1. Nous assistons présentement à l’effondrement de notre monde, gouverné par une poignée d’hommes riches et sans scrupules qui n’en ont rien à foutre de l’état de notre planète et qui l’exploiteront jusqu’à la lie si nous ne faisons rien. Comme beaucoup de mes concitoyens et concitoyennes, j’ai peur.

2. Nous vivons les conséquences tragiques de l’application du patriarcat sauvage et débridé, la fin d’un monde régi par des hommes et fait pour les hommes. Mais il a frappé son mur, ce monde, et nous en subissons l’onde de choc.

3. J’ai déjà frappé mes murs intérieurs. J’ai eu besoin d’aide, et avec de l’aide, j’ai été en mesure de reconnaître mes colères, d’avoir davantage de maîtrise sur elles. Saviez-vous que dans chaque classe du primaire comptant 25 élèves, il y en a toujours de 2 à 6 qui sont exposés à la violence conjugale?

4. À méditer: «Le corps de la pute ou de la femme qu’on traite comme une pute, c’est le corps de la mère qu’on maîtrise enfin. On paie pour pouvoir la contrôler comme elle nous a contrôlés, enfants.» C’est de Nancy Huston.

5. Je suis fatigué de vivre dans un pays virtuel. Nous nous pensons comme un peuple, mais rien ne s’incarne dans une réalité concrète. J’ai l’intuition que faire un pays nous aiderait nous, les hommes, à nous enraciner, à dégeler, à dessouler. Que ça aiderait nos garçons. Que notre taux de suicide serait moins élevé.

6. Je sais aussi que le Pays ne nous sauverait pas de tout, mais j’éprouve le besoin vital de faire partie d’un groupe d’hommes et de femmes qui construisent quelque chose.

 

7. Je ne comprends pas ce qu’il y a d’édifiant dans le spectacle de la F1. Après avoir brûlé des litres de pétrole sous un tonnerre de bruit, le gagnant, sur le podium, gaspille un magnum de champagne en le brassant tel un gros organe masculin, pour finalement le faire éjaculer sur la foule, flanqué de chaque côté de deux grandes blondes à talons hauts. Non, je n’y comprends rien.

8. Adolescent, j’aurais aimé qu’un adulte m’explique ce que je regarde quand je regarde de la pornographie. Je n’aurais pas voulu qu’il me rende honteux de m’y intéresser, non. J’aurais voulu qu’il m’explique ce qui s’y passe, qu’il me dise que ce n’est pas la vraie vie. Quelle pollution tout de même, quel ravage elle fait dans nos têtes d’hommes. Et de femmes.

9. Je n’ai jamais figuré dans les reportages sur la paternité, publiés le plus souvent dans des revues féminines. Le côté sombre de la paternité y est rarement relaté. Très tabou tout cela. L’arrivée de notre fille, par exemple, a été très «confrontante» pour moi. Je me suis senti très seul, parce que la naissance de ce petit être me faisait vivre des choses dont j’avais honte. Des blessures du passé s’exprimaient. Pour certains d’entre nous, l’arrivée d’un bébé ravive la mémoire de ce qui s’est mal passé pendant notre enfance.

10. Quand mon père nous a quittés, je me suis demandé s’il s’était déjà senti comme moi. Était-il si impuissant, si englué dans ses blessures à lui, qu’il a préféré se taire et partir? Je porte sa blessure, je sais. Je la comprends. Je le comprends. Et j’ai la possibilité, moi, maintenant, de briser la chaîne du silence.

 


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