2011, pour moi, c’est d’abord l’année d’Incendies. On a eu cadeau sur cadeau. Partout où le film était présenté, c’était la joie. Les gens étaient tellement touchés! Si avant, je ne savais pas pourquoi je faisais ce métier-là, maintenant, je le sais. Vraiment.

Denis Villeneuve me propose demain de faire un autre film avec lui? Je ne lis même pas le scénario, je dis oui tout de suite!

Si j’ai une chose en commun avec le personnage de Nawal, c’est que je ne laisse jamais tomber. Je suis combative, extrêmement volontaire. Pour le reste, ma vie n’a rien à voir avec la sienne. Je n’ai pas d’enfant. Je ne suis pas Libanaise ni Jordanienne. Je n’ai pas connu la guerre. J’ai vécu une adolescence plutôt heureuse.

Je suis née en Belgique: c’est là que mes parents se sont connus. Mon papa, un restaurateur, était d’origine marocaine; ma maman, une institutrice, était d’origine espagnole, mais on parlait le plus souvent français à la maison. Je me suis toujours sentie intégrée à la culture belge.

Devenir actrice est un désir que j’ai éprouvé dès l’école primaire. Je suivais tous les cours de théâtre et, dans les spectacles de fin d’année, je me battais pour avoir les premiers rôles. J’avais un côté clownesque. J’avais besoin de montrer que j’existais, que j’étais drôle.

Ma mère espérait que je devienne vétérinaire ou avocate. J’ai fait le conservatoire de théâtre un peu en cachette, en lui faisant croire que j’étais inscrite aux études supérieures en littérature française. Dès ma deuxième année, j’ai été engagée pour jouer dans mon premier long métrage, Les siestes Grenadine, ce qui m’obligeait à passer deux mois en Tunisie. Je n’avais plus le choix de dire la vérité…

 Le choix le plus important que j’ai fait dans ma vie professionnelle, c’est de quitter Bruxelles pour Paris. Je suis partie sur un coup de tête. J’avais à peine 22 ans, je n’avais pas un rond, j’étais toute seule. Je n’étais pas du tout connue en France. Je venais de jouer sous la direction d’André Téchiné, mais le film n’était pas encore sorti. J’ai reçu une sale gifle. Ma naïveté m’a servie: au final, j’ai beaucoup appris. Je suis sortie de cette expérience grandie.

C’est une constante chez moi: j’ai besoin de bouger. Le mouvement crée des vagues, et les vagues amènent forcément quelque chose. C’est comme ça que je vois le monde: il faut bouger, aller vers l’inconnu.

Le plus dur dans ce métier, c’est d’arriver à travailler, de pouvoir vivre de sa passion. Ça fonctionne avec le désir. Vous attendez qu’on vous désire encore. Parfois, vous attendez longtemps! Tout le monde n’est pas Angelina Jolie.

Je n’aurais jamais imaginé, il y a 15 ans, remporter un Jutra ou un Génie. Après des années difficiles, je peux vivre de ce métier. C’est ma plus grande réussite.

J’ai mes coups de blues, comme tout le monde. J’ai des moments de déprime où je me dis que je suis moche et que je joue comme une merde. Mais en général, j’aime voir le bleu du ciel plutôt que le gris. Je suis une femme heureuse.

Mes valeurs fondamentales? Liberté. Grande liberté. Sincérité. Respect de l’autre: ça, ça me vient de mes parents. Par-dessus tout: l’amour. L’amour au lit comme l’amour de mes amis.

Si un jour je n’étais plus actrice, je serais photographe. J’aime photographier les gens, leur visage. Chaque visage raconte des histoires. Parfois terriblement belles, parfois terriblement dures.

J’aurais aimé devenir journaliste de guerre. C’est un métier dangereux, mais c’est à mes yeux un des plus beaux métiers de l’humanité. L’injustice me révolte.

Je suis agnostique, mais si j’étais Dieu, je donnerais à tout le monde de quoi manger et de quoi s’abriter: toutes les choses normales auxquelles chaque être humain devrait avoir droit au 21e siècle. Puis, j’enverrais un petit mot à tous les religieux pour leur dire: «Écoutez les gars, arrêtez de me mettre tout sur le dos; moi, je n’y peux rien. Arrêtez donc vos conneries.»

 

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