aussi quelques secrets des coulisses. (Gracieuseté Radio-Canada)

 

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